Le dernier épisode de l’émission radiophonique hebdomadaire DigiClub a eu pour invité Nizar Bouguila, PDG de Tunisie Telecom. Interrogé par Walid Naffati, animateur et producteur de l’émission, Nizar Bahloul, directeur de Business News et Ines Oueslati, rédactrice en chef de HuffingtonPost Tunisie, M. Bouguila n’a pas sourcillé pour répondre sur les interrogations de l’heure à propos du premier opérateur téléphonique tunisien : la polémique Go Malta, la cession des 35% de Tunisie Telecom par son actionnaire émirati EIT, sa relation avec les syndicats, le plan social et l’entrée en bourse de TT.
Synthèse d’une longue interview qu’on peut écouter en intégralité sur SoundCloud et iTunes.
Qu’en est-il du projet de partage du réseau d'accès radioélectrique (RAN Sharing) entre Tunisie Telecom et Ooredoo ?
C’est une expérience que nous avions déjà entreprise l’année dernière avec l’opérateur Ooredoo à Zaghouan. Maintenant, nous passons à Siliana. Nous avions mis en commun les infrastructures TT et Ooredoo dans un réseau unique dans le but d’améliorer la couverture réseau de ce gouvernorat enclavé, d’optimiser les ressources et de compresser les charges. Grâce à un bon retour d’expérience, nous avons réédité l’initiative à Siliana dans l’objectif d’optimiser à 70% la couverture 2G et 3G. 192 nouvelles localités ont pu bénéficier de ce projet.
Ooredoo est en Tunisie depuis 2002, pourquoi ce n’est que maintenant que vous mutualisez vos forces ?
Le fait que cette démarche intervienne maintenant est dû à la maturité que nous avons acquise. La tendance au partage a d’ailleurs commencé il y a 3-4 ans. Optimiser l’énergie, réduire le nombre des pylônes pour sauvegarder l’environnement et l’esthétique de la ville, sécuriser au maximum le réseau, ont également motivé cette initiative. Il est utile de rappeler que c’est TT qui est en charge de l’infrastructure du fixe sur tout le territoire tunisien. D’autres projets de partage de réseau sont à l’étude pour couvrir d’autres régions. Vous en saurez plus bientôt.
Où en est-on de la généralisation de la fibre optique ?
Ce programme ambitieux a débuté il y a deux ans. La fibre optique, qui répond à la technologie VDSL (Very-high-bit-rate DSL : connexion réseau à haut débit), permet de bénéficier d’une connexion ADSL modernisée, rapide et de meilleure qualité puisqu’elle peut atteindre les 100 mégabytes par secondes. C’est l’objet de la nouvelle offre TT : le Smart Rapido.
D’ici 1 à 2 mois, les citoyens pourront accéder à la technologie du Super Vectoring qui permettra de bénéficier d’une connexion internet de 300 mégabytes par secondes.
La polémique Go Malta s’est tue soudainement après le remaniement et le départ de l’ancien ministre des Technologies, Noômane Fehri… Que pouvez-vous dire de ce rachat six mois après sa concrétisation ?
(L’action de Go Malta est cotée sur la bourse à 3,4 euros à la date du 26 janvier (date de l’enregistrement) alors qu’elle a été achetée à 2,87 en mai 2016 par TT, NDLR)
La stratégie des opérateurs de communications inclut et doit inclure l’expansion à l’international, au vu de l’économie d’échelle qu’elle génère, la guerre des prix et la concurrence.
Il est donc impératif que TT se développe à l’international pour assurer sa continuité, sa prospérité, sa compétitivité et ses économies d’échelle. C’est ce qui se passe partout dans le monde dans notre secteur.
A Malte et à Chypre où l’on a également mis pied grâce à ce rachat, nous avons répondu à toutes les procédures légales et nous travaillons sur les synergies entre TT et Go Malta pour créer de la valeur ajoutée en faveur des actionnaires de TT dont l’Etat Tunisien fait essentiellement partie.
Comment sont vos relations avec le nouveau ministre, Anouar Maârouf, après le remaniement ministériel ? Que pense-t-il de l’acquisition Go Malta ?
J’ai une très bonne relation avec le nouveau ministre des Technologies et de l'Economie numérique. J’ai par ailleurs observé une continuité dans le travail ministériel avec la concrétisation du plan stratégique Tunisie Digitale 2020. Dans le cadre de ce programme, TT sera un acteur prépondérant surtout que notre opérateur est celui de l’infrastructure par excellence.
Nous avons par ailleurs participé à un appel d’offres dans le cadre de Tunisia 2020 en vue de créer un service numérique de cartographie en collaboration avec notre ministère et nous l’avons remporté.
Concernant l’acquisition de Go Malta par TT, vous pouvez lui poser la question…
Qu’en est-il des rumeurs relatives à la cession par EIT de 35% du capital de TT à Abraj Group ? Quel est le montant de cette transaction ?
Il est vrai qu’il y a une discussion exclusive engagée entre l’Emirates International Télécommunications (EIT) et le groupe Abraj en vue de l’acquisition des 35% de la société émiratie. Mais rien n’a encore été concrétisé, ils sont encore au stade de la due diligence.
Concernant le montant de cette transaction, ébruité il y a deux mois, il est totalement erroné. Il n’y a absolument rien de définitif. Le montant annoncé par le patron d’Abraj dans le cadre de Tunisia 2020 est un montant d’investissement global dans tout le pays. Il a été repris comme étant le prix de rachat des 35% de TT, alors qu’il n’y a aucun rapport. Il faut donc mettre fin à cette rumeur !
Le gouvernement tunisien a-t-il donné son feu vert pour l’entame des négociations entre Abraj et EIT ? Pourquoi n’a-t-il pas exercé son droit de préemption pour récupérer les 35% de TT sachant, qu’au départ, il avait besoin d’un partenaire stratégique et non d’un simple investisseur ?
Oui, il y a eu un feu vert de la part des autorités… Pour le reste, il faudrait adresser les questions aux autorités compétentes.
Quels sont les liens entre EIT et le Groupe Abraj ? Sont-ils tous les deux émiratis ? Qu’en est-il des pressions exercées par Dubai Holding (Maison mère d’EIT) sur le gouvernement tunisien pour qu’il mette en vente 16% supplémentaires du capital de TT ?
Le groupe Abraj n’a pas de nationalité particulière dans le sens où il n’est pas typiquement émirati, c’est plutôt un groupe international. Ils ont certes des bureaux à Dubaï, mais cela ne suffit pas à dire que le groupe Abraj est émirati comme pourrait l’être EIT. Concernant les 16%, je n’ai aucune information sur ce sujet.
Où en est-on du projet de faire entrer une partie du capital de Tunisie Telecom en bourse ? Pourquoi ne pas avoir choisi cette option pour lever des fonds lors du rachat de Go Malta ?
S’il est vrai qu’il y a eu des discussions et des informations qui ont circulé sur ce sujet, ce projet n’est pas aujourd’hui à l’ordre du jour.
Faire entrer TT en bourse pourrait être une solution à l’avenir. D’ailleurs, notre opérateur a l’ambition de stimuler l’actionnariat populaire et de favoriser, ainsi, la transparence. C’est un but que nous poursuivons. Ce sera une excellente chose que le Tunisien ait l’opportunité de détenir des parts dans TT.
Comment s’est déroulé le plan social de Tunisie Telecom ?
Il est vrai que TT a au moins 5 fois plus de personnel que les autres opérateurs et que nous avons proposé un plan de départ volontaire à la retraite depuis novembre 2015. Ce plan de départ se fera en plusieurs étapes et nous avons expliqué à nos salariés le contenu du plan.
Nous avons commencé à l’appliquer depuis 15 mois. 1300 agents et cadres supérieurs de TT ont adhéré à ce plan et ont donc pris leur retraite. Entre temps, nous comptons recruter une centaine de personne d’ici deux ans. Au jour d’aujourd’hui, Tunisie Telecom compte quelque 6300 salariés.
Les relations avec le syndicat se sont-elles détendues ?
J’en profite pour féliciter le nouveau secrétaire de l’UGTT, Noureddine Taboubi.
Notre relation avec la centrale syndicale est fondée sur le dialogue et la continuité. Bien sûr cela n’empêche pas des dialogues parfois houleux entre TT et les syndicats mais nous arrivons, la plupart du temps, à trouver les solutions. Pour exemple, l’accord conclu dans les zones commerciales importantes pour que les magasins restent ouverts tard dans la journée et les dimanche matin.
Je remercie d’ailleurs tout le personnel de Tunisie Telecom qui travaille dans le désert, dans les montagnes ou dans les bureaux pour les efforts consentis. Ce sont de véritables combattants !
Qu’en est-il des rumeurs relatives à votre départ ? Qu’est ce que vous ambitionnez de faire d’ici là ?
C’est une rumeur récurrente, mais elle est fausse. Peu importe Nizar Bouguila, je suis un soldat au service de la nation, je continuerai mon travail avec assiduité jusqu’au bout tant que l’Etat me fait confiance. J’ambitionne avec le personnel de TT de faire entrer les Tunisiens au tout digital, à la vie numérique, comme on les a fait entrer dans le mobile. Nous restons un acteur majeur de la transformation digitale de notre société, c’est un gros programme ambitieux. TT en tant que bras droit de l’Etat dans ce secteur, il est impératif pour nous de réaliser ce programme de la meilleure manière qui soit.
Interview réalisée par
Walid Naffati, Nizar Bahloul et Ines Oueslati
Synthèse de Khawla Hamed
Pour écouter l’interview dans son intégralité (1h11) :
Sur SoundCloud
Sur iTunes
