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Eléments stratégiques pour la politique du taux de change du dinar : Le Diagnostic
15/03/2018 | 10:25
7 min
Eléments stratégiques pour la politique du taux de change du dinar : Le Diagnostic

 

Par Brahim Hajji* 

 

L’évolution du cours du dinar, notamment, pendant les deux dernières années, a suscité une large polémique auprès des acteurs économiques et financiers, des observateurs et de l’opinion publique, sous l’effet de la forte dépréciation de la monnaie nationale et des incertitudes sur les perspectives de son évolution.

Dans ce cadre, le CIPED a engagé des travaux afin de déterminer les conditions permettant d’asseoir une stratégie en matière de taux de change du dinar et d’adopter une approche pragmatique en vue de mieux cerner la réalité et de montrer certaines voies à même d’imprégner au dinar une évolution acceptable dans un paysage économique et financier lourdement affecté par de  multiples  chocs tant internes qu’externes. Axé sur le diagnostic, ce premier document sera suivi par un deuxième qui comprendra les mesures à même d’atténuer la pression sur le dinar.

A.    La période antérieure à 2011

(I) Depuis le Programme d’Ajustement Structurel (P.A.S) de 1986, le régime du taux de change du dinar se définit par rapport à un panier de devises qui reflète la structure des paiements courants, tout en intégrant certains postes du compte capital.

Cette approche présente l’avantage de refléter une valeur de la monnaie nationale en corrélation avec les monnaies des paiements extérieurs et qui se rapproche le plus de la structure des réserves du pays permettant ainsi, de sauvegarder le pouvoir d’achat des avoirs en devises.

Les autorités monétaires ont adopté depuis, une politique de taux de change flexible ayant pour objectif de restaurer et de sauvegarder la stabilité du dinar en termes réels, en épongeant le différentiel d’inflation entre la Tunisie et les principaux partenaires commerciaux. 

Le mérite de cette politique a été de contenir le mouvement baissier du dinar dans une fourchette réduite et étalée dans le temps, tout en veillant à assurer la stabilité réelle du dinar compte tenu du différentiel d’inflation et des déséquilibres des comptes extérieurs, en particulier, le déficit commercial et le déficit courant.

L’objectif recherché à travers cette approche de gestion du taux de change était de soutenir la compétitivité extérieure des biens et services échangeables, tout en limitant l’accroissement de la demande intérieure sur fond d’implémentation de politiques macro-économiques à même de maîtriser les déséquilibres extérieurs et de les maintenir à des niveaux gérables et surtout finançables et de contenir l’inflation dans des limites raisonnables, facteurs qui demeurent, somme toute, les piliers fondamentaux et intrinsèques de la stabilité de la monnaie sur le moyen et le long termes.   

(II)En pratique, la stabilité en termes réels du dinar se décline par le suivi permanent d’une série d’indicateurs synthétiques d’évaluation, notamment, les indices des taux de change effectifs nominaux, les prix relatifs et les indices de taux de change réels. Le suivi de ces paramètres, même s’ils ne traduisent pas un jugement certain sur la valeur du dinar, permettent de se  rapprocher le plus possible de sa valeur d’équilibre et d’engager les mesures de correction nécessaires qui se traduisent, le plus souvent, par une actualisation du panier et des coefficients de pondération rattachés à chaque monnaie comme l’exigent les changements qui interviennent au niveau de la structure de la balance des paiements courants.

Cette démarche a permis de résorber le surplus de surévaluation du dinar, de restaurer la compétitivité du secteur extérieur, d’imprégner un nouvel élan à l’offre d’exportation de biens et services, sans pour autant pénaliser, outre mesure, le coût d’importation des intrants nécessaires à l’appareil de production ainsi que le service de la dette extérieure.

(III) Dans le sillage de l’adoption de la convertibilité courante du dinar en 1992, une nouvelle étape a été franchie vers la libéralisation financière extérieure par l’introduction du marché des changes le 1er mars 1994. Ce marché a offert aux opérateurs économiques plus de souplesse dans la négociation de leurs opérations de change et une meilleure maîtrise de leurs coûts financiers et a autorisé les banques à s’échanger les liquidités en devises sur le marché interbancaire  et à coter librement les devises étrangères contre le Dinar.

Avec l’introduction du marché des changes, et tout en octroyant aux cambistes des salles de marchés la possibilité de manipuler le Dinar dans des limites encadrées, la BCT a gardé la main sur la trajectoire fondamentale à imprégner au comportement de sa monnaie. En effet, à l‘ouverture des marchés, la BCT publie les cours acheteurs et vendeurs du dinar vis-à-vis des principales devises dans une fourchette de 1%.  Ces cours d’ouverture peuvent être actualisés et portés à la connaissance du marché si des mouvements brusques étaient observés sur les places financières internationales, permettant ainsi, aux banques d’actualiser, à leur tour, les cours proposés à leur clientèle.

Dans cette physionomie de marché et sur une longue période (1994/2010), le Dinar s’est déprécié vis-à-vis de l’Euro de 41%[1], soit une baisse annuelle moyenne de 2,4%, ce qui correspond à l’accumulation du différentiel d’inflation entre la Tunisie et les pays partenaires. In concreto, l’Euro est passé sous la période observée, de DT 1,14 à DT1,92 et le Dollar US, de DT 0,92 à DT1,44.

B. La période post 2011 : une politique du taux de change hors contexte.

(I) Depuis 2011, et particulièrement au cours des deux dernières années 2016 et 2017, la baisse du dinar s’est nettement accélérée pour atteindre les niveaux symboliques de DT 3 pour 1 Euro et DT 2,5   pour 1 Dollar US, soit une dépréciation de l’ordre de 25% par rapport à l’euro et 18% par rapport au dollar US en l’espace de deux ans..

Le creusement sans précédent du déficit commercial et du déficit courant et l’élargissement du différentiel d’inflation entre la Tunisie et les principaux pays partenaires expliquent, dans une large mesure, la baisse du Dinar. Toutefois, si les déterminants fondamentaux du taux de change que sont les équilibres extérieurs, le niveau des prix relatifs, le rythme de croissance et le rapport épargne/investissement, expliquent le comportement du Dinar, Il n’en demeure pas moins que la gestion du taux de change a été bousculée par l’introduction des teneurs de marché qui a donné de larges prérogatives aux opérateurs des salles de marchés avec pour  corollaire, l’abandon du panier et de l’annonce des cours d’ouverture du marché par la BCT.

Dans une telle physionomie de marché et compte tenu des déséquilibres élevés de la balance commerciale et de la balance courante et donc, entre l’offre et la demande de devises et des incertitudes qui entourent le rythme de croissance et  de l’investissement et le niveau très faible de l’épargne nationale, la trajectoire du cours du dinar était tout à fait prévisible, ce qui a contribué à accélérer le mouvement baissier de la monnaie nationale.

Sur un autre plan, les interventions directes de la BCT pour corriger les mouvements erratiques des cours de change restent foncièrement limitées par le stock des devises qui, n’autorise pas des interventions répétées et soutenues pour infléchir une tendance plus acceptable du dinar.

(II) Il en ressort qu’au delà de la détérioration des équilibres extérieurs du pays avec notamment un déficit des paiements courants de 8.5% du PIB en moyenne sur la période 2011-2017, et une pointe de 10% en 2017, les mesures décidées par l’autorité monétaire (création de teneurs de marché, abandon de l’annonce des cours d’ouverture et de son corollaire, le panier ont aggravé la situation. La baisse accélérée du dinar n’a d’ailleurs pas permis de réduire ces déséquilibres, loin s’en faut, alors que l’objectif annoncé d’un assoupissement de la politique  des taux de change est justement de contribuer à corriger ces déséquilibres. Une erreur de diagnostic semble avoir été à l’origine de cette situation, les problèmes de la Tunisie durant cette période étant davantage des problèmes de production de productivité et de relance de l’appareil productif (phosphates et dérivés, pétrole, tourisme…).

 

Par ailleurs l’engagement de ces mesures n’a pas tenu compte du tarissement des disponibilités en devises, qui réduisent les marges de manœuvre de l’autorité monétaire en matière d’intervention sur le marché de change en cas de besoin.

                                         

La stabilisation du taux de change à moyen terme, reste évidemment tributaire de la capacité du pays à relancer la croissance et à réduire les déficits. Le CIPED renvoie à cet égard, à la stratégie préconisée dans son livre publié en 2016 sous le titre « Eléments de Stratégie de Sortie de Crise ».

Sur le court terme,  cinq mesures ont été  explorées par le CIPED. Elles feront l’objet de la deuxième partie de cette analyse.

 

 *Membre du CIPED 

 



[1] Vis-à-vis du dollar américain, le dinar a perdu, sur la même période,  près de 36% de sa valeur  .

15/03/2018 | 10:25
7 min
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Commentaires (1)

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Jupiter
| 15-03-2018 14:03
Avec un dinars faible aujourd'hui et si tout les tunisien ce mettent a travaillé le pays retrouvera la croissance économique et le dinars retrouvera ca force regarder beaucoup de pays ont utilisé une monnaie faible pour exporter plus et relancer l'économie, la Chine, la Turquie, le Vietnam, le Brésil et même le Japon.