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Ha-Joon Chang à Tunis : "les schémas de développement servis aux pays du Sud ne servent que les intérêts de ceux qui les propagent"

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« Si les politiques et les institutions que les pays riches recommandent aux pays pauvres sont convenables et appropriées, on aurait pu s’attendre à ce que la croissance et le développement soient la règle, plutôt que l’exception, durant les trois dernières décennies au cours desquelles les pays développés ont commencé à mettre la pression sur les pays en voie de développement pour qu’ils adoptent ce qu’ils appellent les "normes mondiales" ». Le constat émane du professeur Ha-Joon Chang, de l’université de Cambridge qui a donné une conférence jeudi 26 février 2009, à l’hôtel Abou Nawas Tunis, à l’invitation de la BAD, la Banque Africaine de Développement.
Les propos laissent supposer que les schémas de développement servis aux pays du Sud ne servent donc que les stricts intérêts de ceux qui les propagent.
Riche en exemples, en chiffres et en démonstrations, l’exposé de Ha-Joon Chang n’a pas laissé indifférents les auditeurs, une assistance composée des cadres et du personnel de la banque, mais aussi des invités venus des quatre coins du continent ainsi que bon nombre de journalistes. L’intervention du professeur Ha-Joon Chang qui préconise la réhabilitation de l’Afrique a pour objectif de « montrer comment les expériences es pays riches sont totalement aux antipodes des recommandations pratiques des éminents économistes d’aujourd’hui et comment elle suscitent des interrogations sur les explications "structurelles" de l’échec des politiques néolibérales en Afrique. »
Le brillant orateur s’est attelé à dénoncer- ce que certains ont appelé, sans ambages, l’hypocrisie des pays riches - le diktat des pays industrialisés. Ces derniers ont recommandé aux différents Etats africains « un train de mesures connues sous le nom de politiques néolibérales, entre autres la libéralisation du commerce et des investissements étrangers, la privatisation des entreprises publiques, la déréglementation des industries locales, des politiques macroéconomiques "plus prudentes" et une meilleure protection des droits de propriété intellectuelles ».
Plutôt que l’échec de leurs schémas et son inadaptabilité aux contextes locaux, les pays riches imputent le croupissement du continent dans le sous-développement et le non aboutissement des différents programmes structurels proposés. Ils recourent, à l’appui de leurs thèses, à de fausses vérités et accusent les Africains de tous les maux autour de leitmotivs récurrents : corruption, mauvaise gestion, paresse, conflits ethniques, climat inadéquat…
Méthodiquement, le conférencier a battu en brèche, une à une, l’argumentation occidentale. Et d’abord, ce que l’actuelle crise économique mondiale montre à souhait, le protectionnisme a été le moteur essentiel du développement économique dans la plupart des pays riches, à commencer par la Grande Bretagne : protection des industries naissantes, subvention des exportations, abaissement des droits de douanes… Et « ce n’est qu’au lendemain de la deuxième guerre mondiale que les Etats-Unis, forts d’une suprématie industrielle incontestée, ont libéralisé leur commerce… »
Et l’orateur de préciser les intentions des pays nantis : « Les dix dernières années ont été marquées par l’émergence d’une littérature qui "explique" les performances économiques médiocres de l’époque néolibérale par des facteurs qui échappent au contrôle des économistes, pour ainsi dire - tels que le climat, le mauvais voisinage, le manque de ressources naturelles, les tensions ethniques, la mauvaise qualité des institutions, la pauvreté en ressources humaines, la culture… Le climat tropical est considéré comme un frein majeur à la croissance économique, en raison des dépenses de santé causées par les maladies tropicales.
Cet argument est démenti par le fait que bien des pays aujourd’hui développés ont connu le paludisme et d’autres maladies tropicales. Aussi, imputer le sous-développement de l’Afrique au climat, c’est confondre la cause et les symptômes : de mauvaises conditions climatiques n’entraînent pas le sous-développement ; au contraire, l’incapacité d’un pays à surmonter les mauvaises conditions climatiques n’est qu’un symptôme du sous-développement.»
En renvoyant dos à dos socialisme et néolibéralisme, l’orateur qui a longuement fouillé dans l’histoire des économies, s’est prononcé pour un juste milieu entre le protectionnisme et l’ouverture à l’économie mondiale. Parce que le passé éclaire le présent et l’avenir, il se confirme qu’aucun schéma unique ne peut s’appliquer à un continent et que chaque pays possède ses propres moyens pour amorcer son développement et réussir là où les différents programmes d’ajustement structurel ont achoppé. Les pays africains gagneraient à s’inspirer des différentes expériences des pays développés, à prendre le temps nécessaire et à tester diverses approches. Le développement est une affaire de longue haleine.
Tout au long de son exposé, M. Chang n’a cessé d’inviter les auditeurs à libérer leur imagination et à réfléchir aux moyens d’échapper au modèle unique imposé par l’Occident néolibéral et à la meilleure façon d’enclencher le développement. Le mot de la fin est revenu à la vice-présidente de la BAD qui a résumé en trois mots les enseignements à tirer de la conférence : libérer l’imagination, il n’y a pas de recette toute faite pour le développement et enfin faire preuve d’innovation.
Ha-Joon Chang est récipiendaire du prix de Myrdal 2003, attribué à son livre, Kicking Away the Ladder, par l'Association européenne pour l'économie politique évolutionnaire (EAEPE) et le lauréat
(conjointement avec Richard Nelson de l'université de Colombie) du prix Leontief 2005
pour Advancing the Frontiers of Economic Thought, attribué par l'université de Tufts.
Les propos laissent supposer que les schémas de développement servis aux pays du Sud ne servent donc que les stricts intérêts de ceux qui les propagent.
Riche en exemples, en chiffres et en démonstrations, l’exposé de Ha-Joon Chang n’a pas laissé indifférents les auditeurs, une assistance composée des cadres et du personnel de la banque, mais aussi des invités venus des quatre coins du continent ainsi que bon nombre de journalistes. L’intervention du professeur Ha-Joon Chang qui préconise la réhabilitation de l’Afrique a pour objectif de « montrer comment les expériences es pays riches sont totalement aux antipodes des recommandations pratiques des éminents économistes d’aujourd’hui et comment elle suscitent des interrogations sur les explications "structurelles" de l’échec des politiques néolibérales en Afrique. »
Le brillant orateur s’est attelé à dénoncer- ce que certains ont appelé, sans ambages, l’hypocrisie des pays riches - le diktat des pays industrialisés. Ces derniers ont recommandé aux différents Etats africains « un train de mesures connues sous le nom de politiques néolibérales, entre autres la libéralisation du commerce et des investissements étrangers, la privatisation des entreprises publiques, la déréglementation des industries locales, des politiques macroéconomiques "plus prudentes" et une meilleure protection des droits de propriété intellectuelles ».
Plutôt que l’échec de leurs schémas et son inadaptabilité aux contextes locaux, les pays riches imputent le croupissement du continent dans le sous-développement et le non aboutissement des différents programmes structurels proposés. Ils recourent, à l’appui de leurs thèses, à de fausses vérités et accusent les Africains de tous les maux autour de leitmotivs récurrents : corruption, mauvaise gestion, paresse, conflits ethniques, climat inadéquat…

Et l’orateur de préciser les intentions des pays nantis : « Les dix dernières années ont été marquées par l’émergence d’une littérature qui "explique" les performances économiques médiocres de l’époque néolibérale par des facteurs qui échappent au contrôle des économistes, pour ainsi dire - tels que le climat, le mauvais voisinage, le manque de ressources naturelles, les tensions ethniques, la mauvaise qualité des institutions, la pauvreté en ressources humaines, la culture… Le climat tropical est considéré comme un frein majeur à la croissance économique, en raison des dépenses de santé causées par les maladies tropicales.
Cet argument est démenti par le fait que bien des pays aujourd’hui développés ont connu le paludisme et d’autres maladies tropicales. Aussi, imputer le sous-développement de l’Afrique au climat, c’est confondre la cause et les symptômes : de mauvaises conditions climatiques n’entraînent pas le sous-développement ; au contraire, l’incapacité d’un pays à surmonter les mauvaises conditions climatiques n’est qu’un symptôme du sous-développement.»
En renvoyant dos à dos socialisme et néolibéralisme, l’orateur qui a longuement fouillé dans l’histoire des économies, s’est prononcé pour un juste milieu entre le protectionnisme et l’ouverture à l’économie mondiale. Parce que le passé éclaire le présent et l’avenir, il se confirme qu’aucun schéma unique ne peut s’appliquer à un continent et que chaque pays possède ses propres moyens pour amorcer son développement et réussir là où les différents programmes d’ajustement structurel ont achoppé. Les pays africains gagneraient à s’inspirer des différentes expériences des pays développés, à prendre le temps nécessaire et à tester diverses approches. Le développement est une affaire de longue haleine.
Tout au long de son exposé, M. Chang n’a cessé d’inviter les auditeurs à libérer leur imagination et à réfléchir aux moyens d’échapper au modèle unique imposé par l’Occident néolibéral et à la meilleure façon d’enclencher le développement. Le mot de la fin est revenu à la vice-présidente de la BAD qui a résumé en trois mots les enseignements à tirer de la conférence : libérer l’imagination, il n’y a pas de recette toute faite pour le développement et enfin faire preuve d’innovation.
Ha-Joon Chang est récipiendaire du prix de Myrdal 2003, attribué à son livre, Kicking Away the Ladder, par l'Association européenne pour l'économie politique évolutionnaire (EAEPE) et le lauréat
(conjointement avec Richard Nelson de l'université de Colombie) du prix Leontief 2005
pour Advancing the Frontiers of Economic Thought, attribué par l'université de Tufts.
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