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La LFC 2015 entre manque de réformes structurelles et solutions de rafistolage
05/08/2015 | 19:59
5 min
La LFC 2015 entre manque de réformes structurelles et solutions de rafistolage

Débattu actuellement à l’Assemblée des représentants du peuple, le projet de la loi de Finances complémentaire a essuyé certaines critiques. Critiques jugées démesurées pour le camp qui soutient cette LFC mais fort justifiables pour ses détracteurs. A la lumière des débats, des manquements et une certaine absence d’une vision claire sont apparus. La LFC 2015, un projet de loi bâclé ?

 

Les objectifs fixés par la loi de Finances de 2015 n’ont pas été atteints en raison de la conjoncture exceptionnelle qu’a connue le pays, a annoncé Habib Essid, lors de la séance plénière consacrée à la discussion du projet de la LFC pour 2015. Le chef du gouvernement a ainsi noté que ce contexte exceptionnel a imposé « l’actualisation des hypothèses et la prise de mesures urgentes », et ce dans le but de préserver la stabilité des finances publiques et la dynamique de la production. Ces mesures sont également mises en place pour résoudre la crise à laquelle sont confrontés certains secteurs et plusieurs entreprises tunisiennes, ajoute M. Essid, tout en annonçant d’autres mesures au profit des classes moyennes et démunies.

 

On nous brosse une belle image du projet de loi élaboré par la nouvelle équipe. Une équipe qui est censée mettre en exécution les promesses électorales et le programme économique du parti vainqueur aux dernières élections. Un programme, qui d’autant plus, selon ses défenseurs, est censé être le plus apte à sauver la situation d’une Tunisie en difficulté. Mais la « réalité » a aussitôt rattrapé les nouveaux responsables, ou est-ce le manque de vision. On essaye de vendre et de défendre ce projet de loi. On le qualifie d’exceptionnel puisqu’il vient répondre aux exigences d’un contexte particulier, qui a incité à la prise de mesures urgentes et limitées dans le temps. Ne s’attendaient-il pas à une telle conjoncture ? On justifie cette entreprise plus ou moins « bâclée », et ce ne sont pas les experts qui diront le contraire,  par la situation d’urgence, tout en certifiant que l’élaboration du budget de l’Etat et de la loi de Finances pour l’exercice 2016, rectifiera le tir.

 

Au-delà des critiques non-constructives, il s’agit là de pointer du doigt les manquements et les défaillances relevées dans ce projet de LFC, et qui n’auraient pas lieu d’être, avec l’instauration de ce nouveau gouvernement.

En plénière, des députés de différents bords politiques ont avancé que ce projet de loi, réalisé sous la pression de la situation conjoncturelle, ne reflète pas en soi les difficultés économiques du pays. Au contraire, il prévoit des solutions de rafistolage, ne reflétant en aucun cas un programme économique d’un gouvernement stable. Autrement dit, on dresse le constat d’un manque d’une vision claire, ce qui est hautement préjudiciable au gouvernement et au pays.

Mongi Rahoui, président de la commission des finances, relevant de l’ARP est monté au créneau contre le projet, il est allé jusqu’à dire qu’il s’agit d’une déception pour les Tunisiens, vu qu’il ne comporte pas de réformes et des mesures à même de rassurer les citoyens sur leur présent et leur futur.

 

En marge de l’examen du projet de loi, la puissante centrale syndicale tunisienne a exprimé son mécontentement de ne pas avoir été associée aux discussions, reprochant, en passant, à Habib Essid d’avoir ignoré une correspondance envoyée par Houcine Abassi, lui demandant une copie du projet. On critique donc l’absence d’un cadre participatif, d’autant plus que cette exclusion ne s’est pas arrêtée uniquement à l’UGTT, mais a également touché le CNF, le Conseil national de la fiscalité. Un conseil qui aurait pu jouer un rôle majeur sur les réformes touchant, justement, les réformes fiscales.

 

La loi de finances 2015 avait été approuvée sous la contrainte du temps, dans l’attente que la loi complémentaire vienne y remédier et lancer des réformes structurelles et audacieuses. Mais nada ! D’autant plus, que ces attentes sont amplement justifiées, par le fait que l’actuel gouvernement a eu suffisamment de temps pour élaborer un projet reflétant les attentes des électeurs, pour des réformes structurelles. Décevante donc cette absence de réformes profondes tant attendues.

 

Quid du lancement de réformes fiscales et de la réduction de la charge fiscale pour les salariés ? Rien à signaler !  Cela est valable aussi pour le volet de la lutte contre la contrebande et le commerce parallèle, alors qu’on connait le lien qu’ont ses activités avec le terrorisme. Une réforme du secteur douanier était nécessaire pour endiguer la contrebande et l’évasion fiscale, tout en constituant un moyen, parmi d’autres pour renflouer les caisses de l’Etat. Aucune mesure n’a été prise pour lutter contre l’évasion fiscale ou le paiement des dettes contractées par plusieurs acteurs économiques. Rien non plus concernant l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens ou au sujet du contrôle des prix…

 

Ainsi, l’absence de mesures qui pourraient endiguer l’évasion fiscale est à déplorer, exemple parmi tant d’autres, la limitation des bénéficiaires du régime forfaitaire, qui en profitent injustement, alors que la tendance était de changer de régime forfaitaire, à régime réel pour plusieurs professions libérales. On remarquera en outre, la « générosité » du gouvernement envers les chefs d’entreprises au détriment des mesures à caractère social. De plus, les mesures entreprises en matière d’emploi et d’investissement sont ce qu’il y a de plus conventionnel.

 

Le secteur qui bénéficie le plus de cette LFC 2015, après les dispositions de lutte contre  le terrorisme, est le secteur touristique. Pour soutenir le tourisme sinistré après les attentats du Bardo et de Sousse, le projet de loi a en effet mis en place une batterie de mesures faisant office de plan de sauvetage. Sauf que ces mesures auront immanquablement des répercussions négatives sur bon nombre de sociétés publiques, comme le signalent certains experts, en l’occurrence sur la STEG, la SONEDE ou la CNSS. Ces mesures pourraient, en effet, accroître leurs difficultés financières. Mauvaise étude ? A-t-on idée de sauver un secteur au détriment de ces institutions publiques. Il est plus que primordial, dans ce cas, que ces mesures exceptionnelles s’adressant au secteur du tourisme, s’inscrivent dans le cadre d’un plan visant à la réforme du secteur et ne s’arrêtant pas à seulement assurer la continuité de l’activité des établissements touristiques.

Ne prévoyant pas de dispositions qui concernent l’évasion fiscale ou la lutte contre la contrebande, ou la lutte contre la pauvreté et les disparités régionales, la LFC pour l’exercice 2015 a été fortement critiquée. Actuellement discutée à l’ARP, la version présentée par le gouvernement est examinée par les députés qui ont formulé des propositions pour parer à ces manquements.

05/08/2015 | 19:59
5 min
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Commentaires (2)

Commenter

safsaf123
| 05-08-2015 21:22
Reformons la fiscalite du pays pour :
1 Que cex=ux Qui travaillent dans les activites liberales payent un minimum d'impots
2 Que l'impots soit lisible

3ABROUD
| 05-08-2015 20:39
L'ARP est bien en avance par rapport au Gouvernement. Après les critiques fondées et virulentes, et les lacunes perceptibles par un téléspectateur profane, la réponse du Chef de Gouvernement a été laconique, vague et peu convaincant. Bon gré malgré, la LFC passe aisément ! Ce paradoxe de pouvoirs à deux vitesses n'inspire pas la bonne santé de notre démocratie naissante.