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Affaire Deloitte Conseil Tunisie : le combat « perdu » de l'Ordre des Experts Comptables
29/10/2010 |
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Affaire Deloitte Conseil Tunisie : le combat « perdu » de l'Ordre des Experts Comptables
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La justice tunisienne a confirmé, le 11 octobre, le jugement prononcé en référé en février dernier dans l’affaire opposant Deloitte Conseil Tunisie à l’Ordre des Experts Comptables de Tunisie.
Jusqu’à nouvel ordre, et en attendant un autre rebondissement judiciaire, la société de conseil Deloitte Conseil Tunisie ne pourra pas exercer en Tunisie, ni organiser de cérémonie de lancement.
L’Ordre des experts comptables, et ses 600 membres, gagne une manche dans sa « guerre » l’opposant aux grands noms de l’expertise comptable.
Deloitte est, rappelons-le, numéro un mondial. En France, seulement, il compte 6300 collaborateurs.


Dans un courrier anonyme adressé à Business News, on apprend que Deloitte Conseil Tunisie a perdu son procès en appel. Information qui nous a été confirmée officiellement par une des parties prenantes de l’affaire.
Qui a adressé ce courrier anonyme et dans quel objectif ? Il semblerait que Business News n’était pas l’unique destinataire de ce courrier dont l’expéditeur a intérêt, manifestement, à faire du bruit autour de cette « victoire » juridique.
Un jugement visant, rappelons-le, à empêcher le lancement des activités de Deloitte Conseil en Tunisie.

Contacté par Business News, Mohamed Louzir, gérant du cabinet MS Louzir membre de Deloitte Touche Tohmatsu Limited en Tunisie, a attiré notre attention sur quelques points.
Deloitte Conseil Tunisie n’exerce aucune activité comptable, d’expertise comptable ou de commissariat aux comptes en Tunisie. Deloitte Conseil Tunisie est filiale à 100% de Deloitte France comme le signalent les documents d’ouverture enregistrés en décembre 2009 à l’API, elle a pour mission : d’aider les entreprises tunisiennes à devenir davantage concurrentielles et à s’adapter à un environnement économique en forte évolution, assister les entreprises tunisiennes dans l’appréhension des règles locales des pays où elles comptent s’implanter, leur permettant de réaliser des plateformes d’offshoring destinés aux marchés européens ou africains, d’aider les entreprises étrangères à s’installer en Tunisie ».il s’agit d’une activité libre en Tunisie et qui n’a rien à voir avec l’expertise comptable.
Selon le courrier anonyme, «les juges tunisiens [auraient] considéré que la constitution de cette société n'est qu'un montage juridique et que dans la réalité des choses, la firme française d'audit
« Deloitte » va exercer sous un masque de société de conseil. »

« C’est faux et totalement faux », répond M. Louzir qui affirme qu’il s’agit d’un jugement en référé qui ne s’est pas prononcé sur le fond du litige puisque le jugement de première instance ordonne à la partie la plus diligente d’introduire une action devant le juge de fond. Or, à ce jour aucune action au fond n’a été introduite »
Selon lui, l’activité d’expertise comptable et de commissariat aux comptes, est gérée par le cabinet MS Louzir dont les associés Mohamed et Sonia Louzir sont tous les deux experts comptables et membres de l’Ordre des Experts comptables de Tunisie. Ce cabinet est devenu membre de Deloitte Touche Tohmatsu depuis début 2010.
Ce cabinet, de droit tunisien, géré par des Tunisiens et employant des Tunisiens, exerce depuis une bonne quinzaine d’années et compte un portefeuille de clients très prestigieux, parmi lesquels on peut citer Orange Tunisie ou Sagem.
Deloitte Conseil Tunisie n’a donc rien à voir avec l’expertise comptable et ne fera que du consulting en Tunisie.

L’autre partie prenante dans l’affaire est assurément l’Ordre des experts comptables de Tunisie (OECT) qui vient de remporter l’appel.
Contactée par Business News, juste après la réception du courrier anonyme, une directrice au sein de l’Ordre a promis, en des termes très courtois (ce qui n’est pas souvent le cas dans cet organisme), de nous répondre dans les plus brefs délais. C’était mercredi 27 octobre. Nous attendons encore.

En dépit des apparences, cette affaire a dépassé le simple conflit entre une grosse boîte étrangère (Deloitte) et une corporation (l’OECT).
Depuis des années, Deloitte était bien représentée en Tunisie et n’avait aucun souci de quelque nature que ce soit. C’était l’époque où son représentant s’appelait Ahmed Mansour lequel dressait fièrement sur du marbre de haute qualité l’enseigne Deloitte devant son cabinet à El Menzah VII.
Pour une raison qui n’a jamais été dévoilée, M. Mansour n’est plus le représentant de Deloitte qui lui a préféré son « élève » Mohamed Louzir. Et c’est là que les problèmes ont commencé. Coïncidence de calendrier, diront ceux qui croient aux coïncidences.
C’est que M. Mansour a plusieurs cordes à son arc et autant de casquettes dont celle de président de l’Ordre des Experts Comptables. C’est à ce titre, et uniquement à ce titre, qu’il (ou plutôt le bureau du conseil) a attaqué Deloitte devant la justice. L’OECT a remporté le 1er et le 2ème round (le référé et l’appel du référé) et fera tout pour remporter le fond de l’affaire.

En attendant, et quelques semaines après avoir fait annuler le lancement de Deloitte, l’OECT a multiplié les communiqués dans lesquels il déclare désapprouver les short list des professionnels et rappelle que l’adhésion à un réseau étranger ne constituait pas nécessairement un avantage compétitif, ni un label de qualité et de compétences. Seule l’appartenance à l’OECT est la référence et le garant de l’indépendance et de l’intégrité de la profession, indiquent les communiqués de l’Ordre qui, semble-t-il, ont été publiés une première fois en 2003. C’était en mars dernier.
Deux mois plus tard, au mois de mai, l’OECT opère un amendement des règlements intérieurs à la lumière duquel il n’est plus possible aux experts-comptables et commissaires aux comptes tunisiens de s’associer à un réseau international sans soumettre un dossier à l’Ordre. De même, il n’est plus possible d’user du nom de ces réseaux dans les soumissions de missions au commissariat aux comptes.

Manœuvre électorale, diront certains. Protectionnisme d’une autre époque, diront d’autres. Quoi qu’il en soit, les manœuvres de l’Ordre ne seront pas suivies d’effets.
Les cabinets exerçant sous une enseigne étrangère ont continué comme si de rien n’était. Sous leurs rapports annuels, on lit toujours la signature du commissaire aux comptes et l’enseigne internationale à laquelle il appartient.
Dans les coulisses des cabinets, les critiques sont nombreuses à l’égard de l’Ordre, même si la majorité se garde de se prononcer en public. Les « grands » estiment que cette affaire nuit à leurs intérêts et à l’image d’un pays qui se veut ouvert et libéral.
Quant aux « petits », ils ambitionnent tous de devenir « grands » un jour et être membre, à leur tour, d’une enseigne internationale prestigieuse. Dès lors, ils ne voient pas du meilleur œil ces manœuvres des instances dirigeantes de leur corporation.
D’autant plus qu’ils savent pertinemment qu’ils sont actuellement dans l’incapacité de prendre des marchés de grandes entreprises et que celles-ci, de toute façon, ne viendraient pas frapper à leur porte. Aucun grand groupe, aucune banque ne viendrait demander à un jeune commissaire, fraîchement installé, de lui vérifier ses comptes.
Quant aux multinationales installées en Tunisie, elles ne jurent que par les commissaires membres d’enseignes internationales.

Et qu’ils soient grands ou petits, PME ou grands groupes, beaucoup insistent pour faire le lien du timing du déclenchement de cette affaire : ce n’est que lorsque le président de l’OECT n’est plus membre de Deloitte que l’OECT a commencé à s’attaquer aux enseignes étrangères.
Bien qu’il ait gagné la bataille juridique, l’Ordre des experts-comptables ne donne pas vraiment l’air de gagner sur le terrain, puisque ses « ordres » n’ont pas été suivis d’effets concrets. Et encore moins sur le plan de l’image puisque cette histoire n’a fait que donner à l’OECT l’image d’une corporation refusant d’épouser son époque.

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