alexametrics
mercredi 02 avril 2025
Heure de Tunis : 13:38
SUR LE FIL
Mourad Zeghidi et Borhen Bssaïs, efficaces, même de l’intérieur de la prison
Par Nizar Bahloul
19/08/2024 | 15:59
7 min
Mourad Zeghidi et Borhen Bssaïs, efficaces, même de l’intérieur de la prison

 

Cela fait cent jours aujourd’hui que nos confrères Mourad Zeghidi et Borhen Bssaïs sont en prison, sans que l’on sache vraiment pourquoi. Ils ont été condamnés à huit mois de prison pour avoir propagé des intox, mais personne n’est capable, à ce jour, de montrer quelle intox ils ont vraiment propagé. Les deux journalistes font partie des meilleurs, ils sont modérés, dotés d’un extraordinaire sens de la mesure et sont très rationnels. Ils ne font pas dans le buzz, ils cherchent d’abord et avant tout la qualité, l’information, la bonne analyse, l’utilité, l’efficacité. Leur absence dans cette période électorale se ressent. Elle se ressent vraiment, tant ils nous ont habitués, dans les dernières élections, à se rendre utiles pour nous offrir les bonnes informations et les clés nécessaires pour une analyse pertinente de la situation.

Paradoxalement, extraordinairement, en dépit de leur captivité, nos chers confrères Borhen Bssaïs et Mourad Zeghidi arrivent à comploter. Ils arrivent à être présents dans la campagne électorale, alors qu’ils sont en prison. Ils arrivent à mettre leur empreinte, alors qu’ils sont derrière les barreaux de la Mornaguia. Le pouvoir les a incarcérés croyant ainsi éviter leur capacité de « nuisance » et leur « mauvaise » influence, mais le fait est qu’il n’a pas réussi son sinistre exercice. Il voulait les mettre en sourdine, mais il s’est avéré que leur silence est assourdissant.

 

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai visionné les vidéos des candidats à la présidentielle Ayachi Zammel et Zouhair Maghzaoui où ils ont présenté un aperçu de leurs programmes.

Chacun dans sa vidéo, les deux candidats ont évoqué les prisonniers politiques et d’opinion. Sans les citer, ils ont parlé de Mourad Zeghidi et Borhen Bssaïs, mais aussi de Sonia Dahmani, Mohamed Boughalleb, Saâdia Mosbah et Sherifa Riahi.

Comme beaucoup de politiciens, dont notre cher président de la République, qui utilisent la cause palestinienne pour leur propagande, nos deux candidats à la présidentielle utilisent la cause des prisonniers politiques et d’opinion dans leurs manifestes électoraux. « Votez pour moi et je libérerai ces dizaines de prisonniers injustement incarcérés », nous disent-ils. Ils vont libérer les prisonniers, comme d’autres vont libérer la Palestine, nous promettent-ils.

Au-delà des manifestes électoraux des candidats à la présidentielle, il ne se passe pas un jour sans que l’on ne pense à Mourad et Borhen, mais aussi à Mohamed, Sonia, Sherfia et Saâdia. Quand bien même l’un de nous aurait accidentellement oublié de penser à eux, leurs centaines de milliers d’amis nous rappellent l’injustice qui les frappe, quotidiennement, et à chaque heure sur les réseaux sociaux. Le pouvoir voulait les faire taire, mais voilà que des centaines de milliers de personnes, à commencer par les deux candidats à la présidentielle, ont commencé à parler à leur place.

Cette même chronique, que vous lisez en ce moment, aurait été différente et n’aurait pas parlé de Mourad et les autres s’ils n’étaient pas en captivité.

 

Comme le président de la République, ses sbires et ses aficionados, adorent les théories du complot capillotractées, il y a lieu de s’interroger s’il n’y a pas là un véritable complot. Comment se fait-il que ces prisonniers fassent autant de bruit, alors qu’ils sont derrière les barreaux ? Comment se fait-il que deux candidats à la présidentielle fassent de leur libération une promesse de campagne, alors que la « justice » les a déclarés officiellement menteurs et propagateurs d’intox ? Par quel miracle de l’intelligence humaine, le silence s’est-il transformé en bruit ?

 

La vérité est qu’il ne s’agit nullement de complot ou d’intelligence. Ceux qui ont lu l’Histoire des nations et des êtres humains savent que la libre-pensée ne peut jamais être emprisonnée. Une idée quand elle se partage, elle ne se divise pas, elle se multiplie.

La vérité est que le pouvoir de Kaïs Saïed exerce la politique comme « Mouldi El Banney* » construit des gratte-ciels.

Durant ses cinq ans d’exercice, dont trois de pouvoir absolu, Kaïs Saïed n’a cessé de poursuivre des chimères. Il n’a cessé de brasser de l’air et de prendre ses désirs pour la réalité.

Argent dérobé, faux diplômes, ONG, cité médicale de Kairouan, disparus de Zarzis, Palestine, TGV, stade d’El Menzah, piscine du Belvédère, complot contre l’État, tentatives (au pluriel) d’assassinat contre sa personne, conspirations multiples, spéculateurs par milliers, autant d’histoires qu’il nous a racontés durant ces cinq dernières années, sans jamais pouvoir résoudre l’une d’elles. Il n’a même pas été capable de construire un simple petit projet très cher à son cœur, celui de la Maison de la calligraphie dont il a présenté les contours en mars 2023.

Voyant partout de la conspiration, il a jeté des dizaines parmi ses adversaires et ses critiques en prison. Voyant partout de la manigance et de la corruption, il a jeté des dizaines parmi les hommes d’affaires et les investisseurs en prison.

 

Face à son bilan désastreux, n’ayant rien de concret à faire valoir, Kaïs Saïed a pris l’habitude de dire qu’il a réussi à organiser les élections dans les délais. C’est son seul et unique succès, semble-t-il. Des élections qui, à ses yeux, seraient démocratiques et exprimant la volonté du peuple.

Justement, parlons-en de ses élections. Le timing est parfait, maintenant que l’on est en pleine période électorale.

Il a organisé trois scrutins et les trois se sont soldés par un échec cuisant avec des taux de participation officiels oscillant entre 11% et 30%.

Le présent scrutin, celui de la présidentielle, est tout sauf démocratique. Il est organisé par une instance dont il a nommé les membres. Une instance qui multiplie les recours judiciaires contre tous ceux qui la critiquent. Dans quelle démocratie voit-on cela ?

Des dizaines de milliers de parrainages citoyens ont été jetés à la poubelle et les candidats qui les ont collectés n'ont pas pu concourir pour des raisons administratives futiles. Dans quelle démocratie voit-on cela ?

Les rivaux du président sortant ont été écartés un à un par de vils moyens. Les uns ont été accusés d’avoir trafiqué les parrainages, les autres ont été privés du document de leur casier judiciaire, indispensable pour la candidature. Dans quelle démocratie voit-on cela ?

Sur les 116 prétendants au départ, il n’y a que deux à l’arrivée pour affronter le président sortant. Dans quelle démocratie voit-on cela ?

Dans les médias, on ne planifie toujours pas de face-à-face, il n’y a pas de débats télévisés et on lit très peu d’analyses politiques mesurées. Dans quelle démocratie voit-on cela ?

Il n’y a point de sondages politiques et on ignore totalement qui pèse combien. Dans quelle démocratie voit-on cela ?

Pire que tout, les principales familles politiques sont absentes de la présidentielle. Il n’y a ni droite, ni gauche ; ni communistes, ni capitalistes ; ni islamistes, ni laïcs. Les deux plus grandes familles politiques du pays, à savoir Ennahdha et les vestiges du RCD sont absentes. Dès lors, comment peut-on parler d’une élection démocratique avec l’absence criarde de tant de couleurs ?

 

Que va-t-il se passer maintenant ? La présidentielle aura lieu et, quel que soit son résultat, il n’exprimera pas vraiment la volonté du peuple, tant les dés sont pipés.

Tel que c’est parti, vraisemblablement et à moins d’un miracle, Kaïs Saïed rempilera.

Mais il rempilera pour faire quoi ? Il a voulu construire et il n’a rien construit. Il a parlé de complot et il n’y a point de complot. Il a voulu faire taire des voix et ces voix ne se sont pas tues. Il a promis des élections démocratiques et ces élections ne le sont pas.

Comme ces voix qu’il n’a pas réussi à faire taire, il ne pourra pas convaincre le peuple qu’il est là grâce à ses voix. Il va avoir un grave problème de légitimité, quand bien même il sera réélu avec 90%.

À force de vouloir tordre le cou à la réalité, à force de prendre des vessies pour des lanternes, il va finir par provoquer l’explosion de la cocotte.

L’Histoire des nations, y compris celle de la Tunisie, a montré que la cocotte finit toujours par exploser.

 

* Mouldi El Banney : personnage fictif tunisien représentant un piètre maçon

 

Par Nizar Bahloul
19/08/2024 | 15:59
7 min
sur le fil
Tous les Articles
Suivez-nous
Commentaires
Maaref
Arrêtez de dénigrer abir loussi et son parti
a posté le 20-08-2024 à 14:08
Vestige du rcd et du psd s appelle le pdl...
EL OUAFI
Un opposant fervent
a posté le 20-08-2024 à 11:25
comme d'autres vont libérer la Palestine, nous promettent-ils.
Pourquoi ne vous déclarer vous pas ouvertement ?
Je voterais pour vous.
le financier
je suis rarement d accord avec Nizar mais il a tout juste
a posté le 20-08-2024 à 09:27
je suis rarement d accord avec Nizar mais il a tout juste , tout est dit tout est correct .
bonne analyse
Lamjed
Chapeau bas
a posté le 20-08-2024 à 00:29
Chapeau bas M. Bahloul dans vos analyses. Quelle plume et quelle simplicité dans la façon de présenter les événements et d'énumérer les différents points !
Avec en plus, un culture journalistique qui consiste à ne pas faire primer les sentiments sur la raison.
Feu Beji avait bien raison de vous lire avec beaucoup d'attention comme il vous l'a affirmé lors d'une réception au palais de Carthage.
Incontestablement, le meilleur journaliste tunisien.
Destouri
Non Si Nizar
a posté le 19-08-2024 à 21:25
Les partisans du PDL ne sont pas les vestiges du RCD . Ils sont des patriotes et Abir Moussi est leur idole. Revoyez les meetings de Abir que vous avez sciemment occultés et vous en aurez la preuve. Les traitres du RCD on les a revu à l'ARP sous d'autres casquettes.
Gg
Tout à fait !
a posté le 19-08-2024 à 16:06
Rien à ajouter, vous dites la pure vérité.
Tout ca pour ca, a t-on l'habitude de dire... treize années, pour pire qu'avant.
Vladimir Guez
L'Histoire des nations
a posté le 19-08-2024 à 15:53
montre au contraire que les régimes autoritaires durent . Que les démocraties sont des miracles , des parenthèses enchantées qu'il est méritoire de faire durer . Que les cocottes minutes peuvent bouillir longtemps . Regardez ce que les russes sont capables d'endurer par faiblesse ? bêtise et/ou soumission ? du leninisme au poutinisme en passant par le stalinisme. Et quand la cocotte éclate elle débouche le plus souvent sur une nouvelle tyrannie .
Un Cusinier
Quelle cocotte ?
a posté le à 17:45
Je pense que M. Nizar se référait plutôt à la Tunisie, en tant que cocotte et entité socio-économique... Si CETTE cocotte éclate, adieu démocratie et adieu dictature ! Mais les actuels decideurs ne s'en rendent pas compte, et d'ailleurs on voit bien leurs façon de penser... On dirait qu'on est en train de vivre dans les années 1950, pas en 2024. Concernant la démocratie en Tunisie, il faudra encore très longtemps pour faire comprendre au peuple ses advantages et ses limitations aussi.
Chelbi
Le boycott est la solution
a posté le 19-08-2024 à 15:51
C'est pour cette raison je suis pour le boycott. Je respecte l'avis opposé, mais regardons ce que le boycott signifie:
- Un scandale dans tout l'univers puisqu'il n'a pas pu mobiliser le peuple dont il prétend être sa voix. « Le peuple veut » comme il le dit et répétera.
- Reconduction de son illégalité et illégitimité puis que tous ses actes et décisions depuis 25/07/2021 viennent après un braquage armé du pouvoir en violation flagrante et incontestable d'une constitution sur laquelle il a prêté serment et sans laquelle il n'aurait jamais pu accéder au pouvoir et serait encore un retraité qui passe sa journée avec un cappuccino et un 20 mars au café du coin
- '?a lui infligera un coup dur à son ego et à ses délires qui le font croire qu'il est vraiment un « Dieu sur terre » qui ne ment pas, qui ne se trompe pas, qu'il détient la vérité absolue
- '?a va le rendre encore paranoïaque de son scénario cauchemar à savoir un soulèvement populaire soudain et inattendu qui va le déraciner du pouvoir lui et ses sbires
- Il va etre en défensive tout le temps ce qui le poussera à faire des crimes encore et encore tout en accélérant sa chute

Les élections n'ont du sens que dans un cadre équitable et juste sans peur ni terreur. Sommes nous la?
J.trad
Parenthèse : l.OTAN
a posté le 19-08-2024 à 15:41
Il faut tout mettre de côté , la riposte Russe sera nucléaire, POU V
eeééet enger Hiroshima le nucléaire sera largjué sur U S rgué au USA
Gg
J trad...
a posté le à 22:15
...ton com est difficile à comprendre ! Mais bon, on comprend quand même.
Juste une remarque: il faut être particulièrement débile pour souhaiter une attaque nucléaire. Car chacun des protagonistes a de quoi exterminer l'autre en représailles!