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Tunisie – Ces avocats qui défendent l'injustice et la dépendance au pouvoir
26/11/2012 | 1
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Tunisie – Ces avocats qui défendent l'injustice et la dépendance au pouvoir
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La phase postrévolutionnaire est marquée, jusqu’à nos jours, par une particularité consistant à faire impliquer la magistrature, à tort ou à raison, dans des conflits mettant aux prises des hommes politiques ou des hommes d’affaires dans des histoires de règlements de comptes personnels.
Sans oublier les plaintes déposées, pour un oui ou pour un non, rien que pour créer des opérations de diversion, notamment, lors des moments de débats chauds portant sur l’avenir du pays. A croire que des forces occultes manipulent ces justiciers pour mettre la pression sur untel via des accusations de toutes sortes et, la plupart du temps, sans dossier consistant et, presque toujours, sans lendemains…


On se rappellera, entre autres, ce fameux collectif d’avocats qui a multiplié les plaintes contre les barons de l’ancien régime et autres hommes d’affaires proches du cercle familial de l’ex-président Ben Ali, de sa famille et de sa belle famille.
Depuis, des dizaines d’hommes se trouvent en prison sans accusation précise ni de désignation de date de procès. Quant audit collectif d’avocat, on n’en entend plus parler !
Cela a continué pendant un certain temps avec des pauses plus ou moins prolongées, sans que les accusations, les diffamations et les dénigrements ne cessent, et ce dans l’impunité la plus totale. On se rappellera, aussi, de ces membres du gouvernement et de dirigeants des partis de la Troïka qui accusaient des « parties » d’avoir tramé un complot, avec la connivence de puissances étrangères, pour faire chuter le gouvernement en place. Mais il n’y a eu ni preuves ni aucune suite de cet épisode.

Mais les évènements en la matière ont pris, ces derniers temps, une autre tournure. Ainsi, certains avocats, notamment ceux réputés comme étant proches du pouvoir, se sont spécialisés dans ce genre d’affaires avec le dépôt de dizaines et des dizaines de plaintes.
Des hommes censés défendre la veuve et l’orphelin –comme on dit – mais qui tirent sur tout ce qui bouge ou plutôt sur tous ceux qui osent chatouiller le régime en place ou prendre des positions pouvant le contrarier ou toute autre force pouvant constituer une menace politique pour la coalition tripartite.
On citera, dans cet ordre d’idées, la plainte déposée par l’ex- Me Cherif Jebali, désormais interdit d’exercer la profession d’avocat pour deux ans, qui a déposé plainte contre l’homme d’affaires, Kamel Letaïef pour… complot contre la sûreté de l’Etat. Ni plus, ni moins. Une accusation passible de la peine de mort !
Cherif Jebali, qui présente à l’appui de sa requête, une liste d’appels téléphoniques émis et reçus par M. Letaïef, accable ce dernier de tous les maux : Selon les propres termes de M. Jebali, l’attaque de l’ambassade américaine a été manigancée par Kamel Letaïef pour que les Etats-Unis abandonnent la Troïka.
Et c’est encore Kamel Letaïef qui est derrière la tentative d’agression de l’épouse du même ex-avocat, parvenue à échapper, avec son amie, à deux gros gabarits munis d’armes blanches. Un vrai scénario hollywoodien.
En tout état de cause, en attendant le dénouement de ces plaintes, personne ne s’est demandé comment cet ancien avocat a pu se procurer, avant de les divulguer, les fameux listings téléphoniques de hautes personnalités de l’Etat, censés être très confidentiels et faisant partie de la vie privée des gens.
Mais ce qui est bon à savoir, aussi et surtout, est que Cherif Jebali avait comme client, Hédi Djilani et a encore comme client, l’homme d’affaires, Chafik Jarraya. Inutile d’en dire plus…

L’autre avocat, Me Fethi Laâyouni, qui n’a rien trouvé de mieux pour se rendre célèbre, que de porter des dizaines de plaintes (certains parleront de plus de 80), contre les personnes critiques du pouvoir, notamment parmi les artistes, les journalistes et autres créateurs.
La dernière en date est celle contre Ettounsiya contre laquelle il a fait preuve « d’enthousiasme » et d’acharnement rarement vus. Après avoir réussi à faire interdire la diffusion de l’interview, tant attendue, de Slim Chiboub, gendre de l’ancien président, Me Laâyouni a tout fait pour en empêcher la retransmission sur n’importe quelle autre chaîne tunisienne. Mais il a échoué puisqu’un juge, sensé et honnête, a rendu un verdict favorable à la diffusion de cette rencontre effectuée par Moez Ben Gharbia et qui passera, finalement, ce soir, sur la chaîne de Sami Fehri.

Parlons-en du patron d’Ettounissia qui « moisit » en prison depuis plus de deux mois sans procès. Au moment où les principaux protagonistes dans l’affaire Cactus, du temps du régime de Ben Ali, se trouvent en liberté et sans la moindre accusation officielle, Sami Fehri, qui dans le pire des cas, ne peut être qu’un des complices, a été jeté dans les geôles suite à une décision judiciaire prise en l’espace de 24 heures et, qui plus est, lors d’un jour férié !

Un autre avocat, celui des deux défunts Béchir Golli et Mohamed Bakhti, s’appelle Seïfeddine Makhlouf. Ce dernier se trouve être le même avocat de Lotfi Zitoun, membre du gouvernement. Cet avocat qu’on n’a jamais vu défende feu Bakhti et feu Golli devant les médias avant leurs décès, n’a pas hésité à crier haut et fort que son ministre a d’autres choses à faire que de perdre son temps devant les tribunaux. Autrement dit, cet avocat ne croit pas à l’égalité de tous les citoyens devant la justice.

Toutes ces affaires nous amènent à nous interroger sur le pourquoi de cette manie de faire impliquer la justice dans des affaires qui s’avèrent, finalement et la plupart du temps, sans fondement ? Pourquoi faire impliquer la magistrature dans des affaires qui ont tout l’air de règlements de comptes ou de moyens de pressions dans telle ou autre tractation ?
Et puis pourquoi ignore t-on la justice lorsqu’il s’agit de priver des dizaines de milliers de citoyens tunisiens de leurs droits civiques pour de simples présomptions en leur intentant un procès d’intention via l’Assemblée nationale constituante alors que les tribunaux sont les lieux les mieux indiqués pour trancher la question ?

Certains juges imputent cette situation à l’état précaire du corps de la magistrature. Ils estiment que quand la vraie justice s’éveillera, tout changera. Et pour peu que le corps de la magistrature retrouve sa cohésion, sa solidarité et son indépendance, il fera entendre sa voix et son pouvoir qui, normalement et dans toutes les démocraties du monde, se trouve être le dernier recours auquel tous doivent se plier car il représente la garantie essentielle de neutralité et d’équité ainsi que la pérennité des fondements de l’Etat de droit et d’institutions.

Noureddine HLAOUI
26/11/2012 | 1
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