
Saeb Souab, fils de l'avocat Ahmed Souab et membre du comité de défense dans l'affaire dite de complot contre la sûreté de l'État, a révélé que son père avait été arrêté et conduit au Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme en pyjama.
S'exprimant mercredi 23 avril 2025 lors d'une conférence de presse consacrée à l’arrestation de son père, Saeb Souab a indiqué que dix policiers s’étaient présentés au domicile d’Ahmed Souab : six sont restés à l’extérieur, tandis que quatre ont procédé à la perquisition. Ils ont arrêté l’avocat et saisi son téléphone portable.
Le fils de l’avocat a précisé que ce dernier avait été emmené en pyjama au Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, avant d’être transféré cinq minutes plus tard à la caserne de Bouchoucha. C’est à ce moment-là que les avocats et les membres de la famille ont été informés de l’interdiction de lui rendre visite ou de lui faire parvenir de la nourriture ou des vêtements, en raison de la nature des poursuites engagées. Ahmed Souab est accusé d’infractions relevant du terrorisme.
Par la suite, la juge d’instruction chargée de l’affaire a mené une perquisition du bureau de l’avocat, en présence d’un représentant de l’Ordre régional des avocats de Tunis. Elle a saisi des ordinateurs et du matériel informatique. Entre 15 h et 16 h, une nouvelle perquisition a été menée à son domicile par une quinzaine de policiers.
« En constatant des échanges par e-mails entre mon père et un collègue, la juge d’instruction a ordonné une seconde perquisition du domicile… On a tout saisi, même une imprimante… Ma mère avait une vieille tablette qu’elle utilisait pour regarder des feuilletons, elle a été saisie également… Des clés USB, de vieux téléphones, tout a été emporté… », a relaté Saeb Souab.
« Les policiers m'ont demandé si j'avais appelé à une manifestation… J’ai répondu oui… On m’a alors informé que je ne serais pas autorisé à y participer… Ils ont saisi mon téléphone… J’ai signé le PV et je suis parti vers 20 heures… Je suis revenu le lendemain pour voir si je pouvais lui remettre des vêtements et de la nourriture… Cela m’a été refusé… Il a été embarqué en pyjama », a-t-il ajouté.
Saeb Souab a ensuite évoqué le parcours militant et l’engagement politique de son père. Il a rappelé que ce dernier s’était opposé au RCD sous Ben Ali, et qu’il avait par la suite reçu des menaces de la part de groupes terroristes. Sur un ton ironique, il a souligné que son père, qui avait toujours lutté contre le terrorisme, se retrouve aujourd’hui accusé de faits de terrorisme, auditionné en même temps qu’une djihadiste de retour de Syrie.
Il a dénoncé les campagnes d’incitation à la haine visant son père, et estimé que son arrestation ainsi que les poursuites engagées à son encontre représentaient un gaspillage des ressources de l’État. Il a pointé la dégradation des infrastructures publiques, des écoles et des hôpitaux, contrastant avec la mobilisation de brigades antiterroristes et de magistrats pour le poursuivre. « Je demande la libération de mon père… Je tiens le plus haut sommet de l’État pour responsable de son état de santé… Ce n’est pas ce droit que tu m’as enseigné… Quel écart entre la théorie et la pratique ! », a-t-il conclu.
De son côté, Mongi Souab, frère d’Ahmed Souab, a critiqué le recours à des poursuites judiciaires fondées sur des accusations de terrorisme et d’association de malfaiteurs. « La métaphore est donc devenue un acte terroriste… Lorsque le président parle de missiles prêts à être lancés ou d’armes nucléaires, faut-il le prendre au pied de la lettre ? Possédons-nous une arme nucléaire en Tunisie ? Il est évident qu’il s’agissait d’une métaphore… On cherche à nous faire taire… Nous considérons qu’il s’agit d’un procès politique », a-t-il affirmé.
Mongi Souab estime que son frère est ciblé non pour protéger le magistrat chargé de l’instruction dans l’affaire de complot, mais parce qu’il a su en décrypter les rouages et en exposer les dessous. Selon lui, Ahmed Souab a tout révélé, de l’implication du juge d’instruction à celle du magistrat présidant l’audience.
« Nous avons reçu un soutien massif… D’innombrables appels téléphoniques nous sont parvenus, de personnalités publiques, de partis politiques, d’organisations, des quatre coins du monde… Ahmed Souab a réussi à rassembler les partis politiques… Les articles de presse le qualifient de conscience du pays… C’est mon frère, mais je tiens à dire : on n’emprisonne pas Voltaire », a-t-il déclaré.
Plusieurs figures publiques étaient présentes à cette conférence de presse, parmi lesquelles : Hamma Hammami, secrétaire général du Parti des Travailleurs; Sami Tahri, secrétaire général adjoint de l’UGTT ; Anouar Ben Kaddour, membre du bureau exécutif de l’UGTT ; Hichem Ajbouni, dirigeant d’Attayar ; Jounaïdi Abdeljaoued, dirigeant d’Al Massar ; l’activiste Moez Attia ; May Labidi, responsable communication de l’association Intersection ; ainsi que le journaliste Zied Krichen.
S.G

