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Opérateurs téléphoniques : trois concurrents et un débat
20/10/2010 |
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Opérateurs téléphoniques : trois concurrents et un débat
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C’est une première en Tunisie. Les représentants officiels des trois opérateurs téléphoniques réunis autour d’une table pour débattre à cœur ouvert et, théoriquement, sans langue de bois du secteur des télécommunications, de la concurrence entre eux, des prix, des SSII, du contenu et de l’avenir.
En dépit des apparences, le débat n’a pas vraiment fait de vagues. Nos opérateurs téléphoniques n’aiment point la polémique, ne sont pas prêts pour des couteaux tirés, et encore moins pour des révélations spectaculaires.
En dépit des dénégations des uns et des autres, les trois opérateurs qui se disent concurrents, se sont bien entendus pour qu’il n’y ait pas de mésentente.


Ambiance feutrée, assistance sélect et débat poli. Les invités de l’ATUGE pour le dîner-débat du 18 octobre avec les opérateurs téléphoniques tunisiens sont rentrés assez déçus pour ne pas avoir assisté à un jet d’assiettes et des couteaux tirés entre les représentants de Tunisie Telecom, Tunisiana et Orange.
« Pour des concurrents, ils se sont bien ménagés, commente un chef d’entreprise atugéen à la sortie. Même vous les médias, vous les avez ménagés ! Vous auriez pu, vous auriez dû être agressifs et les coincer dans leurs derniers retranchements ! On attendait davantage de votre part et de la leur !»
Yves Gauthier, DG de Tunisiana, semble satisfait lui. Il a bien apprécié. Idem du côté des représentants des deux autres opérateurs qui, bien qu’ils soient concurrents, sont interdépendants dans l’action quotidienne. Quand on a un seul opérateur, on a un monopole. Quand on en a deux, c’est un duopole et quand on en a trois, c’est un cartel », a commenté un jour un dirigeant d’un grand groupe tunisien. Est-ce le cas de Tunisie Telecom, Tunisiana et Orange Tunisie ? La question fut posée directement, et sans ménagement, et les dénégations sont venues des trois côtés. Thierry Marigny, DG d’Orange Tunisie, a même insisté pour lever le soupçon d’un doute sur une quelconque entente avec les « concurrents » qui, dans un lapsus ou un excès de politesse, se renvoient des « confraternités ».

Thierry Marigny a pourtant bien essayé de jouer le jeu de l’agressivité dès le démarrage du débat. Interrogé sur les chiffres et les produits, il a répondu par cette boutade : « Nos amis de Tunisie Telecom ont des débits très hauts sur le papier et très bas dans les foyers ». « Nous faisons face à des opérateurs qui ont oublié le sens de la compétition, nous serons donc les poils à gratter. »
Les machiavéliques de la soirée ont commencé à se frotter les mains. En guise d’hors d’œuvre, ils ne demandaient pas mieux. Mais M. Marigny s’est rapidement assagi face aux réponses polies (dans le sens politesse) et polies (dans le sens lisses) de ses « amis ». Bon à noter, M. Marigny est parti avec un certain désavantage puisque ses concurrents connaissent très bien France Telecom pour y avoir travaillé dans le passé, alors que lui ne connait pas de l’intérieur Tunisiana ou Tunisie Telecom. Sans compter, comme il le signalera, par la suite, qu’il se sent petit face à deux opérateurs ayant un si gros chiffre d’affaires et un réseau complet.
L’assistance devra donc admettre, voire se laisser convaincre, de la rude concurrence entre les trois. Des différends entre eux ? Oui, il y en a et l’INT est là pour les résoudre. Yves Gauthier ne manquera pas de tarir d’éloges sur le gendarme des télécoms qui n’a jamais fait preuve, selon lui et sans qu’il ne soit contredit, de favoritisme quelconque à l’égard d’un opérateur.
Fadhel Kraïem, DGA de Tunisie Telecom et un ancien du mastodonte marocain Wana et de France Telecom, ne dérogera pas à cette ligne. Oui, il y a concurrence de tous les côtés et chacun l’aborde à son style. Pour Tunisie Telecom, les choses ne bougent que dans ce sens. Il rappelle l’achat de Topnet et le changement de logo. Il rappelle (à Thierry Marigny) les chiffres de l’ADSL qui ont plus que doublé entre 2008 et 2010, tout comme le débit. Il rappelle aussi cette bande passante qui a décuplé. « Tunisie Telecom n’est pas qu’un opérateur de tuyaux », conclura-t-il, après avoir indiqué que sa stratégie commerciale (ou concurrentielle) est basée sur la simplicité à tous les niveaux : dans la conception des offres, du parcours du client, de la communication…
Pour Yves Gauthier, il y a certainement plus de coups francs quand on est trois que quand on est deux. Il en profitera pour réclamer l’obtention de la licence 3G afin de pouvoir, lui aussi, avoir son ballon et jouer avec les autres.

Mais il n’y a pas que l’INT pour jouer aux gendarmes, il y a, également, le conseil de la concurrence. Quid alors des pénalités infligées par ce conseil aux deux opérateurs ou encore, en France, des pénalités infligées à SFR, Bouygues et Orange, pour entente ?
Thierry Marigny minimise les condamnations françaises alors qu’Yves Gauthier, lui, se montre stupéfait devant la condamnation du Conseil tunisien de la Concurrence. Selon lui, Tunisie Telecom et Tunisiana ont été condamnés parce qu’ils ont traversé le croisement au vert. S’il y a des prix identiques entre les deux opérateurs, c’est parce que c’est l’Etat tunisien qui a fixé ces prix. « Celle-là, j’avoue ne pas l’avoir vue venir !, dit-il. Etre condamné pour avoir appliqué des prix qu’on nous a demandé d’appliquer est étonnant de la part de ce conseil. De toute façon, nous avons fait appel et je fais confiance aux juges. »
Thierry Marigny revient par la suite à la charge et n’admet pas qu’on puisse l’accuser de ne pas concurrencer les autres. Il rappelle avoir lancé plusieurs produits et qu’il sera présent sur tous les segments et sur tous les marchés. « Quant au dégroupage, on l’attend depuis un an ! L’opérateur national met du retard ! »
Fadhel Kraïem ne laissera pas l’accusation passer sous silence et répond que le dossier du dégroupage est entre les mains de l’INT.
Critiqué sur le manque de réactivité et les faibles actions commerciales destinées aux entreprises (pas de porte à porte notamment), le DGA de Tunisie Telecom prend acte et demande à Mousser Djerbi (directeur des marchés entreprises, présent dans la salle) d’en faire de même. « L’entreprise est le meilleur segment parce qu’il permet la meilleure visibilité pour l’opérateur et lui offre les marges les plus intéressantes ».

Deux autres axes ont été débattus au cours du dîner-débat : le développement du contenu et des SSII locales et l’avenir des télécommunications.
Concernant le premier point, le DG d’Orange a parlé des Orange Labs et des incitations mises en place pour le développement du contenu mobile.
Le DG de Tunisiana a rappelé que quasiment tout ce qui se fait à Tunisiana est élaboré par des compétences et des SSII tunisiennes. Il a exposé également les incitations mises en place pour l’encouragement de l’industrie du contenu en Tunisie.
Quant au DGA de Tunisie Telecom, il a longuement exposé la filiale créée à cet effet par l’opérateur, DIVA Sicar. Cette entreprise de capital-risque n’a malheureusement pas reçu des projets comme Tunisie Telecom le souhaite. Aussi bien en nombre qu’en qualité.
M. Kraïem a exposé les concours lancés pour le meilleur contenu numérique et les contenus les plus innovants et en a profité pour lancer un appel à candidatures pour la réception de projets novateurs que Diva Sicar pourrait financer.

Pour ce qui est de l’avenir, « Au-delà des technologies, il y a beaucoup de services qui pourraient être développés, a indiqué Fadhel Kraïem, tels le m-paiement et tout ce qui touche le quotidien. Il y a en fait un réel effort pédagogique et éducationnel à fournir pour l’accès aux services ».
Yves Gauthier a déclaré, sur un ton humoristique, n’en savoir « fichtrement rien ». Il avoue déjà avoir du mal à boucler son business plan sur trois ans et à voir au-delà d’une semaine.
Thierry Marigny, prenant le relais humoristique de « son concurrent », essaiera de voir au-delà d’une semaine et fera un bel exposé de prospective (nous ne dirons pas science fiction) où l’on aura plus de vitesse et beaucoup plus de flexibilité.

Ce qu’on omettra de signaler, c’est que quelle que soit la stratégie adoptée et l’avenir du secteur et des opérateurs, il y aura toujours une seule et unique ligne directrice pour les trois patrons présents : satisfaire les attentes et les priorités de leurs actionnaires respectifs.
Et, sur ce point, aussi bien Fadhel Kraïem qu’Yves Gauthier et Thierry Marigny semblent bien avoir rempli leur mission. Et quand on sort des grandes écoles, on sait parfaitement à quoi s’en tenir pour satisfaire ses grands actionnaires. Ce n’est qu’ainsi qu’ils peuvent garantir leur avenir bien au-delà d’une semaine et de trois ans.

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20/10/2010 |
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