« Pas d’accord avec le Fonds Monétaire International (FMI), une approche basée sur nos propres moyens et un budget à 77,8 milliards de dinars », c’est ce qu’on pourrait retenir du projet de loi de finances 2024 (PLF 2024). Mais alors, vers qui allons-nous nous tourner afin de financer notre budget ?
Le budget de l’État, selon les estimations du PLF 2024 s’élève à 77,868 milliards de dinars contre 71,239 milliards de dinars selon le projet de loi de finances rectificative de 2023 (PLFR 2023) et 69,914 milliards de dinars selon la loi de finances 2023 (LF2023). Le gouvernement avait estimé, lors de la promulgation de la LF 2023 qu’il sera dans la capacité de mobiliser 14,859 milliards de dinars sous forme de prêts étrangers afin de financer le budget. Néanmoins, le PLFR 2023 propose une révision de ce montant et sa réduction à 10,563 milliards de dinars, soit une baisse de 40,6% des crédits étrangers supposés être obtenus.
Cette réduction reste logique et concevable puisque la Tunisie avait choisi, selon les déclarations du président de la République, Kaïs Saïed et de certains experts de ne pas recourir à un accord avec le FMI. D’ailleurs, le rapport explicatif du PLF 2024 n’évoque pas cette hypothèse. Le budget de l’État a été imaginé en dehors de ce scénario. D'ailleurs, le refus de conclure un accord avec le FMI a sérieusement impacté la Tunisie puisque les bailleurs de fonds, partenaires et autres pays ne nous ont pas accordé les crédits souhaités. Chose confirmée par la ministre des Finances, Sihem Nemsia lors de la plénière de l'ARP du 23 octobre 2023. D’après les données relatives à l’exécution du budget de l’État à fin août 2023, seulement 3,671 des 14,859 milliards de dinars ont été obtenus. Ce chiffre représente uniquement 24,7% du total des prêts étrangers envisagés par la LF 2023.
Même en prenant en considération le PLFR 2023, la somme reste faible puisque le montant ne représente que 34,75% des 10,563 milliards de dinars de prêts étrangers souhaités dans ce scénario. Le gouvernement est dans l’obligation de multiplier les efforts, voire d’essayer nuit et jour d’obtenir cette somme afin de boucler le budget relatif à l’année 2023 avant même de penser à l’année suivante. D’ailleurs, selon ces chiffres, la situation à l’international et le refus d’aller vers un accord avec le FMI, le budget de 2024 devrait proposer un total de crédits étrangers similaire à celui proposé par le PLFR 2023, voire inférieur à cette somme.
Or, et à la surprise de toutes et tous, le PLF 2024 s’inscrit dans un scénario où la Tunisie obtiendrait des crédits étrangers à hauteur de 16,445 milliards de dinars, soit une augmentation de 55,68% par rapport au PLFR 2023 ! Il s’agit d’une somme supérieure à celle imaginée dans le cadre de la LF 2023 et évoquant un accord avec le FMI permettant d’accéder par la suite à d’autres financements et supérieur au scénario du PLFR 2023 se voulant être plus réaliste et proche de la réalité. Encore plus surprenant, le rapport relatif au budget de l’État 2024 indique que sur les 16,445 milliards de dinars de prêts étrangers, 14,47 milliards de dinars seront contractés sous forme d’appui budgétaire répartis de la façon suivante :
- 0,038 milliard de dollars obtenus auprès de Fonds Monétaire Arabe
- 0,063 milliard d’euros obtenus auprès de la Banque mondiale
- 0,4 milliard de dollars obtenus auprès de la African Export-Import Bank
- 0,3 milliard de dollars obtenus auprès de l’Algérie
- 0,5 milliard de dollars obtenus auprès de l’Arabie saoudite
Ces chiffres totalisent 1,238 milliard de dollars et 0,063 milliard d’euros, soit respectivement 3,949 milliards de dinars (au meilleur taux enregistré en 2023 : un dollar = 3,19 dinars) et 0,218 milliard de dinars (au meilleur taux enregistré en 2023 : un dollar = 3,46 dinars). Ces deux chiffres cumulent près de 4,167 milliards de dinars. Ainsi, il nous reste plus de dix milliards de dinars d’appui budgétaire à trouver. C’est ce que confirme le rapport du PLF 2024, puisqu’il se contente d’inscrire cette somme dans une rubrique baptisée « autres prêts ». Ainsi, près des deux tiers des prêts supposés être contractés afin d’appuyer le budget.
Que nous reste-t-il comme alternative pour financer notre budget au titre de l'année 2024 ? Où est-ce que l’État pourrait faire des économies ? Serions-nous dans l’obligation d’appliquer ce qu’on qualifie désormais de diktats du FMI afin de limiter les dépenses ? La LF 2023 avait estimé le budget dédié aux compensations à 8,832 milliards de dinars. Cette somme se compose de 0,64 milliard de dinars dédiés au transport, de 2,523 milliards de dinars dédiés aux produits de base et de 5,669 dédiés aux combustibles. Les chiffres avancés avaient été fortement critiqués, car le budget des compensations de l’année précédente (2022) était de 11,999 milliards de dinars et que celui visant les produits de base était de 3,771 milliards de dinars, soit une baisse de 26,39% du budget total des compensations et de 33,09% de celui dédiés aux produits de base.
On aurait, donc, choisi de réduire les dépenses dans ce domaine afin d’assurer un équilibre des finances publiques ! Malheureusement, le PLFR 2023 vient à l’encontre de cette approche. Le budget dédié aux compensations sera révisé non pas pour être davantage réduit, mais augmenté et revenir à un chiffre très proche de celui fixé dans le budget de 2022. L’ajustement du budget propose une enveloppe de 11,475 milliards de dinars, soit une augmentation de 29,92%. On remarquera que les compensations de produits de base passeront de 2,523 milliards de dinars à 3,805 milliards de dinars, soit une hausse de 50,8%. Celles de combustibles passeront de 5,669 milliards de dinars à 7,03 milliards de dinars, soit une hausse de 24%.
Notons que les dépenses de compensations des combustibles augmenteront, selon le PLFR 2023 alors que le prix du baril, selon le même document diminuera. En effet, la LF 2023 l’avait estimé à 89 dollars. Le PLFR 2023 l’estime à 83 dollars, soit six dollars de moins par baril. Pour ce qui est du projet de loi de finances 2024, le prix du baril a été estimé à 81 dollars et une enveloppe dédiée aux compensations des combustibles à hauteur de 7,086 milliards de dinars. Ainsi, les dépenses à ce sujet sont proches des 7,03 milliards proposés par le projet de loi de finances rectificative de 2023. Concernant les produits de base, les compensations, selon le PLF 2024 seront égales à 3,591 milliards de dinars contre 3,805 milliards de dinars prévus par le PLFR 2023. Le rapport présenté par le ministère des Finances explique la réduction des compensations de produits de base par une baisse des prix du blé et de l'huile végétale sur les marchés internationaux. On remarquera encore une fois que les chiffres avancés par le PLF 2024 sont proches de celui du PLFR 2023. Il n’y a, donc, pas d’intention de réduire les dépenses à ce niveau. L’État préserve son rôle social et continue à appliquer des compensations comme le veut le président de la République, Kaïs Saïed.
Un autre secteur pourrait représenter une alternative et permettre au gouvernement de faire des économies : la fonction publique. D’ailleurs, à la date du 22 septembre 2023, un décret portant audit des recrutements ayant eu lieu dans la fonction publique depuis le 14 janvier 2011 a été publié au Journal officiel de la République tunisienne. Il permettrait selon certains de mettre la main sur 150.000 employés ayant illégalement intégré la fonction publique. Or, il n'y a pas de véritables changements au niveau des chiffres avancés par le projet de loi finances 2024 à ce sujet. Les dépenses salariales pour l'année 2023 ont été estimées, selon le projet de loi des finances rectificative, à 22,773 milliards de dinars et à 23,771 milliards de dinars selon le PLF 2024, soit une hausse de 4,3%.
Pour ce qui est de l'argumentaire accompagnant ces chiffres, le rapport n'évoque à aucun niveau la question de la révision des recrutements. Il se contente d'annoncer une maîtrise des dépenses à ce sujet en limitant les recrutements, en appliquant le programme d'incitation au départ anticipé à la retraite, en mettant en œuvre le programme de mobilité des fonctionnaires et en encourageant les congés pour la constitution d'entreprises. Pour ce qui est des entreprises publiques, le PLF 2024 ne prévoit aucune mesure de cession ou de restructuration. La question des dépenses et du faible rendement de ces structures est quasi-exclue de l’analyse.
Collecter les prêts étrangers désirés semble chose difficile à faire vu l’approche adoptée par le projet de loi de finances 2024. On pourrait même qualifier la chose d’impossible. Réduire l’enveloppe dédiée aux prêts étrangers en 2023 puis l’augmenter en 2024 pourrait être qualifié d’incohérence vu l’absence d’un accord avec le FMI. Le programme présenté dans le passé par le gouvernement de Najla Bouden avait fini à la poubelle. Rien n’a été présenté durant les dernières semaines. « La Tunisie n'a pas fait de nouvelles propositions concernant les conditions d'un prêt du Fonds monétaire international (FMI) de 1,9 milliard de dollars », avait indiqué, jeudi 12 octobre 2023, le directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, Jihad Azour.
Néanmoins, l’absence actuellement d’un accord ne signifie pas la rupture de la coopération entre la Tunisie et le FMI. Un nouvel accord pourrait voir le jour. Il pourrait s’agir de l’unique scénario permettant à la Tunisie d’obtenir les prêts étrangers permettant de couvrir de telles dépenses et de continuer à appliquer une approche sociale répondant aux besoins des citoyens. Un véritable casse-tête alliant à la fois le système de compensation, la préservation du pouvoir d’achat et des emplois, la réforme structurelle, la maîtrise (ou réduction) des dépenses de l'État tout en réalisant une croissance économique.
Sofiene Ghoubantini
Le coût final pour l'état est inférieur à 1%. Donc le debat sur l'indépendance de la BCT repose sur une méconnaissance du fonctionnement du monde bancaire.
Le sujet de l'independance n'est en fin de compte pas un sujet de coût mais d'infloation et du niveau du dinar. Donner les clés de la creation monétaire au gouvernement c'est l' encourager à faire marcher la planche à billets sans aucune création de richesse en face. Cela veut dire beaucoup plus de dinars disponibles et donc inflation, cela veut dire moins de financements ouverts aux acteurs economiques et donc moins de croissance, cela veut dire beaucoup plus de dinars que de devises et donc un dinar glissant lentement mais dangereusement vers des niveaux alarmants.
La plupart des BC dans le monde ont acquis par la loi leur independance pour justement maîtriser dans l'intérêt du pays tous ces dangers.
C'est triste qu'en Tunisie tous les grands enjeux sont traités de façon superficielle, sans chiffres et avec des gens incompétents qui en parlent
HEBLET l'a3ba et les journalistes avec....
Je vois la haine, la HAINE....
Terminée...
Pays PARIA.
Bourguiba ne cesse de se retourner dans sa tombe....
Bourguiba n'aurait jamais accepté de rester passif.
La dette extérieure représente 57.1% du total soit 68,3 milliards, la dette intérieure 51,4 milliards.
Le gouvernement paye un taux d'intérêts de 8,2% sur la dette intérieure, les intérêts sont de 4,1 milliards de dinars. Si la BCT réduit les taux de 8 a 3% (comme c'est le cas au Maroc), les intérêts sur la dette intérieure seront de 1,54 milliards DT, soit une économie de 2,54 Milliards DT, presque la moitie du prêt du FMI tant attendu.
Le besoin d'emprunter a l'étranger peut être réduit ou éliminé par la réduction du déficit commercial ce qui peut se réaliser par la continuation du progrès dans la production des phosphates et la transition énergétique. L'importation des combustibles représente 60% du déficit commercial.
La transition énergétique peut a la fois réduire le déficit commercial et le budget de compensation de 7,03 milliards de dinars pour les combustibles. Le déficit du budget de l'?tat est estimé a 10 milliards, donc les deux mesures (réduction des taux d'intérêts et transition énergétiques) peuvent éliminer le déficit, la troisième mesure va le rendre en surplus et l'état pourra rembourser ses dettes et investir encore plus dans la transition énergétique et d'autres programmes de développement.
La BCT peut acheter des bons de trésors émis par l'état dans un programme de QE (Quantitative Easing) comme c'est le cas au Japon, l'union européenne ou les USA et elle peut financer la transition énergétique.
La transition énergétique peut être accomplie rapidement, l'Afrique du Sud a pu installer plus de 3 GW d'énergie solaire et éolienne depuis le 2022.
Un emprunt national obligataire pourrait être réalisé auprès ne serait-ce que de 300 000 TRE pour un montant minimal de 100 euros permet déjà de lever 30 millions d'euros.
Il faut utiliser les mêmes méthodes que les start-up qui lèvent de grosses sommes, on a le potentiel mais cela bouleverserait les intérêts économiques de ceux qui profitent de ce marasme. Ils sont tunisiens, ils sont parmi nous et ne veulent rien partager avec le peuple, si ce n'est 2 options : les miettes ou l'émigration. Il faut que ça change urgemment !