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Tunisie : Fin du lèche-bottes blues
30/12/2014 | 19:59
4 min
Tunisie : Fin du lèche-bottes blues
Les mauvaises pratiques ont la vie dure. Le président de la République, démocratiquement élu, n’a été officiellement élu qu’hier, lundi 29 décembre, date de promulgation des résultats définitifs par l’instance des élections. Pourtant, classe politique, presse et société civile se comportent comme si « le nouveau roi » était déjà en terrain conquis. A coup de pages de congratulations, de messages mielleux et de flatteries serviles, les nouveaux lèche-bottes se refont une santé.

La Tunisie n’aura pas longtemps souffert du « lèche-bottes blues ». Si le président sortant, Moncef Marzouki, a essayé à tout prix de casser l’image du « président-père », le retour en force des laudateurs ne s’est pas longtemps fait attendre. En effet, pendant ses trois années d’exercice, Moncef Marzouki, a essayé de donner une nouvelle dimension à la présidence de la République. Une dimension autre que celle donnée par Habib Bourguiba et Zine El Abidine Ben Ali. Depuis qu’il est à Carthage, Marzouki s’est attelé à donner au « nouveau représentant du pays » une nouvelle image qui semble mieux convenir à la conjoncture de l’époque. Une opération « séduction du petit peuple »,  orchestrée à coup de populisme, de visites surprise, de soutien inconditionnel aux martyrs de la révolution, d’accolades avec les citoyens des régions défavorisées et de visites guidées du Palais de Carthage. En devenant, ou du moins en essayant, de devenir ce président proche du peuple, Marzouki a réussi à casser le mythe du président craint et adulé.

Les Tunisiens ont vécu sous la dictature depuis l’indépendance. Au début avec l’ancien président Habib Bourguiba, un dictateur craint mais apprécié par une importante frange de la société, et puis ensuite par Zine El Abidine Ben Ali, le dernier dictateur chassé avec la révolution de 2011. Une tradition qui a engendré la pérennité de l’image du « président –père de la nation ». Une sorte de  dictateur éclairé qui, à l’image de Bourguiba, mènera le pays à bon port, à la baguette.
L’élection de Béji Caïd Essebsi, premier président élu au suffrage universel, n’arrangera pas les choses. Le « nouveau Bourguiba » a longtemps insisté sur le prestige de l’Etat. Un prestige qui a été mis à mal sous le règne de Marzouki, de l’avis de nombreux observateurs.
En effet, en parfait loup de la politique, Béji Caïd Essebsi est un bon tribun. Un politique de l’ancienne école qui estime qu’on peut gouverner au moyen de symboles. Et les symboles, il en utilise ceux du défunt Bourguiba dont il emprunte les accents. L’image même du père protecteur, qui rassure les foules, est revendiquée aujourd’hui par BCE, au grand plaisir de ses partisans.

Depuis les votes du deuxième tour de la présidentielle, et bien avant même, l’arrivée, prévisible, de Béji Caïd Essebsi au Palais de Carthage a été fêtée à coup d’affiches collées dans les administrations, de tags sur les murs, d’autocollants placardés sur les voitures et de messages de congratulations dans les journaux. Les anciens portraits poussiéreux de Zine El Abidine Ben Ali, rangés pendant 3 ans au fond des placards, ont cédé la place à ceux de Béji Caïd Essebsi. Dans les restaurants, les bars et les cafés, le surnom « Bajbouj » a été donné à des plats, des cocktails et trône même fièrement au milieu de certains établissements très fréquentés de la capitale.
Même avant les votes, en pleine campagne électorale, les meetings organisés par le candidat à la présidentielle étaient l’occasion de crier des slogans divinisant le président de Nidaa où youyous et larmes d’émotion étaient monnaie courante.
Dans la presse, la plume des laudateurs n’a pas attendu la proclamation des résultats définitifs, ou même provisoires, pour crier, en grands titres et en unes, que la victoire de Béj Caïd Essebsi relève désormais du domaine public. Une victoire qui « fera beaucoup de bien à la Tunisie » et qui « sortira le pays du provisoire », peut-on lire. Force est de reconnaitre qu’on n’en sait encore rien pour l’instant et que d’énormes chantiers attendent le président de la République qui prendra officiellement les commandes demain, mercredi 31 décembre 2014. Ceci dit, de l’avis de nombreux journaux, Béji Caïd Essebsi aura « illuminé notre démocratie naissante », et « mené la barque nationale à bon port », et ce, avant même d’avoir foulé le sol du Palais de Carthage.

En Tunisie, le roi est mort vive le roi ! La question n’est donc plus de savoir si l’image du « père » a encore sa place dans le paysage politique actuel. Il est plus opportun de se demander quand et comment cèdera-t-elle la place à celle d’un président « équilibre ». Un président dont le pouvoir émane des urnes et qui sera tenu d’honorer ses engagements sous peine de se voir destitué à la fin de son mandat. 

Synda TAJINE
30/12/2014 | 19:59
4 min
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Commentaires (11) Commenter
Rappel important mais imparfait
Mohamed
| 31-12-2014 17:20
Article un tantinet provocateur, mais justifié pour barrer la route aux inévitables laudateurs qui ne tarderont certainement pas à se manifester.
Des petites confusions existent cependant:
-Le restaurateur qui baptise un plat ou un coktail Bajbouj le fait par admiration et soulagement, car winn konna winn sbahna. Par exemple, il n'y a pas longtemps, des mercenaires imposteurs ETRANGERS auto-proclamés prédicateurs sillonnaient le pays en prêchant un discours de haine, de fitna et d'abrutissement qui n'a rien à voir avec les vrais objectifs de l'islam. Beaucoup de personnes à ce moment-là, extrêmement choqués, pensaient que la belle Tunisie fait partie d'un passé à jamais révolu. C'est dire.
Il s'agit plutôt de l'interprétation d'une réelle popularité et d'une réelle reconnaissance à BCE.
-Bourguiba était très très proche du peuple. De TOUT le peuple: élite et citoyens ordinaires. Les plus démunis l'appelaient "Bourguiba la7nine" et ne se trompaient pas.
Il était aimé et respecté SANS pratiquer le populisme.
- Le terme d"autoritaire" sied plus à Bourguiba que celui de "dictateur", car ce dernier terme a évolué dans le temps et laisse entendre que le dictateur se préoccupe plus de sa personne que de son peuple.
Si la possibilité d'instaurer la démocratie en Tunisie existe aujourd'hui ( ce n'est pas encore gagné), c'est grâce au travail gigantesque de Bourguiba.
La Tunisie et la Lybie se ressemblaient avant de connaître la colonisation.
Les deux ensuite ont pris un chemin différent, l'une avec Kaddafi, l'autre avec Bourguiba. Les deux ont connu une révolution.
Comparez l'état de l'une et l'état de l'autre, eux qui formaient presque le même Etat avant la colonisation.


Les même lèche-bottes omni présents
Hamedmeg
| 31-12-2014 13:01
Chère Madame, je partage entièrement votre avis et je rajoute quant même une chose: ce sont les lèche-bottes d'avant la révolution mais qui persistent encore après la révolution et là je parle de deux soit disons supporters de deux grandes équipes de la capitale, deux supporters qui ont beaucoup bénéficié de l'argent du peuple pour voyager gratuitement avec l'équipe Nationale partout dans le monde et avec la complicité des caméraman tunisiens qui les cherchent dans les gradins, les rues, les vestiaires et autres, rien que pour nous montrer leur gueules sur l'écran de TV.
Je rappelle que ces deux MOUNACHIDIN brandissaient leur tricot, lors d'une émission sportive qui parlait surtout de la victoire de Oussama MELLOULI, sur leur tricot on lisait: MAA BEN ALI 2009" je me rappelle même qu'ils se bousculaient l'un et l'autre pour que le dit slogan apparaisse et soit bien visible sur l'écran et devinez d'ou faisaient ils leur numéro ? Eh bien de DUBAI même, alors SVP, au nom de cette révolution épargnez nous de voir leur visage à chaque occasion, et assez de RIZK IL BILIK
Merci!
Will
| 31-12-2014 11:54
Merci Madame de votre article courageux! bizarre, il n'y a que les filles sur ce site qui ont le courage de dénoncer les risques de dérives dont les prémisses sont déjà présents!
@ sinda tajine
k-desuet
| 31-12-2014 09:46
décidément chère compatriote, on voit que vous etes fan du tartourisme. Cet homme n'a jamais été Président des tunisiens, en tout cas sans aucune légitimité d'abord. Il a été élu avec 7000 voix de la constituante, tout aussi illégitime et votée dans la gabegie qu'on lui connait à présent. De plus avec son burnous ridicule il s'est laissé baiser les mains et recevoir de la brosse à reluire en affichant des airs de fausse modestie et sans aucun charisme, cette qualité étant fondamentalement naturelle et ne peut en aucun cas malgré toutes ses tentatives, être acquise par des cours ou des conseils. Ceci dit, ce n'est pas la personne qui reçois les flatteries débiles qu'ils faut blâmer mais bien tous des sans-nom (pour éviter de les injurier) qui caricaturent la vie politique et du même coup ridiculisent la fonction présidentielle et plus largement toute fonction de pouvoir. Je ne suis pas forcément fan de BCE autant que vous l'êtes de Marzouko mais tout de même, faut blâmer et critiquer certes ces pratiques, mais celles et ceux qui s'y adonnent et non pas forcément ceux qui les recoivent sans peut-être les avoir demandées. BCE n'a qu'à annoncer cela, voire interdire ces pratiques RI DI CULES!!! et dégradantes...
Bonne année pour tous
rzouga
| 31-12-2014 09:42
Un coup d'Etat , une révolution, peu importe la dénomination de ce qui est arrivé à notre pays; avant on appréhendait cette mutation tant rêvée et tant crainte par la violence qu'elle peut charrier avec elle; mais en fin de compte on a réussi à changer à moindre frais bien qu'on a été à 2 doigts de basculer dans l'abîme qu'on nous a préparé de longue date; gardons désormais le bon cap pour ne plus revenir à l'obscurantisme.
L'éternel Retour
Amine
| 31-12-2014 08:38
Effectivement, certaines pratiques semblent être ancrées dans l'ADN historique soumis des peuples arabes. Ce besoin de chef, de paternalisme, le culte de la personnalité... Il faut dire que BCE a su en jouer aussi.

Par rapport à la question du portrait, je trouve absurde l'argument "la France le fait". La France est souvent décrite comme une "monarchie républicaine" surtout sous la Vème République ou le président est au centre de tout. Ce n'est pas le modèle politique et social qu'a choisie la Tunisie. Aujourd'hui des voix françaises se lèvent contre le culte du président en France, pourquoi ne pas devenir nous des modèles pour eux?
Pas une obligation
beni hilal
| 31-12-2014 03:26
Au Danemark, le portrait officiel de la reine et celui et du prince consort sont affichés dans toutes les ambassades et administrations gouvernementales. Ces mémes portraits peuvent être acquis par le commun des mortels. Beaucoup de gens ont orné leurs demeures avec ces portraits.
@ Synda TAJINE
Mêmepaspeur
| 31-12-2014 01:02
"Moncef Marzouki, a essayé de donner une nouvelle dimension à la présidence de la République"...

Et il faut reconnaître qu'il a réussi au-delà de toutes les espérances...de ceux qui ont rêvé et voulu "nanifier" la fonction de la Présidence, gage qui protégeait jusque-là le savoir-vivre-ensemble propre à toute société évoluée et/ou civilisée...

"Marzouki a réussi à casser le mythe du président craint et adulé"...en lui substituant, par un tour de passe-passe, une "mystification" à but électoraliste de la plus pure eau mais qui a fort heureusement échoué à convaincre les sceptiques et les réalistes à qui on ne la fait pas !
Car au lieu de redonner toute la respectabilité due à la présidence de la République il a, bien au contraire, mis plus bas que terre l'image même du Président. Et "a contrario" de l'image qu'il voulait se donner, d'un président "à l'image du peuple" et blablabla, il a fait preuve d'orgueil et de nombrilisme foncier au point de mettre à côté de la plaque et d'apparaître plus soucieux de sa propre image...que de l'image d'un Président qui représente les Tunisiens...
Comment ? En donnant libre cours à une fantaisie vestimentaire d'un autre temps et d'un autre lieu, en s'attifant comme pour aller garder un troupeau de chèvres...
Mais peut-être qu'au fond de lui-même considérait-il le peuple Tunisien comme tel...? Indigne d'égards superflus et tout juste bon à mener au knout...?

"l'ancien président Habib Bourguiba, un dictateur craint mais apprécié"...
Voilà bien des propos de quelqu'un qui n'a pas vécu cette époque-là et qui se fie, pour se forger une opinion, aux écrits tendancieux de ceux qui aspiraient à plus de considérations...alors qu'ils ne les méritaient point...!
Au lieu de lire : "un dictateur craint" il convient d'entendre: un président respecté...
Ce qui ne fut pas le cas du "provisoire dérisoire"...
Mais ce qui apparaît à l'égard de nos figures nationales comme une impolitesse de la part de la jeunesse n'est en fait qu'ignorance inhérente à cet âge...

"L'image même du père protecteur, qui rassure les foules, est revendiquée aujourd'hui par BCE, au grand plaisir de ses partisans."

Cliché éculé, dont BCE lui-même n'est pas dupe...
Ma modeste personne non plus...et au besoin, je serai un des plus féroces critiques et contempteurs de BCE si celui-ci a le malheur de me décevoir dans le domaine des libertés...toutes les libertés essentielles, toutes les libertés démocratiques...

"Une victoire qui « fera beaucoup de bien à la Tunisie » et qui « sortira le pays du provisoire », peut-on lire"...

Je parie qu'au fond de vous même, vous n'en pensez pas moins...car entre les islamistes et "Bajbouj", avouez que le choix est vite fait...? Je parie même sans grand risque de me tromper, que vous avez voté "Bajbouj"...Vrai ou pas ?

"[Un président] qui sera tenu d'honorer ses engagements sous peine de se voir destitué à la fin de son mandat."

Destitué à la fin de son mandat...???
Je pense que s'il le faut, un président sera destitué "avant" la fin de son mandat...Car "à la fin de son mandat" il n'est plus besoin de le destituer...puisque son mandat prend fin...!
Et cela nous économisera même une tragi-comédie de plus...!

Une dernière remarque quant au titre de votre article : si "la fin du lèche-bottes blues" s'entend dans le sens "nostalgique" qu'il faut maintenant dépasser, il peut être considéré comme "judicieux"...
Or il me semble, au regard du sens général du texte, (sens global, et opinion que je ne partage pas...) que c'est plutôt maintenant que "les laudateurs patentés" vont donner libre cours à leur pêché mignon...
Me trompe-je...?

MPP
Ecoute ma pote
HatemC
| 30-12-2014 21:38
Les nations arabes ... mise sur le ZAIM ... L'homme providence ... va falloir changer cela d'acourdou ...? Plus de place au culte de la personnalité ... ma chérie ... Hatem Chaieb
ce n est pas grave
canalou
| 30-12-2014 21:33
de la part d un jeune . La jeunesse est l age de tous les excès et des idoles et tant mieux si la jeunesse trouve en BCE un modele et un repere perdu depuis quelques temps .Ils ont le droit de rever et d esperer