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Tunisie – Santé : Les dessous du malaise des hospitalo-universitaires
04/01/2011 |
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Tunisie – Santé : Les dessous du malaise des hospitalo-universitaires
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« Un hospitalo-universitaire est généralement énervé après la réunion du comité de son CHU, car l’administration excelle dans l’art d’opposer des refus, pour absence d’allocations budgétaires, aux requêtes d’amélioration des conditions de travail qui touchent essentiellement à l’entretien du matériel d’exploration ou à la disponibilité de médicaments, voire au manque de personnel », s’est exclamé avec vigueur l’un des médecins présents à l’Assemblée générale tenue dernièrement à la faculté de médecine de Tunis. « Notre présence est donc une perte de temps et il vaudrait mieux le passer auprès des patients ou des étudiants », a-t-il conclu.

Ces propos résument le malaise des hospitalo-universitaires qui ont observé dernièrement une grève de deux jours des soins non urgents. La corporation affirme « ne pas bénéficier de conditions optimales dans l’exercice de son métier », ce qui entrave « l’exportation des services médicaux ». « Donnez-nous les moyens et vous allez voir où peut parvenir la qualité des prestations hospitalières ! », a affirmé le professeur Slim du CHU de la Marsa.
Dr Ezzaouia met, quant à lui, l’accent sur l’importance de la mise à niveau des Etablissements publics de la santé : « une greffe de foie vient de coûter à la CNAM près d’un million de dinars en France alors qu’elle ne coûte même pas le cinquième en Tunisie » en rappelant que « ce ne sont pas les compétences qui manquent. Les équipes médicales tunisiennes ont déjà fait leurs preuves dans ce domaine. Mais, les moyens mis à leurs dispositions ne permettent pas de réitérer de telles performances ».

Les centres hospitalo-universitaires (CHU) manquent de moyens malgré les efforts déployés par le gouvernement pour améliorer la situation. Le coût de la santé est élevé alors que les budgets accordés sont insuffisants et les encouragements insuffisants selon les hospitalo-universitaires qui disent craindre pour l’avenir du secteur.
Les médecins hospitalo-universitaires affirment que, face à l’attraction lucrative du secteur médical privé, les professionnels commencent déjà à fuir le secteur : « Le nombre d’admis au poste d’assistants ne couvre même pas celui des postes ouverts par l’administration et ça veut tout dire ». (Les statistiques officielles montrent que pour les assistants hospitalo-universitaires, l’administration n’a pu occuper que 175 postes en 2010 pour 185 postes ouverts et 126 sur 130 en 2009).

Le professeur Ezzaouia explique, des exemples à l’appui, la raison de l’insatisfaction de la corporation par les mesures appliquées par l’administration : «On constate que le ministère vient d’approuver le doublement de la rémunération de la garde. Or, dans l’application, cette garde reviendrait à 108 dinars pour les 18 heures, soit six dinars l’heure ! Ce qui est insignifiant. Une consultation médicale, qui ne dure que 30 minutes, est rémunérée 35 dinars par la CNAM. Pourtant, le gouvernement a déboursé 15 millions de dinars pour une telle mesure. C’est dire tout le paradoxe dans l’examen d’une telle situation ».
Les hospitalo-universitaires n’ont pas omis de répondre à l’administration concernant l’Activité privée complémentaire (APC) à laquelle une partie d’entre eux (professeurs et chefs de services régionaux) peuvent s’adonner. « D’une part, moins de 25 % des professionnels exercent en APC. D’autre part, l’APC n’a jamais constitué une réclamation du syndicat et ne saurait être comprise dans la rémunération du corps hospitalo-universitaire. C’est l’administration qui a décidé de suspendre le plein temps aménagé (PTA) en 1988 et c’est encore l’administration qui a décidé d’introduire l’APC. Pour nous autres, notre réclamation fondamentale, c’est de garantir l’exercice du Plein temps intégral (PTI) dans les conditions les plus sereines et dans la dignité pour assurer une formation médicale de qualité et une prise en charge optimale des pathologies dans les établissements hospitalo-universitaires », précise le professeur Slim.

Dr Ezzaouia ajoute que la corporation est prête à examiner la situation générale de la profession, y compris l’APC, et trouver une solution globale. Il rappelle que « bien que la médecine tunisienne soit pionnière au Maghreb, voire en Afrique, les médecins tunisiens ne perçoivent même pas la moitié des honoraires perçus par leurs confrères marocains ou algériens ». Les chiffres montrent que les Tunisiens perçoivent moins de trois mille dinars alors que les Marocains et les Algériens dépassent largement l’équivalent de 6.000 dinars (4.000 Euros et 3.500 Euros).
Les médecins hospitalo-universitaires parlent, certes, de rémunération de l’enseignement médical mais, c’est juste un alibi pour contester le nivellement vers le bas de leur situation. Ils veulent, tout bonnement, l’amélioration de leur situation matérielle pour préserver leur niveau de vie.

L’administration est appelée à examiner cette situation avec doigté. Il s’agit d’une partie de l’élite qui n’a pas fui le secteur public de la santé et qu’il est nécessaire d’encourager pour la pérennité de ce secteur. Les chiffres montrent, certes, qu’il y a toujours des candidats qui se présentent aux divers concours. Mais, si c’est encore le plein chez les professeurs qui sont déjà des assistants et avaient déjà choisi de rester, ce n’est plus le cas pour les assistants qui hésitent déjà avant de s’aventurer même pour un apprentissage approfondi dans les CHU en tant que professionnels responsables et, non, internes ou résidents.

La situation mérite des négociations approfondies et un débat ouvert entre tous les intervenants dans ce secteur stratégique en Tunisie.
04/01/2011 |
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