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Fraude fiscale en Tunisie : 747 millions de dinars de manque à gagner en 2009

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La croissance stable, continue et permanente qu’a connue l’économie tunisienne, au cours des dernières années, aurait dû être accompagnée par une hausse notable des recettes fiscales locales de l’Etat. Le nombre des entreprises n’a cessé d’évoluer. Il en est de même des opérateurs économiques et des consommateurs, suite à l’amélioration notable du revenu par tête d’habitant. Il est naturel par conséquent de s’attendre à une croissance des recettes fiscales de l’Etat, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Faut-il rappeler que cette taxe est payable, en définitive par les consommateurs ? Or, la réalité est toute autre. Les recettes fiscales au titre de ce type d’impôt n’ont cessé de baisser. Une baisse due, au regard des experts, à la fraude fiscale et à l’augmentation du nombre de ceux qui échappent au paiement des impôts.
Les chiffres sont quelque peu alarmants. Un article paru sur le quotidien en langue arabe Echourouk fait état d’un manque à gagner pour le budget de l’Etat, au cours du premier semestre de l’année 2009, et qui s’est élevé à 747 Millions de Dinars, se basant sur les données contenues dans la loi de finances complémentaire promulguée en juillet 2009.
Toutefois renseignement pris auprès du Ministère des finances, il s’avère que le montant de 747 millions de dinars n’est pas dû à une fraude fiscale, mais à une révision des recettes fiscales pour l’année 2009 par rapport aux prévisions initiales. Cette rectification a été imposée par la crise économique internationale. Il s’agit donc, selon le Ministère d’une conséquence logique des effets de la crise sur l’activité économique qui a nécessité la révision du taux de croissance du PIB de 5 à 3% mais aussi et principalement (près de 60% de ce montant 747 MD) d’une correction technique découlant de la révision à la baisse du cout international du baril de pétrole et donc des versements fiscaux des sociétés pétrolières opérant en Tunisie , baisse qui toutefois "bien compensée" par une réduction des dépenses en terme de subvention budgétaire aux produits pétroliers.
Sachant toutefois, toujours d’après le Ministère des Finances que l’ajustement à la baisse des recettes fiscales est largement "équilibré" par une nette amélioration des recettes propres non fiscales et de la diminution de la subvention carburant comme précisé ci-haut. Autre précision importante, l’augmentation du déficit budgétaire de 3% à 3,8% n’est pas la conséquence directe de la révision des recettes mais s’explique essentiellement par l’augmentation des dépenses d’investissement (dépenses Titre II) dans le cadre des mesures de soutien et de relance de l’économie, action qui s’inscrit parfaitement dans la logique de soutien budgétaire de l’activité économique prônée par tous les organismes internationaux FMI, BM etc.
La fraude fiscale trouve ses origines en premier lieu, dans la faiblesse de la conscience des opérateurs économiques. Ceux-ci considèrent que la pression fiscale est lourde et que le fait de s’acquitter de l’impôt réduit sensiblement les bénéfices. Pourtant, la pression fiscale en Tunisie s’exerce à un taux moyen en comparaison avec les taux pratiqués sous d’autres cieux.
Outre le facteur psychologique (faiblesse ou manque de conscience fiscale), la complexité des procédures techniques concernant la déclaration de la TVA, ainsi que le vide et les lacunes juridiques, dissuadent plusieurs de s’en acquitter. Ceci relève clairement d’une problématique qui existe du côté de chez nous : celle de la volonté manifeste du Tunisien de tout faire pour ne pas payer le fisc, tout au moins en faire le plus, pour en payer le moins. La question se pose alors au niveau du degré d’accomplissement du devoir fiscal et aussi sur l’étendue de la fraude fiscale.
Souheil Gaddour, professeur chercheur, membre de l’Association tunisienne de Droit fiscal (ATDF), analyse les causes de la fraude fiscale, soulignées par le rapport général des études législatives fiscales, publié par le ministère des Finances, en 2002. Les comportements des opérateurs économiques afin d’échapper au paiement de l’impôt y sont exposés.
L’expert précise que certains créent des situations juridiques irréelles afin de bénéficier d’avantages fiscaux ou pour profiter de réduction sur l’impôt dû ou encore pour bénéficier d’une restitution de l’impôt. C’est ce qui s’est passé dans la plus fameuse des affaires judiciaires, celle de General Leasing, condamnée, par le tribunal de cassation 2008 (cliquer ici pour lire notre article à ce sujet). Une société dont plusieurs responsables ont été poursuivis pour avoir profité de l’exonération de la TVA, suite au financement de projets agricoles fictifs. La fraude s’est chiffrée par millions de dinars tunisiens.
Ce comportement a transformé les bénéfices et avantages accordés par l’Etat en atouts exploités par les opérateurs économiques, pour ne pas payer l’impôt et surtout pour frauder.
Mais ce ne sont pas que les avantages qui sont détournés par les opérateurs économiques. Ces derniers trouvent toujours le moyen d’échapper au paiement. Aussi, outre le détournement, les opérateurs économiques émettent-ils des factures non-conformes aux normes ou n’émettent pas du tout de factures, en les remplaçant (pour cause de transport par route) par d’autres factures. Ainsi, ils échappent, de manière encore une fois détournée, au paiement de la TVA. D’autres opérateurs procèdent à de fausses déclarations, en réduisant d’environ 30% leur chiffre d’affaires pour payer moins ou bénéficier d’une restitution de la TVA.
Outre la fraude, lorsque les opérateurs économiques payent la TVA, c’est souvent en retard et jamais en temps impartis par la loi. Ce qui engendre des retards importants pour que les sommes dues arrivent dans la caisse de l’Etat et pour l’engagement des investissements programmés. Pourtant, les pénalités prévues ne sont pas des moindres.
Conformément à l’article 101 du Code des procédures fiscales, le législateur pénalise la fraude fiscale d’une peine d’emprisonnement allant de 16 jours à trois ans (pour les cas de vente sans facture, comptabilité parallèle…) et d’une amande comprise entre 1000 et 50 mille dinars à l’encontre des fraudeurs, y compris au titre de la TVA. Des peines lourdes qui ne prennent pas en considération la taille de l’entreprise, et qui risquent d’entraver l’activité économique. Alors que faire et comment s’en sortir ?
Au regard de l’expert, il est impératif d’intensifier la sensibilisation afin de renforcer la responsabilité et la conscience du devoir fiscal, de diffuser l’information fiscale, de faciliter les procédures, de dynamiser le site web du ministère des Finances. L’expert propose aussi de dynamiser le rôle du Conseil national de la fiscalité, de mieux coordonner les différentes actions des multiples intervenants et de consolider les outils et mécanismes de contrôle. Il souligne que le système fiscal a gagné en simplicité au cours des ces dernières années par la baisse et la suppression de certains taux élevés, la simplification des procédures et le renforcement des garanties aux contribuables.
Le Ministère des Finances, pour sa part, connait parfaitement les leviers de la fraude et fait tout ce qui lui est possible pour les combattre via des contrôles à différents stades. Tout en essayant de lutter contre les fraudes, le législateur n’a pas omis de préserver les intérêts des contribuables à travers des garanties, mais aussi à travers la sensibilisation et la conciliation.
A lire également : Retour sur la plus grande arnaque à la TVA en Tunisie
Crédit photo : Attijari Bank Tunisie
Les chiffres sont quelque peu alarmants. Un article paru sur le quotidien en langue arabe Echourouk fait état d’un manque à gagner pour le budget de l’Etat, au cours du premier semestre de l’année 2009, et qui s’est élevé à 747 Millions de Dinars, se basant sur les données contenues dans la loi de finances complémentaire promulguée en juillet 2009.
Toutefois renseignement pris auprès du Ministère des finances, il s’avère que le montant de 747 millions de dinars n’est pas dû à une fraude fiscale, mais à une révision des recettes fiscales pour l’année 2009 par rapport aux prévisions initiales. Cette rectification a été imposée par la crise économique internationale. Il s’agit donc, selon le Ministère d’une conséquence logique des effets de la crise sur l’activité économique qui a nécessité la révision du taux de croissance du PIB de 5 à 3% mais aussi et principalement (près de 60% de ce montant 747 MD) d’une correction technique découlant de la révision à la baisse du cout international du baril de pétrole et donc des versements fiscaux des sociétés pétrolières opérant en Tunisie , baisse qui toutefois "bien compensée" par une réduction des dépenses en terme de subvention budgétaire aux produits pétroliers.
Sachant toutefois, toujours d’après le Ministère des Finances que l’ajustement à la baisse des recettes fiscales est largement "équilibré" par une nette amélioration des recettes propres non fiscales et de la diminution de la subvention carburant comme précisé ci-haut. Autre précision importante, l’augmentation du déficit budgétaire de 3% à 3,8% n’est pas la conséquence directe de la révision des recettes mais s’explique essentiellement par l’augmentation des dépenses d’investissement (dépenses Titre II) dans le cadre des mesures de soutien et de relance de l’économie, action qui s’inscrit parfaitement dans la logique de soutien budgétaire de l’activité économique prônée par tous les organismes internationaux FMI, BM etc.
La fraude fiscale trouve ses origines en premier lieu, dans la faiblesse de la conscience des opérateurs économiques. Ceux-ci considèrent que la pression fiscale est lourde et que le fait de s’acquitter de l’impôt réduit sensiblement les bénéfices. Pourtant, la pression fiscale en Tunisie s’exerce à un taux moyen en comparaison avec les taux pratiqués sous d’autres cieux.
Outre le facteur psychologique (faiblesse ou manque de conscience fiscale), la complexité des procédures techniques concernant la déclaration de la TVA, ainsi que le vide et les lacunes juridiques, dissuadent plusieurs de s’en acquitter. Ceci relève clairement d’une problématique qui existe du côté de chez nous : celle de la volonté manifeste du Tunisien de tout faire pour ne pas payer le fisc, tout au moins en faire le plus, pour en payer le moins. La question se pose alors au niveau du degré d’accomplissement du devoir fiscal et aussi sur l’étendue de la fraude fiscale.
Souheil Gaddour, professeur chercheur, membre de l’Association tunisienne de Droit fiscal (ATDF), analyse les causes de la fraude fiscale, soulignées par le rapport général des études législatives fiscales, publié par le ministère des Finances, en 2002. Les comportements des opérateurs économiques afin d’échapper au paiement de l’impôt y sont exposés.
L’expert précise que certains créent des situations juridiques irréelles afin de bénéficier d’avantages fiscaux ou pour profiter de réduction sur l’impôt dû ou encore pour bénéficier d’une restitution de l’impôt. C’est ce qui s’est passé dans la plus fameuse des affaires judiciaires, celle de General Leasing, condamnée, par le tribunal de cassation 2008 (cliquer ici pour lire notre article à ce sujet). Une société dont plusieurs responsables ont été poursuivis pour avoir profité de l’exonération de la TVA, suite au financement de projets agricoles fictifs. La fraude s’est chiffrée par millions de dinars tunisiens.
Ce comportement a transformé les bénéfices et avantages accordés par l’Etat en atouts exploités par les opérateurs économiques, pour ne pas payer l’impôt et surtout pour frauder.
Mais ce ne sont pas que les avantages qui sont détournés par les opérateurs économiques. Ces derniers trouvent toujours le moyen d’échapper au paiement. Aussi, outre le détournement, les opérateurs économiques émettent-ils des factures non-conformes aux normes ou n’émettent pas du tout de factures, en les remplaçant (pour cause de transport par route) par d’autres factures. Ainsi, ils échappent, de manière encore une fois détournée, au paiement de la TVA. D’autres opérateurs procèdent à de fausses déclarations, en réduisant d’environ 30% leur chiffre d’affaires pour payer moins ou bénéficier d’une restitution de la TVA.
Outre la fraude, lorsque les opérateurs économiques payent la TVA, c’est souvent en retard et jamais en temps impartis par la loi. Ce qui engendre des retards importants pour que les sommes dues arrivent dans la caisse de l’Etat et pour l’engagement des investissements programmés. Pourtant, les pénalités prévues ne sont pas des moindres.
Conformément à l’article 101 du Code des procédures fiscales, le législateur pénalise la fraude fiscale d’une peine d’emprisonnement allant de 16 jours à trois ans (pour les cas de vente sans facture, comptabilité parallèle…) et d’une amande comprise entre 1000 et 50 mille dinars à l’encontre des fraudeurs, y compris au titre de la TVA. Des peines lourdes qui ne prennent pas en considération la taille de l’entreprise, et qui risquent d’entraver l’activité économique. Alors que faire et comment s’en sortir ?
Au regard de l’expert, il est impératif d’intensifier la sensibilisation afin de renforcer la responsabilité et la conscience du devoir fiscal, de diffuser l’information fiscale, de faciliter les procédures, de dynamiser le site web du ministère des Finances. L’expert propose aussi de dynamiser le rôle du Conseil national de la fiscalité, de mieux coordonner les différentes actions des multiples intervenants et de consolider les outils et mécanismes de contrôle. Il souligne que le système fiscal a gagné en simplicité au cours des ces dernières années par la baisse et la suppression de certains taux élevés, la simplification des procédures et le renforcement des garanties aux contribuables.
Le Ministère des Finances, pour sa part, connait parfaitement les leviers de la fraude et fait tout ce qui lui est possible pour les combattre via des contrôles à différents stades. Tout en essayant de lutter contre les fraudes, le législateur n’a pas omis de préserver les intérêts des contribuables à travers des garanties, mais aussi à travers la sensibilisation et la conciliation.
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Crédit photo : Attijari Bank Tunisie
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