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Débats parlementaires du budget 2011 : quand les députés "agacent" les ministres

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La Chambre des députés a achevé samedi dernier les débats sur le projet du budget de l’Etat pour l’année 2011, après huit jours marathoniens de débats parlementaires. L’issue était certes évidente dans la mesure où le RCD, parti au pouvoir, détient 75 % des sièges. Il n’empêche que plusieurs séquences de ces débats montrent l’existence de différences de conceptions sur les problématiques soulevées, traduisant ainsi le baromètre des équilibres socioéconomiques globaux du pays.
Il suffit de revenir sur les critiques lancées à l’encontre de plusieurs ministres et émanant même de députés du RCD pour conclure qu’en lisant entre les lignes des débats de la Chambre des députés et en s’intéressant aux coulisses, plusieurs observations peuvent être faites.
Certes, la réduction à une semaine le nombre de journées de débats et la limitation à trois minutes des interventions de chaque député ne permettent plus d’assister aux mêmes polémiques que celles par le passé, quand les débats du budget d’un ministère peuvent durer plus d’une journée. Chaque député avait la latitude de parler autant qu’il veut et s’étendre sur les détails. Ces dernières années, les parlementaires sont appelés à cibler leurs propos et à être courts et précis dans la transmission des messages.
Cette compression des débats n’a pas empêché d’assister à une véritable levée de boucliers entre le ministre des Affaires religieuses et l’un des députés sur les conditions du dernier pèlerinage. Le député, RCD, Mohsen Témimi, a accusé ouvertement le ministre de « déroger aux recommandations du Président de la République ». Il a appelé à « la création d’une commission nationale d’enquête pour délimiter les responsabilités de ce qui est arrivé comme mésaventures aux pèlerins tunisiens, y compris la délégation officielle, qui est restée huit heures en attente à l’Aéroport de Jeddah pendant son retour ».
Par ailleurs, cette question d’un meilleur encadrement des pèlerins a constitué l’un des sujets à l’ordre du jour du Conseil des ministres de la semaine dernière, deux jours après cet échange au sein de la Chambre des députés.
Le ministre de l’Education n’a pas été, lui non plus, épargné. Le député Faouzi Jrad, de l’opposition cette fois (PUP), est allé jusqu’à dire que « c’est un ministère sans ministre ». Le ministre aurait dit en privé que « 90 % des visites des députés le sont pour des raisons personnelles ». Les propos du député ont provoqué des réactions de la présidence de la séance à la Chambre qui lui a rappelé les règles de bienséance quand on pose une question à un ministre nommé par le président de la République.
Les propos des députés de l’opposition, critiqués en général par les observateurs pour leur mollesse, n’ont pas manqué de jus.
Dans l’une des interventions, le député Taïeb Mohsni (MDS) n’a pas trouvé mieux que d’interroger le gouvernement « s’il est satisfait de la situation de l’agriculture » pour chuter sur « le constat du malaise dans ce secteur et sur la nécessité de collaborer pour sortir de la crise ». « Notre rôle en tant que députés, c’est d’attirer l’attention de l’administration sur ce qui ne va pas et ce n’est pas parce que le ministre est aux commandes de son département qu’il doit dire que tout baigne dans l’huile », a-t-il souligné.
Fait notable de l’exercice parlementaire, rares les députés qui ont réalisé une esquisse de bilan ou d’évaluation de l’exercice gouvernemental, peut-être à cause du temps réduit imparti, peut-être aussi à cause de la difficulté de la tache, il n’empêche que le député Tarek Chaâbouni d’Attajdid a attiré l’attention du gouvernement sur le fait que « les comparaisons doivent se faire par rapport à 2008 pour parler de reprise ». Dans l’application de son approche, il a constaté que « les chiffres de 2010 montrent que, d’une part, les recettes du tourisme et des Tunisiens à l’étranger ne couvrent pas le déficit de la balance commerciale et, d’autre part, l’Indice de production industrielle, et malgré une sensible reprise en 2010, est encore légèrement inférieur à son niveau de 2008 ».
Le vote de la loi de Finances 2011, article par article, a suscité un débat, notamment sur les nouveautés. Ainsi, l’article 26, concernant la création de centres privés d’assistance et d’hébergement pour handicapés, a suscité des réserves de la part de plusieurs députés, qui se sont interrogés sur « l’efficacité d’une telle action surtout que l’expérience des foyers universitaires privés et des jardins d’enfants traîne encore des lacunes ».
Les propos de ces députés ont traduit leurs « soucis quant à la préservation du rôle de l’Etat dans la prise en charge des handicapés ».
L’article 30 sur la création de la fonction de médiateur fiscal a suscité, lui aussi, des discussions sur « l’impératif de son introduction dans la loi de Finances ».
Les remarques faites à propos de ces articles (et d’autres) ont permis d’introduire du dynamisme dans les débats parlementaires. Lequel dynamisme aiderait sûrement à l’éclosion d’une presse parlementaire dynamique et alléchante.
Au bout de ce marathon, le projet de la loi de Finances 2011 a été adopté. Seuls les deux députés du Mouvement Ettajdid ont voté contre. Les douze députés du PUP se sont abstenus, tout comme cinq (sur les neuf) députés de l’UDU.
Sur instructions du président Zine El Abidine Ben Ali, Mohamed Ghannouchi, Premier ministre a clôturé, samedi après-midi, les débats de la Chambre des députés sur le projet du budget de l'Etat pour l'année 2011.
Le Premier ministre a transmis aux députés la satisfaction du président de la République pour le dialogue fructueux qui a empreint les débats, et sa considération pour leur contribution à l'approfondissement de la conscience des exigences de la nouvelle étape, dans le processus de développement, et dans la recherche des moyens les plus efficaces pour la concrétisation des priorités fixées et pour relever les défis qui se posent.
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