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Héritage, la fin d’un tabou
11/03/2018 | 15:59
6 min
Héritage, la fin d’un tabou

 

Ce samedi 10 mars 2018, une manifestation historique a sillonné les rues de Tunis. Si elle n’a pas rassemblé des dizaines de milliers de personnes, comme espéré par les organisateurs, elle aura eu le mérite de s’attaquer à l’un des tabous les plus tenaces de la société arabo musulmane, à savoir l’inégalité dans l’héritage entre les deux sexes.  Désormais, la question de la succession se débat sur l’espace public et c’est une première en la matière dans les pays arabes…

 


 

Il est 14h30 du côté du Bab Saâdoun à l’entrée du l’avenue 20-Mars. Les derniers journalistes et photographes  jouent des coudes pour monter à bord du pick-up qui filme les premières lignes de la marche nationale réclamant l’instauration de l’égalité dans l’héritage. Dans la plage arrière du véhicule, la tension est palpable entre les journalistes et les photographes. Des heurts verbaux éclatent sans gravité toutefois,  tout le monde veut se dégoter une bonne place, histoire d’avoir LA photo qui fera le tour de la presse et des réseaux sociaux. Devant eux, se dressent une vingtaine de militants qui forment le premier cordon de la manifestation, suivis derrière, assidument, par une foule disciplinée. On distingue sans mal dans cette première ligne de front  Monia Ben Jemiaa, Ahlem Belhadj, Sana Ben Achour, Chokri Latif.

Sous un soleil de plomb, les premiers slogans scandés par les 2.000 manifestants (composés majoritairement de femmes)  donnent le ton : «  l’égalité est un droit et non une faveur ! ». Soigneusement encadrés par les forces de l’ordre, les manifestants passent sous le regard médusé des hommes attablés dans les cafés sirotant, pantois, leur thé. Les premières remarques fusent : «  Elles refusent la loi divine ! Elles n’ont pas honte ? », débattent quatre hommes dans la terrasse d’un café populaire.  

Les manifestants, eux, n’en ont cure. Droit dans leurs bottes, fixant les objectifs des appareils photos et brandissant des pancartes, ils - même si le « elles » aurait eu plus de sens dans cette situation - enchaînent les slogans : «  l’égalité est un droit, ni chariaâ, ni hypocrisie », le peuple veut l’application de l’égalité et Etat civil, ce qui te revient me revient » lance de plus en plus fort un cortège renforcé, depuis, par l’arrivée d’une centaine  d’autres citoyens.

 

Au milieu du peloton, on aperçoit le ministre Mehdi Ben Gharbia. Il fait tout de suite l’objet des attentions des journalistes et des activistes. Décontracté, il prend la peine de prendre la pause et de répondre à toutes les sollicitations. Plus loin dans le cortège, des personnalités publiques marquent leur présence. On voit ainsi Mondher Belhaj Ali, Zied Lakhdhar, Salma Baccar, Mohamed Bennour, Habib Kazdaghli, Raja Ben Slama , Fatma Saidane ou encore Mokthar Trifi.

Arpentant, groupés, la longue avenue du 20-Mars, mythique pour avoir abrité pendant plus d’un mois les manifestants du sit-in Errahil de 2013, les femmes s’expriment. Elles ont entre 18 ans et 60 ans, sont étudiantes, universitaires, artistes, fonctionnaires, cadres, etc. sont venues de tous les coins du pays pour revendiquer leur droit  à être traitées d’une manière égale que leurs frères, époux et cousins…

 

 

La parole se libère, les sourires sont nombreux, l’effet de foule arrange les activistes. Dans leur actuel combat, les manifestantes ont bien conscience qu’ils s’attaquent à « un des nombreux bastions du patriarcat », selon les termes de l’universitaire et activiste Sana Ben Achour. Le temps d’une manifestation, les tabous se  brisent « le simple fait que le débat batte son plein est déjà une victoire » assure de son côté Monia Ben Jemia, présidente de l’Association des femmes démocrates.

 

Pour Azza, jeune juriste de 25 ans et membre de l’Association tunisienne de défense des libertés individuelles, il était important de venir manifester ce samedi 10 mars 2018 «  en tant que femme tunisienne. Nous sommes encore victimes de discriminations dans l’héritage et dans la rémunération par rapport à un travail que nous exécutons de la même manière qu’un homme ! Il faut que cela cesse ! » déclare-t-elle. C’est pour ces raisons qu’elle a tenu à participer à la marche et à faire venir son jeune frère, de 10 ans son cadet, pour « faire inculquer ces principes aux jeunes générations ».  Toutefois, elle regrette la faible présence d’hommes dans la manifestation et dit craindre que les hommes politiques présents n’utilisent les revendications féminines dans le cadre d’une pure récupération électorale.

 

 

Le constat est partagé par Mariem*, étudiante de 23 ans en droit et en sciences politiques «  il y a une inégalité de fait aujourd’hui en Tunisie entre les deux sexes, due à notre héritage culturel marqué par la domination de l’homme. Le hic, c’est que cette inégalité se trouve renforcée par certaines dispositions  rétrogrades comme celles relatives à l’héritage, que nous cherchons à faire abroger par cette marche ». Si la féministe convaincue et revendiquée admet certaines avancées en la matière depuis la révolution de 2011, comme l’annulation des articles permettant aux agresseurs d’épouser leurs victimes et d’échapper ainsi à la sanction, ainsi que le droit accordé aux femmes de quitter le territoire en compagnie de leurs enfants, ces acquis « ne représentent qu’une goutte d’eau dans l’océan » affirme-t-elle, avant de conclure ses propos par une revendication : «  en  fin de compte, nous ne réclamons que l’application des conventions internationales en matière des droits et des libertés, qui expriment clairement le principe d’égalité entre les deux sexes ».

 

De part sa profession, l’avocat Ghazi Mrabet est confronté tous les jours à ces problématiques. S’il a tenu à être présent dans cette manifestation, c’est pour protester contre la présence de certaines dispositions « obsolètes » dans le Code du statut personnel, comme celle relative à l’héritage. Pour Ghazi Mrabet, il est important d’exposer médiatiquement le cas des femmes victimes des lois rétrogrades en la matière afin de faire pression sur les pouvoirs politiques, dans le but d’une consécration pleine et entière du principe d’égalité.

 

En s’attaquant frontalement à l’une des (nombreuses)  inégalités flagrantes consacrées par les lois tunisiennes, les manifestants ont la certitude de ne pas avoir le combat facile. La majorité de la population exprimera certainement sa réticente, freinée par une lecture rigide et désuète d’un texte religieux qui doit faire l’objet d’une interprétation évolutive, en phase avec les normes internationales en matière de droit de l’homme. Cependant, l’histoire reconnaitra à ces manifestants d’avoir initié et faire porter le débat devant l’espace public. Aux grandes femmes, la patrie vous est reconnaissante.

 

Nessim Ben Gharbia

 

11/03/2018 | 15:59
6 min
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Commentaires (13)

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Gg
| 17-03-2018 17:36
Intéressante remarque: "est-ce les allemands, américains ou espagnols qui vont changer les lois en Tunisie? "
Et pourquoi pas, puisque vous tentez de modifier les lois françaises, d'importer en France vos... "valeurs"!

beni hilal
| 16-03-2018 23:08
La charia n'a pas prévu que les femmes iront travailler un jour.
Logiquement, aujourd'hui et du moment que les femmes travaillent et contribuent aux deniers du ménage, ce qui est à hériter provient donc des deux parents. Et d'un
Autre chose que la charia aurait dû prévoir est le fait que la femme au travail ,paye aussi des impots à pourcentage égal à celui de l'homme.
En fin de compte, on demande aux femmes de payer les impots en entier mais on lui refuse d'hériter à part égale .
Je propose donc que les femmes payent la moitié d'impots et surtout de contribuer à moitié aux dépenses ménagères.
La femme doit aussi retirer des taxes les frais reliés à ses règles (tampax et tampons). Il n't a aucune raison pour que la femme ait à subir ces frais obligatoirs sachant que c'est la volonté d'Allah, pour les fans de la charia merdique, pondue par des chauvinistes incultes.
Ces crétins devraient remercier la femme pour leur avoir donné la vie. pour enfanter leurs rejetons, pour s'être occupée d'eux quand ils étaient malades, de les avoir protégés et aimés.
Croient-ils être venus au monde par le biais d'une cigogne ?
Et si dieu déteste la femme autant, pourquoi l'aura-t-il crée. S'il voulait tellement qu'elle se couvre comme ces crétins le clament, il l'aurait crée couverte de cette tente ridicule.
La charia est une invention de l'homme, un néanderthal bien entendu, mais un homme quand même, bête et méchant.

Letranger
| 13-03-2018 13:14
J'ai écrit que j'étais entièrement d'accord avec toi pour un référendum sur le sujet de l'héritage.
Entièrement d'accord... D'autant plus d'accord que j'ai la certitude qu'avec ou sans magouille électorale, l'égalité devant l'héritage serait repoussée, à mon avis, par une majorité aux environs de 80%, à peu près le score que feront les Islamistes aux prochaines municipales, mais au moins on saurait que vos six siècles de retard ne sont pas près d'être comblés.

Pour ce qui est de "tous les colonisateurs", je te rappelle que la Tunisie en a connu deux : les Arabes qui ont détruit la Civilisation phénicienne ( Ifriquia vivait alors une vie paisible) et les Français (qu'on qualifie à tort de Colonisateurs)
Les Tunisiens ont cessé de m'étonner, ils adorent une Patrie qu'ils veulent quitter " au risque de leurs vies", ils transportent leurs rites barbares dans les Pays civilisés qu'ils envahissent, qu'ils squattent et qui pourtant les acceuillent à tort à mon avis.

Bon bref, ce serait plus facile si je t'expliquais que la terre est sphérique, et puis, qu'il y ait un abruti d'Arabe de plus ou de moins sur Terre... quelle importance.

le russe
| 13-03-2018 01:32
vu le risque que courent les femmes à l'accouchement dieu leur a promis le paradis mais pour quelques sous elles le refusent
NB : Bourguiba a décrété l'abolition de la polygamie pour des raisons économiques et surtout le droit de l'enfant

Abel Chater
| 12-03-2018 19:15
Réponse obligatoire à @Letranger
Comme je sais combien tu es con, je sais aussi que tu ne comprendras jamais l'invitation au référendum à qui le voudrait. Seuls les Tunisiens musulmans me comprendront. Toi, le sans foi ni loi, tu sautes comme un kangourou dans le brouillard avec tes imbécilités de "Le Très Saint Coran". Si tu avais un seul iota d'intelligence, tu aurais déjà remarqué l'énorme fiasco populaire des voleurs des morts. Ils ou elles croyaient que les Tunisiennes manquaient de foi musulmane et qu'elles allaient les suivre par affluence. Ils se sont retrouvés dans la rue, comme des comiques de cirque qui font de la publicité pour leur show. Les gens les regardaient avec refus et dégoût. Que dire donc, s'ils demandaient un référendum populaire à ce sujet, ils seront encore à un milliard de fois humiliés par un résultat sûr et certain, de zéro virgule quelques autres zéros de voix de leurs pairs.
Je suis Tunisien arabe et musulman. Je connais la mentalité de mes concitoyens et de mes compatriotes tunisiens à plus de 90%. Ce qui se joue virtuellement avec les débiles de ta sorte, dans l'idée de virer les Tunisiens de l'Islam, est plus que comique, plus que débile et plus que puéril. Nous avons toujours vécu en Tunisie suivant l'adage, il faut un peu de tout pour faire un monde, mais néanmoins, jamais le Tunisien ne pourra vivre loin de notre foi musulmane malgré tous les envahisseurs et tous les colonisateurs qui sont passés de chez nous. Nous étions toujours à un jet de pierre de l'Italie, de Malte et de la France. C'est notre direction vitale. Nous nous sommes toujours habitués par un nivèlement réciproque avec ces pays, mais jamais personne n'a réussi à dévier les autres de leur foi et de leur religion. Ce n'est que ces deux dernières décennies que les médias judaïques nous cherchent la guerre et la mort. Nous sommes des peuples pacifiques procréateurs et engendreurs. Qu'ils fassent du mal contre nous comme bon leur semble. Rien ne changera dans le fond de chez nous. Mais tout sera retenu dans la mémoire des Tunisiens arabes et musulmans.
Rira bien qui rira le dernier.

Letranger
| 12-03-2018 17:43
"...le courage de demander un référendum populaire à ce sujet..."

Excellente idée châtré, je suis en totalité de ton avis sur ce point là (pas sur tout, pavoise pas), rien ne vaut une décision populaire et démocratique sans contrainte...et tu pourrais donner plus de force à ton argumentation en laissant l'invective de côté.

Juste un rappel sur le sujet donné par "Le Très Saint Coran" : Si la fille ne recevait que la moitié des hommes en héritage c'est qu'en ce temps là, elle touchait une dot (qui était à elle et pas à son mari) quand elle se mariait qui était clairement une avance diminuant d'autant le "gâteau" à partager et justifiant la reprise sur sa part d'héritage

Maintenant la dot n'est plus d'usage généralisé, voire même a disparu (en total irrespect avec "Le Très Saint Coran") donc il est normal d'égaliser la part de chacun à la mort des parents entre tous les enfants quel que soient leurs sexes et tendances sexuelles, en tenant compte éventuellement des avantages qui auraient été accordés à un quelconque héritier en avance d'hoirie.

J'ai bien expliqué ?

EL WOUAFFY Y
| 12-03-2018 14:16
Nous ne sommes pas dans l'après-islam , l'héritage est non révisable hormis faut l'état prendre des mesures pour que la femme bénéficiera sa quottèrent prévue 1/2 de la part du masculin car certains féminins ne percevoit même pas sa part prévue par le religieux .
mais ceux qui ne sont pas de religieux musulman ne sont pas sensés de respecter la règle du partage de l'héritage , et la dernière décision revient au institution de Djamaatte ezzétouna .

Abel Chater
| 12-03-2018 14:02
Il n'a jamais été de bon augure de s'attaquer aux tabous dans une société qui se respecte mutuellement. La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. Même la démocratie ne se base que sur la majorité, non pas sur une poignée de voleurs et d'escroqueurs, qui se rassemblent en forme d'une bande déclarée, pour demander la légalité de voler leurs parents dans la tombe. Le peuple tunisien arabe et musulman compte au moins dix millions de citoyens à 97% de religion musulmane. Que ces coqs de bruyères et leurs poules aient le courage de demander un référendum populaire à ce sujet, au lieu de faire du vacarme comme des tonneaux vides.

Letranger
| 12-03-2018 08:10
Ce vieux Forza, toujours à la pointe de l'analyse politique affutée.
N'oublie pas qu'à ton grand dam, ces photos font le tour du Monde... et tout le monde ne lit pas le tunisien.
Il est essentiel, que le monde entier sache que la Tunisie vit encore sous des lois vieilles de près de 15 siècles, avec le soutien souvent violent de la majorité des Tunisiens.
Même "pleine de fautes d'orthographe", une idée se manifeste plus clairement si elle est écrite, clamée et défendue que si elle reste silencieuse.
C'est comme ça mon vieux, il faut te faire une raison.
Tu auras aussi noté que cette manifestation a été paisible, ce qui n'est pas souvent le cas dans des manifestations de défense d'idées opposées.

Monday
| 12-03-2018 07:29
"..et brandissant des pancartes,..enchaînent les slogans : « l'égalité est un droit, ni chariaâ, ni hypocrisie »"

"Hasdbouna Allah wané3ma al wakil!"
Une revendication claire de rejeter et de renier carrément et directement l'Islam.

Autant quelqu'un est pour un Islam modéré, autant - en voyant cette bande de fous et d'hathés attaquant directement les préceptes fondamentaux de l'Islam- autant ils me font vomir.

Je leur dis, à mon avis, autant que la majorité des tunisiens sont des tunisiens ouverts d'esprit et modérés , autant ils n'acceptent jamais qu'ils soient visés dans leurs valeurs et préçéptes islamiques divins, quoique que vous faites et quoi que vous débattez pour faire avaler la pilule.

Donc quoique que vous fassiez pour casser le plus profond des convictions islamiques des tunisiens, vous passerez toujours à coté.