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Le «cadeau» de Nébil Jridet à Samir Dilou

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Nébil Jridet, directeur de l’hebdomadaire Al Oula, a arrêté sa grève de la faim, sept jours après l’avoir entamée et suite à un entretien avec Samir Dilou, ministre des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle.
Récit de la folle semaine où la récupération politique par trois membres du gouvernement l’a disputé à la détermination du journaliste.
Local du Syndicat des journalistes au quartier du Belvédère à Tunis, samedi 12 mai. Dehors, il fait beau, le temps est printanier. A l’intérieur, l’ambiance est moins agréable. Morne, sans pour autant être lourde.
Nébil est au 1er étage assis sur une petite banquette dans une pièce d’un mètre sur deux. Il est neuf heures du matin et Nébil est seul. Face à sa feuille blanche, le journaliste est souvent seul. Mais quand on est jeune directeur d’un journal comme Nébil, on l’est encore davantage.
En ce samedi, il entame son 4ème jour de grève de la faim «sauvage». Hana est partie pour un travail et les autres ne sont pas encore là.
Nébil ne demande pas grand-chose. Ni aide, ni emploi, ni indemnisation. Juste une équité et une transparence dans la distribution de la publicité publique aux journaux.
Cela vaut-il la peine pour autant d’exposer son corps à un danger certain que représente cette grève «sauvage»?
Nébil est cependant déterminé. Il ne cherche ni une heure de gloire, ni les miettes que l’administration pourrait lui offrir. C’est une question de principe, la Tunisie a vécu une révolution et le gouvernement actuel se doit de la respecter en mettant en pratique la transparence et en agissant équitablement.
Or ce que Nébil constate est tout autre. Les anciennes pratiques ont la peau dure. Si t’es laudateur du régime, t’as droit à ta part du gâteau. Sinon, va voir ailleurs si j’y suis.
Mais en ce moment, le gouvernement a la tête ailleurs. Aux prochaines élections, peut-être ? Ou aux peaux de banane qu’il lance ou qu’on lui lance, c’est selon.
Les grèves et les sit-in, le gouvernement commence à en avoir l’habitude et peut-être ras-le-bol. Il ne réagit plus, il laisse pourrir jusqu’à ce que les grévistes s’en lassent.
Nébil aurait dû s’en apercevoir le premier jour de sa grève après la communication téléphonique avec Lotfi Zitoun, ministre conseiller du chef du gouvernement. M. Zitoun demande à Nébil d’arrêter sa grève et lui promet d’en parler au chef du gouvernement. En arabe dialectal il lui dira « Parole d’homme, tu arrêtes et j’en parle demain à Hamadi ».
Nébil s’attendait à l’engagement de l’Etat, il a eu droit à une «kelmet rjel»! Voilà comment fonctionne le gouvernement aujourd’hui. On ne parle pas le même langage.
Vendredi, Néjiba Hamrouni, présidente du syndicat, reçoit une communication téléphonique de Mohamed Abbou, ministre chargé de la Réforme administrative. «C’est mon dossier», dit-il.
Erreur de Nébil, il aurait dû adresser sa missive au nouveau SG du CPR, plutôt qu’aux ministres d’Ennahdha. Il fallait savoir qu’il y avait des camps dans le gouvernement et que chacun cherche à entreprendre une récupération politique de cette grève. Quoi qu’il en soit et quel que soit la partie chargée de résoudre le problème, l’espoir renaît. On va donc attendre lundi que Abbou apporte la solution ou une partie de la solution.
Samedi soir, l’état de santé de Nébil empire. Après quatre jours, sans manger, sans boire, sans sucre, le corps a dit basta. Il entre dans une dépression, Hana Trabelsi, sa fidèle journaliste toujours présente ou presque, appelle au secours.
Les secours sont là, il fallait arrêter la folie suicidaire de la grève sauvage. Tard la nuit, Nébil est contraint d’arrêter la sauvagerie, mais pas la grève.
Dimanche dans l’après-midi, il va nettement mieux. Mais il est toujours seul. Des confrères arrivent. Puis un cousin. Puis la maman. De quoi lui donner un peu de force et lui faire oublier ce «reportage tardif et orienté de la Wataniya et ses invités qui trainent les casseroles et donnent des leçons».
Le lundi arrive et Nébil attend impatiemment que Abbou daigne s’occuper de son cas. Mais rien n’est arrivé le lundi, ni le lendemain puisque Abbou est encore occupé par son CPR et sa conférence de presse.
Une lueur d’espoir arrive cependant mardi matin avec l’annonce de l’arrivée de Samir Dilou, ministre des Droits de l’Homme, mais celui-ci se fait aussi attendre. Pas pour longtemps cependant.
Après avoir quitté le conseil des ministres, M. Dilou concocte un programme et le ramène dans sa besace en fin d’après-midi.
Il promet, pour fin mai, une conférence pour plancher sur le problème de la publicité publique. Enfin, quelque chose de concret!
S’il cherchait une récupération politique, Samir Dilou a tapé en plein dans le mille en trouvant l’idée toute simple qui a échappé à Zitoun et Abbou. Ils apprécieront!
Face à du concret, la tête sur les épaules et fatigué par 7 jours de grève de la faim, dont 4 jours sans eau et sucre, Nébil accepte, sans jeter l’éponge. C’est son combat et il y tient. Dilou l’a compris et lui a promis une vraie suite et non juste d’en parler à Hamadi.
Bien qu’il ne soit pas directement concerné, il a rebondi sur le problème et lui a trouvé la solution. Il n’est pas interdit de penser que l’idée lui est venue le matin en se rasant.
Rendez-vous fin mai pour la suite.
Nizar Bahloul
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