Mesures préconisées pour atténuer les pressions sur le dinar
Eléments stratégiques pour la politique du taux de change du dinar
Par Brahim Hajji *
La stabilisation du taux de change à moyen terme, reste évidemment tributaire de la capacité du pays à relancer la croissance et à réduire les déficits. Le CIPED renvoie à cet égard, à la stratégie préconisée dans son livre publié en 2016 sous le titre « Eléments de Stratégie de Sortie de Crise ».
Sur le court terme, cinq voies peuvent être explorées :
A. Tout en maintenant la flexibilité du dinar, il serait judicieux d’opter pour un encadrement du taux de change, par l’adoption d’un tunnel de fluctuation, par exemple de +/-2,50% autour des cours centraux définis par les autorités monétaires[1]. Les taux de change centraux, lors de leur adoption, devraient nécessairement refléter la réalité du marché et intégrer toutes les données objectives. Il s’agit simplement de s’inspirer de l’expérience du système des monnaies européennes (SME) avant l’avènement de l’Euro où, autour de cours centraux, les monnaies européennes fluctuaient librement à l’intérieur d’un corridor de +/- 2,25%. Si des dysfonctionnements importants venaient à être observés (différentiel d’inflation, déséquilibres des comptes extérieurs,) des ajustements des cours centraux devraient alors, être adoptés à travers des réévaluations des monnaies fortes et des dévaluations des monnaies faibles.
Le tunnel a le mérite d’apporter une meilleure visibilité au marché, d’atténuer l’ardeur des spéculateurs et d’éviter les mouvements incontrôlés et déstabilisants, en attendant que les réformes structurelles et les politiques macroéconomiques adaptées agissent et donnent leurs effets. Il va sans dire que la tenue du dinar restera fondamentalement et intrinsèquement liée à la maîtrise des équilibres extérieurs, de l’inflation et de l’accroissement de l’offre à l’exportation par le jeu de la compétitivité prix.
B. Dans l’attente des résultats escomptés de la relance de la croissance et de l’investissement, de l’épargne et du rééquilibrage des déficits, il est indiqué de prendre des mesures de sauvegarde pour limiter les déficits commercial et courant, notamment les produits destinés à la demande finale de consommation.
Faut-il souligner à ce propos, que les mesures de sauvegarde ne sont pas antinomiques avec le statut de convertibilité courante, carles statuts du FMI permettent aux pays membres confrontés à des difficultés dues à des évènements majeurs, d’y recourir pour une période provisoire. D’ailleurs, les mesures prises par la BCT et dans le cadre de la loi de finances 2018, notamment le recours en premier lieu aux avoirs logés dans les comptes professionnels en devises pour le règlement des importations ainsi que la taxation de certains produits à l’importation s’inscrivent parfaitement dans cette logique.
C. Sur un autre plan, et dans le but d’augmenter les réserves de change et donner à la BCT des moyens suffisamment consistants pour ses interventions directes sur le marché des changes, il serait indiqué d’envisager la négociation d’opérations de swaps à moyen terme (devises/dinars) avec certains pays partenaires et amis. Ce genre d’opérations présente l’avantage de générer des ressources en devises sans effet sur la dette extérieure, puisqu’il s’agit d’un échange au comptant de devises contre dinars et d’atténuer simultanément les pressions sur la liquidité en dinars, car la partie contractante investirait alors, ses avoirs en dinars sur le marché financier tunisien (dépôts bancaires, achats de BTA ou autres papiers financiers, etc.).
Les pays partenaires et amis peuvent témoigner de leur soutien à la transition économique et financière du pays en acceptant des opérations de swaps devises/dinars sur le moyen terme avec un coût reflétant le différentiel de rendement entre le dinar et la devise concernée (Euro ou Dollar).
D. Inciter les opérateurs économiques à négocier des lignes de crédits commerciaux à moyen terme (18 à 24 mois), pour les importations en provenance de pays avec qui la Tunisie enregistre des déficits commerciaux élevés ; ce qui permettrait de rallonger les délais de paiement et de passer le cap de cette conjoncture difficile avec moins de pression sur la liquidité extérieure.
E. Enfin, et en vue d’assurer un meilleur équilibre entre l’offre et la demande de devises sur le marché des changes, les autorités monétaires devraient envisager de revenir sur certaines mesures de libéralisation financières, décidées avant 2011 quand la situation économique du pays était nettement meilleure, telles que notamment la réduction de la proportion des recettes d’exportations et d’emprunts en devises que les agents économiques peuvent garder dans leurs comptes professionnels en devises (cette proportion est actuellement de 100%). Ces mesures devraient être bien préparées en les discutant préalablement avec l’Association professionnelle des banques et le Patronat.
[1] Les autorités monétaires marocaines viennent d’opter récemment pour un choix pareil afin d’aboutir à moyen terme à un taux de change totalement déterminé sur la base des mecanismes de marchés.
* Brahim Hajji est membre du CIPED (Centre International Hédi Nouira de Prospective et d’Etudes sur le Développement)