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Chroniques
L’investissement, ce parent pauvre du budget
Par Houcine Ben Achour
07/11/2019 | 16:00
4 min
L’investissement, ce parent pauvre du budget

 

Il ne faut pas être naïf à ce point. Si un programme de gouvernement doit être conclu entre une partie de la mosaïque de partis représentés à l’Assemblée des représentants du peuple, ce n’est certainement pas sur la base du projet de programme proposé par le mouvement Ennahdha. Un projet comportant plus d’une centaine de propositions – de promesses électorales plutôt – et donc d’objectifs à atteindre, constitue au mieux une utopie et au pire une énorme escroquerie intellectuelle, quand bien même on se donnerait un délai de 5 ans pour le réaliser.

 

La tentation était grande, ce jeudi 7 novembre 2019 à l’occasion de la tenue du congrès du Forex Club, l’association des cambistes tunisiens, de solliciter l’avis des éminents invités à cette manifestation que sont MM. Christian De Boissieu, Mustapha Kamel Nabli, Elyes Jouini et Mongi Safra, venus donner leur grille de lecture sur la politique monétaire et de change et son impact sur la situation économique du pays. Se raviser était le plus sage des comportements tant leur réponse paraissait évidente. Une cuisine politicienne.

 

Car, enfin, ce genre de document, présenté par Ennahdha à ses possibles partenaires de gouvernement, on en a fait déjà l’expérience et constaté le lamentable échec. Le projet de programme de gouvernement d’Ennahdha ne ressemble-t-il pas à s’y méprendre au fameux Document de Carthage I qui a débouché sur la constitution d’un gouvernement d’union nationale ? Le Document de Carthage II n’est-il pas de la même trempe que ce projet de contrat de gouvernement d’Ennahdha, compte non tenu bien sûr du dernier point. Le genre de document qui présente une somme d’engagements qui ne sont en fait que des miroirs aux alouettes pour piéger les plus crédules ou les plus fascinés par le pouvoir.

 

Quel crédit accordé à un programme proposé par un parti qui depuis 2011 a exercé le pouvoir, ou y était associé ? Pourquoi durant toutes ses années de présence au sein des gouvernements successifs n’a-t-il pas pesé pour « une relance de l’investissement, du développement et de l’emploi », un des axes de son projet de programme de gouvernement ? De multiples projets de loi à caractère économique dorment encore dans les tiroirs de l’ARP alors qu’il suffisait à Ennahdha de mobiliser ses parlementaires pour accélérer leur adoption, contribuant effectivement ainsi à relancer l’investissement, le développement et l’emploi dans le pays.  

Le plus curieux est que des ingénus du sérail économique ont pris au sérieux le projet d’Ennahdha, allant même jusqu’à utiliser des artifices techniques improbables pour identifier les possibles partenaires de gouvernement du mouvement islamiste.

 

De toute façon, la crédibilité du chef du gouvernement qui sera désigné ne se mesurera pas à sa volonté d’appliquer ce projet de programme mais à sa capacité d'imposer une nouvelle orientation au budget de l’Etat. A savoir rompre définitivement avec une pratique suicidaire qui a eu cours durant ces dernières années. Celle de considérer le budget d’investissement comme unique variable d’ajustement  dans la gestion du budget de l’Etat.

 

Alors que le budget général de l’Etat a été multiplié par 2,5 fois, entre 2011 et 2019, le budget d’investissement n’a augmenté que de 30%. Pour faire bonne figure, les gouvernements successifs ont invoqué  la capacité d’absorption limitée. Le faux semblant est manifeste lorsqu’on constate l’état de dégradation de l’infrastructure de base et de délabrement des équipements collectifs. Cette hypocrisie est d’autant manifeste lorsque Slah Zouari, Directeur général des Ponts et Chaussées au sein du ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire depuis 2014, indiquait récemment à la TAP, que le manque des ressources financières publiques dédiées à l’investissement dans l’infrastructure routière et à sa maintenance périodique constitue la raison principale de la détérioration de l’état des routes dans le pays. La faiblesse de la capacité d’absorption est à l’évidence un argument qui ne tient pas la route.

 

Or, s’il ne devait y avoir qu’une seule initiative qui rende viable le redressement économique du pays, c’est d’ériger l’investissement en priorité stratégique absolue. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas, même si le projet de budget de l’Etat pour 2020 prévoit une enveloppe d’investissement de 6.900 MD, en hausse de 15% par rapport à l’exercice budgétaire 2019. Car, cela ne représente que 5% du PIB. C’est trop peu compte tenu de l’objectif fixé par le gouvernement d’un taux d’investissement de 18% du PIB en 2020. Le secteur privé ne pourra pas prendre à sa charge l’équivalent de 13% du PIB en investissement pour atteindre cet objectif, soit environ 15.000 MD quand l’Etat est aussi frileux en matière d’investissement.  

 

Par Houcine Ben Achour
07/11/2019 | 16:00
4 min
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Commentaires (1)

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DHEJ
| 08-11-2019 16:22
Mais pas par des ratés !