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Quand le CPR aide Ennahdha à traquer Hamadi Jebali

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Mohamed Abbou, secrétaire général du parti du Congrès pour la République (CPR), a donné aujourd’hui 11 février une conférence de presse en vue de dévoiler la position du parti quant à l’initiative du chef du gouvernement, Hamadi Jebali, qui consiste en la composition d’un gouvernement de compétences nationales.
Tout le monde attendait l’annonce officielle de la décision d’une démission collective des ministres CPR du gouvernement actuel, déjà annoncée depuis dimanche 10 février, par quelques membres du parti. Mais le CPR a changé la donne et a fait un revers de position, ou…un revers de fortune : la démission est gelée pendant une semaine à compter d’aujourd’hui.
Un nouvel ultimatum donc, posé par le parti du CPR qui amène, d’ailleurs, à s’interroger sur la faisabilité politique de pareille manœuvre : un coup, je démissionne, un coup je démissionne plus, et des ultimatums à s’en lasser qui laissent entrevoir la vulnérabilité de la position du CPR au sein de la Troïka. Et il n’y avait qu’à voir les visages figés d’une pâleur presque drôle des ministres CPR présents à la tribune aux côtés de leur chef Mohamed Abbou pour le constater. Sans vouloir en remettre une couche, mais, il est difficile de se priver de faire un clin d’œil à Sihem Badi, ministre de la Femme et de l’Enfance -pour une semaine supplémentaire- dont les traits du visage étaient, franchement, anxieux.
Aussi Mohamed Abbou a-t-il déclaré que le gel de la démission des ministres CPR est, foncièrement motivé par « la volonté de satisfaire» leurs conditions et leurs attentes vis à vis du parti islamiste Ennahdha. Cela laisse, donc, entendre, que le CPR est à la merci de ce dernier et obéit, au bas mot, à ses impératifs d’ordre « exclusivement » politique. Surprenant ! Et Mohamed Abbou d’ajouter qu’Ennahdha a certifié aux dirigeants du parti du CPR, qu’il est parfaitement idoine à réunir les trois partis de la coalition autour d’un identique compromis. Nous apprendrons, par la suite, qu’il s’agit, davantage, d’une manœuvre délétère et perverse en vue de filer un mauvais coton à l’initiative de Jebali. Nous ne demandons qu’à voir, aussi faux jetons qu’ils soient, les ministres CPR se renforcer à coups de matraque d’Ennahdha. Grotesque !
Toutefois, l’argument de Mohamed Abbou du genre : « il est nettement mieux que nous ayons accepté de mettre la main dans la main avec Ennahdha plutôt que si ça avait été avec le parti d’Al Aridha. Vous imaginez un peu le résultat que cela aurait donné ? » est bien loin de convaincre par ces temps où la confiance fait défaut.
Revenons à l’initiative de Hamadi Jebali, et là aussi, les propos du secrétaire général du CPR vacillent entre le « d’accord » et le « pas d’accord ». Plus clairement, M. Abbou affirme, d’abord, qu’un gouvernement de compétences nationales ne pourra pas faire long feu et que les technocrates, malgré leurs performances peuvent commettre des erreurs autant que les ministres ayant des appartenances partisanes. Ensuite, Mohamed Abbou revient à la charge pour dire que le CPR a prôné, auparavant, un gouvernement de technocrates en ciblant ainsi les ministères davantage techniques, à l’instar du ministère de l’économie. C’est dire que le parti n’est pas contre l’idée de la technocratisation du gouvernement à condition que les portefeuilles clés, en l’occurrence, demeurent l’apanage de la Troïka.
Alors pour l’anecdote, Mohamed Abbou a souligné que les ministres CPR ayant posé un ultimatum, le premier, pour démissionner une fois minuit aura sonné le samedi 9 février, ceux-là ont carrément compté les heures et étaient impatients de déguerpir du gouvernement, avant qu’Ennahdha ne vienne crier au secours et les dissuade d’abdiquer.
Alors, pour les beaux yeux d’Ennahdha, le CPR a daigné rester posant un nouvel ultimatum, mais aussi, d’autres conditions. Il s’agit, de remettre de l’ordre au sein même de la coalition, car ces derniers temps, les critiques s’accentuent de plus en plus, semant le désaccord entre les trois partis qui se retrouvent en bisbille et incapables de s’unir autour d’une même décision.
Toujours, autour de l’initiative de Hamadi Jebali, Mohamed Abbou a précisé que son parti a devancé celui d’Ennahdha pour la rejeter en envoyant une lettre au chef du gouvernement dans laquelle le CPR confie ses appréhensions des conséquences fort douteuses d'une pareille initiative. « Je ne dis pas cela en toute fierté, mais c’est la stricte vérité, sur ce coup-là nous avons pris les devants par rapport à Ennahdha », observe Mohamed Abbou.
Un autre volet a, par ailleurs, été soulevé lors de la rencontre de presse du CPR, celui du rôle de l’Assemblée nationale constituante dans la solution de ce conflit d’ordre légal résultant de l’initiative de Hamadi Jebali. Le secrétaire général du CPR a laissé entendre qu’il est convaincu du passage obligatoire par les députés afin d’obtenir leur aval quant à la nomination de nouveaux ministres. Pour la faire courte : un ministre doit présenter sa démission à l’ANC, les députés l’acceptent, Hamadi Jebali propose un nouveau ministre et à l’ANC de l’approuver ou non.
Ainsi donc, il s’agirait d’une conviction personnelle forgée autour de certaines opinions au- delà des textes de loi et des avis des experts juristes en matière de Constitution. Ingénieux M. Abbou !
A propos de l’ANC, justement, Mohamed Abbou a rappelé à l’auditoire, que le CPR n’était pas enthousiaste à l’idée de mettre en place une assemblée constituante, le mieux aurait été de garder l’ancienne constitution en opérant les amendements nécessaires, notamment en ce qui concerne la loi relative aux élections.
Par ailleurs, et sur un autre plan, Mohamed Abbou a remis en question le classement de la Tunisie (138ème place) établi par RSF (Reporters Sans Frontières) quant à la liberté de la presse, un classement qui témoigne d’un recul en la matière. Selon M. Abbou, ce n’est pas l’organisation de RSF qui est remise en cause, à ce titre, mais plutôt les informations et leurs sources qui sont douteuses et ne révèlent pas la réalité des choses.
Pour finir en beauté, Mohamed Abbou a clamé haut et fort, en toute conviction, que le CPR n’est guère responsable de l’échec du gouvernement : « nous n’assumons pas cet échec ». Il réclame même que la note sur le rendement du gouvernement de la Troïka ne soit pas en dessous de la moyenne, mieux elle doit la dépasser.
En ce même moment où Mohamed Abbou fait joue le politicien équilibriste, Hamadi Jebali a posté un statut sur sa page Facebook où il dit : « je t’ai choisie, ma patrie ». C’est un statut qui en dit long sur la couleur des intentions du chef du gouvernement, des couleurs claires qui dessineront les contours d’un avenir meilleur pour la Tunisie. Mais c’est aussi, un statut qui envoie un message tout autant clair à l’adresse du peuple et surtout de ceux qui ont décidé de le lâcher et dont le CPR est une belle illustration, à savoir que, pour lui, il n’y a que la patrie qui prévaut.
Nadya B’CHIR
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