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Oussama Ben Salem, fils à papa ou fils à son père ?
23/05/2012 | 1
min
Oussama Ben Salem, fils à papa ou fils à son père ?
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L’annonce par Oussama Ben Salem, fils du ministre de l’Enseignement supérieur, d’une nouvelle chaîne de télévision a déclenché toute une polémique sur le retour du népotisme et le favoritisme.
Dans une interview accordée à Business News, M. Ben Salem s’explique sur son projet et répond à toutes les questions, critiques et accusations, en faisant valoir son parcours et son plein droit à lancer des projets, indépendamment du poste qu’occupe son père.
Il fait remarquer qu’il n’a jamais fait état de ce lien familial et que ceux qui le mettent en exergue cherchent à lui nuire, mais sans succès.

Il a 34 ans, a été élevé loin de son père, qui croupissait dans les prisons, et a grandi dans la précarité. L’image d’Oussama Ben Salem est bel et bien réelle, mais cette image est en train de se détériorer suite à l’annonce de lancement d’une chaîne de télévision dénommée Zitouna TV. Comment donc quelqu’un dont le père vendait, il y a à peine deux ans, le persil sur les marchés, peut lancer une chaîne de télévision dont le coût atteint des millions de dinars ? Comment peut-il d’ores et déjà se permettre de louer une fréquence sur Nilesat dont la facture avoisine, en théorie, les 30.000 dollars par mois ?
Oussama Ben Salem n’a pas peur des questions et semble même apprécier un entretien avec un journal dont la ligne éditoriale est à l’opposé de ses convictions politiques et sociales. « On ne peut se construire et évoluer qu’en discutant avec ceux qui nous contredisent, ceux avec qui nous ne sommes pas d’accord», dit-il.

Pour son projet, il met les choses dans leur contexte et indique qu’il n’est que le promoteur de l’idée et le coordinateur entre trois parties qui se cherchent : le peuple (et il insiste pour dire peuple et non public) qui a besoin d’une télé objective répondant à ses attentes, les compétences qui ont besoin d’une télé pour y développer leur créativité et trouver un avenir professionnel radieux et les investisseurs et les annonceurs qui ont besoin de cette télé pour générer du retour sur investissement.
Bien qu’étant le coordinateur, M. Ben Salem dit qu’il n’envisage pas d’être le patron de la chaîne et qu’il n’est pas nécessaire que le promoteur soit issu du monde des affaires ou des médias.

Le parallèle avec Sakher El Materi s’impose. Le gendre de l’ancien président a, à peu près, le même âge et, l’autre aussi, faisait valoir ce type d’arguments. Lui aussi se débrouillait pour lancer des idées dans différents secteurs et attendre, ensuite, les financeurs parmi les banques et les hommes d’affaires venir le voir et proposer leurs bons et loyaux services.
Oussama Ben Salem s’offusque, sans trop le montrer, de la comparaison et trouve qu’il est naturel qu’il soit interrogé sur les origines du financement et que l’on doute de lui. «Autrement, je douterai que l’on ait vécu une révolution », dit-il avant de rejeter la comparaison avec Sakher El Materi. « Ceux qui font cette comparaison ont la nostalgie des figures de l’ancien régime et estiment qu’on ne peut réussir qu’en étant proches du pouvoir. Ceci n’est pas vrai !
Contrairement à Sakher El Materi, je ne me base pas sur ma proximité avec le régime, mais sur l’idée du projet et sa ligne éditoriale ».

Son projet, en fait, n’est pas si grandiose qu’il n’en a l’air, selon ses propos. Il ressemblera plutôt à une web TV qu’à une véritable chaîne satellitaire avec ses studios, sa programmation et ses vedettes.
La qualité technique de l’image sera sacrifiée et il n’a aucun souci de diffuser un reportage filmé avec la caméra d’un téléphone portable. L’essentiel est que ce reportage soit crédible.
Quant aux moyens, il nous parle d’un capital de 35.000 dinars, soit 1% de ce qu’exigerait, au minimum, le lancement d’une chaîne de télévision ordinaire.
Quand on lui fait remarquer que le coût de location de la fréquence sur Nilesat est de 300.000 dollars par an, il répond qu’il a obtenu cette fréquence, mais ne l’a pas encore payée. Il s’agit d’une bande de 1 méga qui, techniquement, ne peut pas diffuser de la vidéo. Juste l’image et le sonore. Le paiement de cette fréquence se fera ultérieurement et lui coûtera moins que 35.000 dinars (12.000 $ par mois, selon ses dires) versés par ses amis hommes d’affaires aventuriers qui ont cru en ce projet et en cette « idée folle », selon ses termes. C’est le même parcours qu’auraient suivi certaines chaînes tunisiennes nées après la révolution.
Et comment envisage-t-il la suite ? « On attend voir les propositions pour nous positionner et savoir quelle envergure donner au projet. Pour le moment, je refuse de dresser un business plan fixant mes besoins, je préfère voir les moyens dont je vais disposer auparavant. » Bref, on n’en saura rien donc des montants des investissements prévus. Juste, il acceptera de dire qu’il est prêt à affronter l’échec et risquer les 35.000 dinars investis.

L’idée d’Oussama Ben Salem est d’assurer le marketing du projet en faisant parler de lui et attendra donc de voir les promoteurs affluer. Bingo, il a reçu d’ores et déjà plusieurs propositions de financements, de dons et de participations au capital et il est en train d’étudier les différentes options et de s’assurer de la notoriété et la réputation de ceux qui y sont derrière.
Il a même reçu des propositions de programmes prêts à la diffusion, des programmes dont les producteurs sont prêts à les lui offrir gratuitement en contrepartie des recettes publicitaires générées pendant la diffusion du programme, des projets de programmes sponsorisés. On lui a même proposé une série TV déjà enregistrée et qui n’a pas été diffusée par une chaîne parce que la série a été jugée trop conservatrice. Parmi ceux qui lui ont proposé ces différents formats, figurent des animateurs télé et des artistes célèbres.
« J’apporte là une nouvelle façon de voir les choses, si le projet réussit, on en reparlera et on fixera alors la taille qu’il doit avoir. Sinon, tant pis. Mais pour le moment, je fonctionnerai avec le peu de moyens que j’ai en tablant sur la conclusion de précontrats publicitaires», dit-il. De combien a-t-il besoin ? « 100.000 dinars par mois », répond-il refusant qu’on dise 1,2 million de dinars par an, parce qu’il fonctionne sur le court-terme et s’apprête à arrêter à tout moment l’aventure.
Cette manière de voir les choses l’empêche, à coup sûr, d’envisager des plans d’embauche et il l’assume pleinement en disant qu’il ne fera appel qu’à des vacataires dans un premier temps.

Quant à la ligne éditoriale, Oussama Ben Salem dit qu’elle sera conservatrice dans le sens que tous les membres de la famille peuvent regarder la chaîne, sans que l’un d’eux ne soit dérangé par son contenu, comme c’est le cas pour certains feuilletons tunisiens. Le dérangement ne s’arrête pas uniquement aux mœurs, mais aussi à la violence de l’actualité et ne diffusera pas, par exemple, l’image de ce sit-inneur en train de se coudre la bouche ou des images de guerre. Il ne diffusera pas non plus des images de femmes en bikini, mais il ne s’interdira pas, cependant, de diffuser l’interview d’une femme en niqab, sans pour autant promouvoir ce type de vêtements.

L’orientation politique d’Oussama Ben Salem est donc claire et il ne le cache pas, mais il se défend farouchement d’être quelqu’un qui utilise le nom de son père pour atteindre ses fins. Au contraire, il rappelle, qu’à l’instar de son père, il a mené des combats à l’université d’où il a été renvoyé pour avoir défendu une camarade en hijab, organisé des réunions ou appelé à combattre Ben Ali. « Mon activisme politique n’a rien à voir avec Moncef Ben Salem. Lui est un dirigeant, alors que moi je suis un militant de base », se défend-il précisant qu’il ne partage pas toutes les opinions de son père.
En lui faisant remarquer qu’il figurait parmi ceux qui étaient actifs dans les troubles de la faculté de la Manouba, il rejette l’accusation et indique que plusieurs ont mêlé son nom à cette histoire, tout en présentant la photo de quelqu’un d’autre. Il cite les noms de journalistes qui lui ont présenté des excuses après l’avoir accusé injustement et rappelle que l’une des ses accusatrices, Raja Ben Slama, a dû retirer sa plainte après avoir constaté la confusion, sans pour autant avoir l’honnêteté intellectuelle de lui présenter des excuses.
Cela dit, il avoue qu’il était allé à la Manouba pour essayer de résoudre un problème et trouver des solutions, à l’instar de plusieurs autres militants du PDP ou d’Ettakatol, mais sans être une partie prenante dans le conflit. C’était avant les élections. «Le jour où mon père est devenu ministre, on m’a interdit de participer à ce type de manifestations », confesse-t-il.

Oussama Ben Salem serait-il le militant combatif à l’instar de son père, ou celui qui voit les portes s’ouvrir larges devant lui parce qu’il est le « fils de » ? Difficile à répondre tant les deux possibilités s’entremêlent. Il est évident que tous les promoteurs de projets ne voient pas les investisseurs se bousculer devant eux pour leur proposer des financements et des services. Mais il est évident, également, que les investisseurs cherchent à financer des projets novateurs et de jeunes hommes d’affaires ayant la hargne de vaincre. Ben Salem junior est peut-être les deux à la fois, mais quoi qu’il en soit, les années persil sont loin derrière.

Nizar Bahloul
23/05/2012 | 1
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