alexametrics
samedi 07 décembre 2024
Heure de Tunis : 02:30
Chroniques
Non, il ne faut pas amender le décret 54 !
Par Synda Tajine
14/05/2024 | 15:59
4 min
Non, il ne faut pas amender le décret 54 !

 

Le décret-loi 54 est celui par lequel tous les maux arrivent.

On avait alerté contre les dérives de ce décret - relatif à la lutte contre les infractions liées au système d’information et de communication - depuis sa promulgation en septembre 2022. Nous étions déjà bien loin du compte. Difficile d’imaginer en effet que cette loi allait permettre de poursuivre autant de citoyens, politiques et journalistes. Leur nombre exact demeure inconnu à l’heure actuelle.

 

Une initiative législative propose aujourd’hui d’amender le décret 54 en s’attaquant surtout à son article 24. Cet article, qui canalise l’essence même de cette loi répressive, prévoit une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et une amende pouvant aller jusqu’à cinquante mille dinars contre toute personne responsable de la propagation ou la production de « fausses nouvelles, de fausses données, des rumeurs, des documents faux ou falsifiés ou faussement attribués à autrui ». Ce montant est doublé si la déclaration est jugée offensante envers un représentant de l’Etat.

Il serait ainsi aisé de croire que la solution à cette dérive répressive serait tout simplement de s’attaquer à ce seul article. Ceci est loin d’être suffisant.

 

Ces derniers mois, cette loi aura tout fait pour prouver à ses détracteurs que sa mission première est tout simplement de limiter le pouvoir de nuisance des journalistes et de museler l’opposition politique. Cette loi classe les opinions comme des informations et juge de sa susceptible nuisance « aux droits d’autrui ». Une véritable aberration.

Pensé dans une logique – nous dit-on – de prévention, cet outil juridique a plutôt été utilisé pour museler les voix dissidentes. Accepter d’amender ce décret-loi c’est accepter déjà le principe qu’une opinion peut faire office d’information et être jugée en tant que telle. C’est accepter qu’une loi vienne juger des intentions des gens et décider quelle opinion mérite d’être punie et quelle autre non. C’est aussi établir une case dans laquelle les opinions jugées « acceptables » doivent être rangées. C’est faire un pied de nez et même un doigt d’honneur à la constitution et au principe même de liberté d’expression, de pensée et de presse.

Même si cet article est amendé, le décret 54 restera cette épée de Damoclès qui pèsera au-dessus de la tête de tout citoyen, journaliste ou politique. On aura observé cette loi depuis sa promulgation il y a bientôt deux ans. Le bénéfice du doute n’est plus permis.

 

Amender le liberticide décret 54, serait donner une légitimité à une loi répressive qui permet de poursuivre des personnes pour leurs opinions, déclarations ou publications sur les réseaux ; serait accepter un consensus sur la liberté d’expression et de presse et marchander les libertés les plus élémentaires.

La moindre de vos opinions, aussi anodine, aussi innocente, aussi partagée par les masses soit-elle, pourrait vous conduire vers la case prison. L’interprétation reste tributaire du bon vouloir d’un juge. Pas très rassurant tout ça, vu l’état actuel de la justice tunisienne.

 

 

Si on respectait le décret 54 à la lettre, les publications sur les réseaux seraient nettoyées de toute pensée critique et les journaux de toute information contraire à la propagande du régime. Les internautes ne devraient plus publier que des photos de chats et les journalistes inviter sur leurs plateaux les charlatans et personnalités de la scène people.

Mais ce qui est encore plus pernicieux dans cette loi, c’est qu’elle ouvre grand le champ des possibles et permet d’engager des poursuites sur-mesure et au cas par cas. En théorie, le décret permet d’attaquer tout simplement tout le monde, dans les fait, sa cible est, cependant, très claire : tous ceux qui osent s’attaquer au régime. Une chasse aux sorcières en bonne et due forme.

 

Contrairement à ce que pourraient penser les défenseurs de cet amendement, c’est l’essence même de cette loi qui à rejeter. Dans sa totalité. Cette loi est, en effet, de l’avis des partisans du régime, l’outil qui permettra d’instaurer le climat idéal à l’exercice démocratique. Leur vision du climat idéal.

« Le décret 54 a créé un climat propice à la tenue d’une élection en bonne et due forme », dixit la députée Fatma Mseddi. L’élue du peuple a parfaitement raison si on estime qu’un climat propice au jeu démocratique serait celui qui étouffe toute voix dissidente et dans lequel règne la pensée unique. Dans ce cas de figure, le décret 54 aura ainsi pleinement rempli sa mission, avec ou sans l’article 24…

Par Synda Tajine
14/05/2024 | 15:59
4 min
sur le fil
Tous les Articles
Suivez-nous
Commentaires
elfribo
1 commis de l"etat
a posté le 18-05-2024 à 13:50
Ce montant est doublé si la déclaration est jugée offensante envers un représentant de l'Etat.
Oui, 1 commis de L'Etat en vaut 2 - allez expliquer cela aux illetrés qui jouissent apres chaque 'arrestation d'un citoyen. Expliquez leur qu'ils sont moitie homme ou moitie femme, autrement dit une personne de peu d'importance.
Kays
Excès de zèle
a posté le 14-05-2024 à 20:31
Plutôt que d'arrêter une avocate ayant émis une simple opinion , je suggère au Président de faire des inspections dans chaque ville de Tunisie et de voir leur état de propreté. Il conviendra le cas échéant de mettre en prison tous les responsables locaux permettant cet état de saleté intolérable et les remplacer par des gens compétents.

Là on commencerait à voir les vertus d'un régime autoritaire.

Il conviendrait de convoquer le responsable de l'aéroport de Tunis et lui intimer l'ordre d'évacuer les carlingues immondes d'avions que chaque voyageur étranger peut voir, ce qui pour le coup porte véritablement atteinte à l'image du pays et à son drapeau car le drapeau est le symbole de l'Etat, du pays, du peuple et de la Nation et non un fétiche que l'on doit vénérer ( veillez justement à ce que ce drapeau soit toujours flambant neuf sur tout le territoire, des drapeaux usés ça c'est inadmissible).

Il conviendrait d'imposer à chaque propriétaire de rénover la façade de leur demeure et les y aider car lorsque l'on voit l'état apparent de certaines façades à Tunis la capitale on se demande comment la mairie peut permettre cet état de délabrement insupportable.

Il conviendrait d'imposer des amendes sévères à toute personne jetant des détritus ou des gravas ou encombrants sur la voie publique.

Il serait judicieux de sanctionner toute lenteur administrative et oui enquêter sur les recrutements sans valeur de fonctionnaires inefficaces est nécessaire car cela a pesé lourdement sur les comptes publics écrasés par une masse salariale complètement folle. Notre administration manque cruellement d'efficacité. Nos douanes sont lentes et ne permettent pas l'exportation expresse des produits alimentaires tunisiens quand la réactivité des douanes marocaines enchantent chaque jour les grossistes du monde entier.

Ce genre de mesures simples nous ferait goûter les joies d'un autoritarisme éclairée.

Le Président a beaucoup de travail et doit mettre sévèrement au travail tous les responsables politiques où qu'ils soient. On attend à ce qu'il use de ses pouvoirs pour remédier à ces situations inadmissibles pour un pays comme la Tunisie.

Kaïs Saied a été élu à la loyale ce qui lui a permis d'être aussi populaire. Pour un second mandat à la loyale il va falloir libérer les opposants et permettre qu'ils se représentent. Un second mandat sans candidat réel en face, sans débat affaiblirait la force politique du Président et son poids sur la scène internationale( cas Ben Ali). D'ailleurs il aurait dans le cas d' une véritable élection de grandes chances d'être réélu.

Mais arrêter des personnes pour de simples opinions ce n'est pas le signe d'un Etat fort et stable, surtout à l'ère du numérique si cet Etat est démocratique. Si en revanche on a changé de régime et qu'il s'agit d'une dictature alors qu'on le sache clairement et que l'on supprime toutes les libertés à commencer par la liberté d'expression et celle de la presse. Au moins nous saurons où nous en sommes.

TAHYA TOUNES



CHKOBBA
@Kays: Allah yar7èm Wèldik
a posté le à 15:10
- Un bon commentaire !
MahdiBourg
Ta7ia Tunis
a posté le à 08:18
' tout est dit, merci