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Les sept vérités sur la transparence en Tunisie
01/07/2010 | 1
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Les sept vérités sur la transparence en Tunisie
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"Quelles incitations pour quelle transparence ? », tel était le thème de la deuxième conférence nationale sur la gouvernance d’entreprise, organisée mercredi 30 juin 2010, par le Centre tunisien de gouvernance d’entreprise. Un thème, même s’il n’est plus d’actualité, toujours est-il qu’il demeure au cœur d’un discours omniprésent dans les sphères politiques, économiques et sociales sur l’importance de l’application des pratiques de la bonne gouvernance.
Partant du principiel stipulant que l’obligation de transparence pèse non seulement sur l’administration, y compris toutes ses ramifications, mais aussi sur l’entreprise, l’élément central et le cœur battant de la vie économique, on comprend mieux l’intérêt crucial porté à cette question à l’aune des mutations tant internationales que nationales que connaît la trame économique. Or, il semble que la transparence est loin d’être suffisamment enracinée. D’aucuns voient même dans la « non transparence », le corollaire objectif des pratiques opaques, un symptôme et une conséquence d’un malaise sociétal.

Ouvrant la conférence, Mohamed Ridha Chalghoum, ministre des Finances, a donné un cadrage nécessaire à la question tout en rappelant que la bonne gouvernance pour les entreprises tunisiennes est une résultante d'exigences plurielles, surtout dans un contexte mondialisé où la transparence et la compétitivité constituent la seule arme de résistance possible. Le ministre a affirmé que l’adhésion aux principes de la gouvernance constitue un atout de compétitivité et de pérennité en rappelant, à juste titre, que les différentes réformes présidentielles, notamment en fiscalité, qui ont durci le régime fiscal actuel, en vigueur depuis 2000, et ce dans l’objectif d’inciter les entreprises tunisiennes à s’engager davantage dans le processus du développement global. Selon M. Chalgoum, une bonne gouvernance peut, largement et positivement, contribuer au développement d’une PME familiale et l’aider à faire face aux défis de la mondialisation, de la compétitivité et même de la conjoncture internationale.

Seulement, Il faut dire que la notion même de "bonne gouvernance" est quelque peu controversée, surtout dans un tissu économique tunisien composé, à hauteur de 75%, des PME dont la plupart sont des entreprises familiales et plus que 70% de ces entreprises n’arrivent pas à assurer leur survie jusqu’à la deuxième génération. Pis encore, 90% ne survivent pas jusqu’à la troisième génération. Il existe une confusion entre capital et gestion. La transparence des comptes fait toujours défaut. Déjà, on se le demande tous si la peur de nos dirigeants sociaux de s’ouvrir en interne, en ce sens sur leurs subordonnés, actionnaires et partenaires et en externe, notamment sur le marché financier, ne prend pas le pas sur l’adoption de la transparence comme un mode et modèle de management.
Adel Grar, PDG d’Amen Invest et Président de l’association des intermédiaires en Bourse, en très bon connaisseur du sujet, n’a pas épargné les présents à une salve de constats : le niveau de la transparence n’est pas suffisant en Tunisie, la résistance de certains dirigeants continue à prendre le pas sur l’application des règles de la bonne gouvernance, et enfin, cette même gouvernance ne serait jamais ancrée si elle n’est pas fondée sur la transparence. Or, cette dernière ne peut être concrétisée que lorsqu’elle est fondée sur la divulgation de plein gré de l’information claire, précise et pertinente. Seulement cette information, selon qu’il s’agisse d’une petite, moyenne ou même une grande entreprise, soit elle n’existe pas soit elle n’est pas structurée. "Il y a des dirigeants qui nous raccrochent au nez dès qu’on les appelle pour leur demande de communiquer une information », a-t-il souligné.

Pourquoi donc cette transparence ? Si l’on doit retenir une chose de cette conférence, on citera « les sept commandements » exposés M. Grar, sur lesquels, il a bâtit toute son intervention et qui ne devraient pas, à notre sens, tomber dans l’oreille d’un sourd.
Tout d’abord, la transparence est une obligation légale. En ce sens, les dirigeants des entreprises tunisiennes se doivent légalement d’être transparents. A juste titre, plusieurs textes de loi imposent, explicitement ou implicitement, l’obligation de la transparence et la traçabilité des actions menées, au niveau de la comptabilité par exemple.
La transparence est une obligation, également, pour soi-même, c’est-à dire, que les entreprises tunisiennes sont appelées à faire la distinction entre le directoire et le conseil d’administration. Laquelle distinction s'ajoute à une plus nette séparation des pouvoirs. En effet, chaque dirigeant est obligé de faire la distinction entre la propriété du capital et l’administration de la société et de doter chaque organe de pouvoirs et d'attributions propres.
Les pratiques opaques et non transparentes, ajoute M. Grar, représentent un réel handicap devant la duplication des « success model » ce qui revient à dire, en termes plus clairs, l’absence de la transparence au sein de l’entreprise, faute de la tenue d’une base de données ,d’un historique alimenté par des informations précises et pertinentes et de l’actualisation des données dont dispose l’entreprise, ne favorise pas ni l’apprentissage ni la transmission des expertises et des expériences. Désormais, l’exercice managérial se fait à la hâte et au jour le jour. Concernant ce point, Adel Grar, sur un ton humoristique, s’est interrogé sur le nombre des entreprises qui réalisent leurs assemblées générales sans un PV, un document qui assure la traçabilité des décisions prises par le staff managérial.

Le plus souvent, précise M. Grar, l’information est accaparée par le dirigeant de l’entreprise. L’on se demande alors quelles sont les tâches du conseil d’administration ? Apparemment, on leur épargne de fournir de l’effort et de se contenter du rôle de l’observateur. Car à entendre M. Grar, tout le pouvoir décisionnel étant entre les mains de la direction, les membres du conseil d’administration seront appauvris de toute information, ce qui est de nature de boucher devant eux toutes voies toute participation active dans la prise de décision. D’où la nécessité qu’il faille définir les rôles et les responsabilités des actionnaires, des conseils, des membres du conseil (exécutifs, non exécutifs, indépendants) et des différents comités. Les membres du conseil d’administration doivent avoir de l’expérience et de l’expertise qui leurs permettent de s’exprimer indépendamment dans certaines situations.
Un autre problème non moins épineux, celui de la transmission et la succession dans les entreprises tunisiennes fondée sur ce que M. Grar appelle « la mémoire verbale » qui ne relève pas de la logique de la bonne gouvernance. C’est la mémoire du père fondateur qui ne cherche pas à passer le flambeau de son vivant. Faut-il rappeler, que la transmission familiale interne n’est pas perçue comme une préoccupation majeure ?. Du point de vue gouvernance, la pratique du terrain révèle toutes les difficultés d’ordre fiscal, juridique et financier rencontrées par les dirigeants au moment d’assurer leur succession. Une situation qui ne présente pas un grand souci, faut-il l’avouer, pour les pères fondateurs. Ce qui revient évidemment à un problème de transparence.

Ce problème devient de plus en plus embarrassant, lorsqu’une entreprise, n’arrivant pas à parachever l’opération de transmission dans les règles de l’art les plus transparentes, échoue à trouver un repreneur, faute encore une fois de cette « mémoire verbale ». Car le véritable problème lors de la succession, n’est pas le fait que le père fondateur n’ait pas fait passer l’information à son successeur mais parce que l’information, étant verbale et non écrite, n’existe pas.
Et pour conclure, M. Grar, a rappelé à l’audience que la planification de la transmission d’entreprise et même sa pérennité, sans la transparence, sont de vain mots. Assurer la pérennité d’une entreprise, quelles qu’en soient la taille et l’activité est avant tout une gestion à jour et des outils de pilotage indispensables, ce qui repose sur une information fiable et facilement accessible.

Il a tenu a préciser qu’au lieu de se focaliser sur la question des incitations fiscales à accorder aux entreprises tunisiennes, il est beaucoup plus important de canaliser le discours vers une aide de la part des autorités publiques pour ancrer davantage la culture de la transparence chez ces entreprises. Une opinion largement partagée par Slim Zarrouk, président du Centre tunisien de gouvernance d’entreprise, qui a précisé que l’intervention de l’Etat dans ce domaine est plus que nécessaire dans une première étape surtout en l’absence d’une discipline efficace par les marchés."Elle permet d’ancrer la culture de la transparence auprès de nos PME, majoritairement familiales et à les encourager à aller de l’avant et d’une manière, que nous souhaitons, irréversible dans cette voie", a-t-il ajouté.
Un souhait émis par M. Zarrouk ! Car, l’ancrage de cette culture se jauge à l'aune non seulement des incitations et des avantages fiscaux, mais surtout d’un cadre réglementaire pénalisant les pratiques obscures et opaques.
01/07/2010 | 1
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