
« Israël fait le sale boulot pour nous tous ».
La phrase, sans fard, du chancelier allemand Friedrich Merz ne laisse aucune place au doute. Ce n’est plus de la politique, c’est un aveu cynique, brutal, cru. Fini le maquillage diplomatique, les discours mielleux sur la paix et les droits humains. L’Occident l’admet désormais ouvertement. Israël est son bras armé, son exécutant préféré pour assurer son hégémonie et perpétrer l’injustice.
Car qu’est-ce qu’Israël, sinon la quintessence même de l’arrogance occidentale ? Un État voyou né d’une implantation coloniale, armé jusqu’aux dents, agressant son voisinage et protégé par une impunité totale. Un monstre qui écrase, affame et assassine au nom de la « légitime défense » – cette vieille rengaine qu’on applique seulement aux puissants.
À Gaza, plus de deux millions de Palestiniens sont pris au piège dans un camp à ciel ouvert. Enfermés derrière des murs, encerclés par des barbelés et des miradors, bombardés, privés d’aide humanitaire, privés d’eau, de nourriture, d’électricité ; ils sont réduits à une condition d’extermination. L’aide est contrôlée par une société privée américaine liée à Israël, qui supplante l’ONU et les ONG, renforçant le contrôle et l’humiliation. Un organisme qui distribue de la nourriture à des gens affamés, émaciés, dans des enclos où les tirs ne cessent jamais. Les images glaçantes évoquent Auschwitz, les camps de la mort, et pourtant le monde détourne le regard. La mémoire de la Shoah, censée être un rempart contre l’horreur, est cyniquement détournée pour justifier l’indicible. Ce n’est pas de la guerre, c’est un crime contre l’humanité.
Et pendant ce temps, l’Europe, terre du judéocide, expie ses crimes passés en protégeant l’État colonial israélien, transformant la région en terrain d’expérimentation de ses politiques néocoloniales, sacrifiant les vies des peuples locaux, qui n’ont rien demandé, pour se laver la conscience.
Un crime maquillé en légitime défense
L’attaque lancée récemment par Israël contre l’Iran ne fait que confirmer cette sinistre réalité. À l’aube, les bombardements frappent des sites à Ispahan et Téhéran, tuant scientifiques, civils, femmes et enfants. Quelques heures plus tard, les dirigeants et le spectacle médiatique occidental s’emballe pour saluer cette « légitime défense préventive ». Une invention de toute pièce, un mensonge grossier qui rappelle les discours sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein avant l’invasion de l’Irak.
Et pourtant, la réalité est limpide. La guerre « préventive » n’existe pas dans le droit international. On cautionne ce crime, au mépris des discours sur la démocratie et le droit. Pendant que les négociations entre l’Iran et les États-Unis avançaient, Israël choisit la violence. Son objectif est clair : saboter toute voie diplomatique, détourner l’attention mondiale des massacres perpétrés à Gaza et empêcher la reconnaissance d’un État palestinien. Et voilà que les dirigeants des puissances occidentales sont vent debout pour proposer leur aide et défendre leur poulain.
Comment expliquer que l’Iran, signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et soumis aux inspections régulières de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), soit désigné comme la menace nucléaire « imminente » ? Tandis qu’Israël, puissance nucléaire de facto qui n’a jamais signé le TNP ni ouvert ses installations aux inspecteurs internationaux, bénéficie d’un blanc-seing absolu.
Si les puissances occidentales défendent la non-prolifération, pourquoi ne réclament-elles pas avec autant d’ardeur l’adhésion d’Israël au TNP ni l’ouverture de ses sites nucléaires au contrôle international ? Pourquoi cette exception flagrante, ce deux poids deux mesures assumé ?
Le souvenir de 2003 hante encore les esprits. La France de Jacques Chirac, alors président, avait refusé de suivre les États-Unis dans leur guerre en Irak, dénonçant avec raison une intervention fondée sur un mensonge grossier — la fameuse fiole de Colin Powell brandie à l’ONU. Aujourd’hui, face à l’Iran, on semble avoir oublié cette lucidité, préférant s’aligner sur Washington et Tel-Aviv, cautionnant une escalade militaire sans preuves tangibles.
Pire encore, les États-Unis, sous Donald Trump, ont délibérément soufflé sur les braises du chaos. Alors même que les négociations diplomatiques avec Téhéran avançaient, Trump a balayé d’un revers de main les conclusions de sa propre directrice du renseignement, Tulsi Gabbard, qui affirmait que ses services n’avaient trouvé aucune preuve d’un programme nucléaire militaire iranien actif. La peur instrumentalisée et recyclée pour justifier l’agression est une doctrine. Peu importe les faits, l’important est la destruction, coûte que coûte.
Victimes à géométrie variable
Il faut ici être clair. S’élever contre cette guerre ne signifie aucunement soutenir le régime des mollahs en Iran. Cette accusation fallacieuse, répandue à l’envi pour discréditer toute critique, sert surtout à étouffer le débat et faire taire ceux qui dénoncent la folie guerrière. On peut condamner la guerre et dénoncer l’impérialisme sans pour autant être les complices d’un régime autoritaire.
L’hypocrisie occidentale atteint un sommet grotesque lorsqu’il s’agit de parler des victimes « légitimes ». Voyez le tapage médiatique autour de l’hôpital israélien « soufflé » par un missile iranien, événement dont les médias occidentaux ont fait une scandaleuse surenchère, et où les dirigeants israéliens ont hurlé au crime de guerre, dénonçant le ciblage de civils et d’infrastructures médicales.
Pourtant, cette indignation sélective frôle le grotesque. Deux jours avant, les forces israéliennes ont bombardé l’hôpital Al-Fârâbî en Iran, le siège du Croissant Rouge, ainsi que les locaux de la téléradio iranienne, tuant des journalistes et de nombreux civils. Gaza, isolée et assiégée, a vu ses hôpitaux systématiquement détruits, ses populations soumises à des exactions inhumaines, à une famine organisée et un blocus total.
L’expression « l’hôpital qui se moque de la charité » n’a jamais été aussi appropriée. Israël joue les victimes, mais pratique au quotidien une politique d’apartheid, d’occupation militaire, de nettoyage ethnique, et de colonisation illégale. L’Occident ferme les yeux, trouve des justifications fumeuses, et continue de tourner la page sur les vérités les plus élémentaires.
L’Iran ou l’intolérable indépendance
Dans ce contexte, il faut aussi souligner la singularité géopolitique de l’Iran, ce pays qui dérange tant les puissances occidentales. Contrairement à ses voisins, l’Iran a su développer une certaine autonomie industrielle, scientifique et technologique — raffinage de pétrole, programme spatial, biotechnologies, recherches nucléaires sous contrôle international. Ce qui fait peur, ce n’est pas tant un hypothétique projet nucléaire militaire, mais l’existence même d’un pays de la région, non-aligné, capable de résister et de riposter sans tutelle.
C’est cette indépendance qui est intolérable pour les États-Unis et leurs alliés, Israël en tête. D’où le blocus, les sanctions, les campagnes de déstabilisation et désormais, les frappes. L’Iran est assiégé par une coalition étrange où se mêlent des pays arabes soumis, des monarchies clientélistes, et des puissances occidentales qui veulent maintenir un ordre régional fondé sur la dépendance et la soumission.
En réalité, le scénario est simple. Les régimes dociles sont tolérés, voire soutenus ; les régimes insoumis sont criminalisés, bombardés, déstabilisés. Ce n’est pas un déséquilibre accidentel, c’est une stratégie délibérée, qui déchire la région et mine la légitimité même de l’ordre international.
Droit international à la carte, chaos en prime
L’Occident joue à un jeu dangereux. Il refuse d’appliquer les règles du droit international de manière universelle, préférant user de la force et du double discours pour défendre ses intérêts. La Russie envahit l’Ukraine ? Embargos, sanctions immédiates, condamnations sans appel, exclusion diplomatique. Israël massacre à Gaza, bombarde l’Iran, viole les lois ? Silence (parfois gêné mais pas toujours), soutien tacite, justifications médiatiques, impunité garantie.
Le droit international est ainsi transformé en arme aux mains des dominants, pour écraser ceux qui résistent. On dresse Israël en victime éternelle, malgré ses crimes de guerre, son suprémacisme et son mépris du droit international.
Ce jeu à deux vitesses est inacceptable. Il alimente la haine, le ressentiment, et prépare les conflits futurs. Ce modèle colonial, fondé sur la violence, la haine et le mensonge, est une impasse. Il attise une colère qui ne fait que croître, une défiance qui s’enracine génération après génération. En attendant, on préfère fermer les yeux, applaudir le « sale boulot » et croire qu’on peut continuer à faire régner son ordre inégalitaire.
Cette hypocrisie est un poison qui détruit toute perspective de paix. L’Occident se condamne à perdre la boussole, comme il l’a fait avec la guerre en Irak. Le rappel de l’histoire devrait servir d’avertissement, mais aujourd’hui, il semble être ignoré au profit d’un alignement aveugle, atlantiste et jusqu’auboutiste.
Il n’y aura pas de paix durable fondée sur l’injustice, pas de sécurité bâtie sur les cadavres.