
La grève générale dans la fonction publique a bien eu lieu. Une grève syndicale, certes, mais à fort caractère politique. Entre le choix du lieu et du timing, le discours prononcé par le secrétaire général de la centrale syndicale a démontré la volonté de l’UGTT de révéler son véritable poids sur la scène nationale.
La grève générale dans la fonction publique a été la suite logique du blocage des négociations entre le gouvernement et la centrale syndicale, notamment, à propos des augmentations salariales, la dégradation du pouvoir d’achat et la hausse sans précédent du taux d’inflation.
Avec un taux de participation dépassant les 95%, les manifestations massives qui ont sillonné les rues de toutes les régions et le rassemblement des milliers de personnes à la place du Bardo, l’UGTT a fait preuve d’une capacité de mobilisation énorme. C’est dire que le maintien de la grève et les dispositions à prendre ont été annoncés il y a à peine 48h de cela, pourtant les affiliés de la centrale syndicale ont été au rendez-vous. Il faut dire qu’aucune partie sur la scène politique nationale n’est capable d’une telle mobilisation. Si d'importants dispositifs sécuritaires ont été mis en place, en prévention de grabuges et autres formes de trouble, aucun dérapage n'a été constaté et ce grâce à la discipline affichée par les manifestants.
Dans ce contexte, Noureddine Taboubi a tenu à rappeler à plusieurs reprises la force de l’UGTT soulignant qu’« il ne faut jamais la sous-estimer ni l’humilier, et que celui qui tente de le faire n’est toujours pas venu au monde ». Pour une démonstration de force, c’en est certainement une. Cela dit, le fait marquant fût l’annonce faite par le secrétaire général de la centrale syndicale quant à la prochaine présence de l’UGTT aux élections, qu’elles soient législatives, présidentielle ou municipales.
Ainsi, l’UGTT révèle clairement son intention d’accéder officiellement à la vie politique et de ne plus se contenter de son rôle de partenaire social. Avec sa large base, sa discipline et son poids, l’UGTT décide de se lancer ouvertement sur la scène politique, bien qu’elle y était toujours présente. Il faut dire qu’elle a toujours eu un rôle clé dans la prise de décision, les initiatives importantes et tout dialogue national entrepris. D’ailleurs, plusieurs observateurs s’accordent sur le fait qu’il ne faut jamais avoir la centrale syndicale sur le dos tenant compte de sa capacité de nuisance et de sa force sur le terrain rien qu’en se rappelant les crises de 1978, 1984 ou encore plus récemment en 2012.
Ces données ont été, apparemment, bien assimilées par certains éléments de la classe politique devenus, désormais, experts dans l’art de la récupération politique. Rien qu’on observant des députés de Nidaa Tounes, à l’instar d’Ons Hattab ou Sofiène Toubel et les députés du Front populaire, manifestant côte à côte lors du rassemblement d’aujourd’hui à la place du Bardo, permet de voir clairement que ces partis tentent de marquer des points, à travers l’exploitation de ce mouvement populaire. Une occasion en or qui se présente pour eux pour taper sur le chef du gouvernement, qui, par son refus des négociations, se place de l’autre côté de la manche.
Bien que sa décision de ne pas négocier avec l’UGTT concernant les augmentations de salaires dans la fonction publique ne soit pas des plus populaires, Youssef Chahed n’avait pas une grande marge de manœuvre. Or si les engagements de la Tunisie avec le FMI et la grande masse salariale ne supportent pas une nouvelle augmentation, la hausse du taux d’inflation, l’augmentation des prix et la dégradation du pouvoir d’achat donnent de la légitimité aux revendications syndicales. Une légitimité encore plus soutenue par les accords conclus pour les secteurs public et privé. Certains analystes affirment, d’ailleurs, que cette grève générale pourrait être un élément de négociation pour le chef du gouvernement avec le FMI. Ce dernier, pourrait désormais le convaincre de revoir ses conditions tenant compte des spécificités de la Tunisie et de la réalité de la situation dans le pays.
En tout état de cause, il est évident que l’équilibre des forces sur la scène politique nationale est en perpétuel mouvement. Chacun y va du sien pour démontrer son poids sur le paysage actuel, notamment, à l’approche des échéances électorales. Or, faut-il encore rappeler les difficultés économiques que vit le pays et leur impact direct sur la vie quotidienne du citoyen? Les calculs politiques et partisans devront-ils primer et prendre le dessus sur les réelles préoccupations des Tunisiens ?
Sarra HLAOUI

Commentaires (6)
CommenterNos actuelles et futures générations ont besoin d'urgence......
Sounnatou allahi fi khalquihi
@Mr. Taboubi, vous n'êtes pas correcte!
Je redonne un texte d'un commentateur sur Business News: "pourquoi l'économie nationale se trouve dans l'impasse? Il faut revenir aux pratiques financières des gouvernements successifs dirigés par des partis hors-la-loi et qui se sont appropriés les caisses de l'Etat comme si c'était la propriété de 'Essaïed El Walid'."
Je vous prie de relire l'article de Mr. Sofiene Ben Hamida, paru le 22/04/2018 sur Business news: "Les maladresses d'hier expliquent les maux d'aujourd'hui"
Je redonne un passage de l'article de Mr. Sofiene Ben Hamida en question: "C'est en se basant sur des remarques formulées par la Cour des comptes que la commission des finances de l'ARP a rejeté le projet de clôture du budget de 2013. Les dépassements dans la gestion des finances publiques, mentionnés dans le rapport de la Cour des comptes sont multiples, en rapport avec le recrutement anarchique, les promotions de complaisance, la dilapidation des moyens de l'Etat, l'utilisation excessive des voitures administratives et de fonctions à mauvais escient... C'est cette gestion approximative, sinon criminelle qui a conduit, entre autres raisons, aux difficultés actuelles des finances publiques. La troika, Ennahdha essentiellement, sont responsables de nos maux actuels. Il a fallu cinq longues années, comme si on cherchait à prescrire les faits, et un rapport de la Cour des comptes pour briser la loi de silence respectée par l'ensemble de la classe politique au pouvoir et désigner les responsables de la banqueroute actuelle. Il est en effet surprenant que tous les chefs de gouvernements qui ont succédé à la troika, Mehdi Jomaâ, Habib Essid et maintenant Youssef Chahed, aient soigneusement évité de pointer du doigt la gestion calamiteuse de la troika et se sont contentés de nous dire que la situation des finances publiques est difficile sans nous donner les raisons qui ont conduit à ce sinistre. Concernant Mehdi jomâa, la situation est particulièrement grave car la feuille de route issue du dialogue national lui assignait expressément de revoir les nominations et les recrutements, qui ne répondaient pas aux procédures légales, décidés au temps de la troika. Malheureusement il n'a pas avancé d'un iota sur cette question. Pourtant, en 2013, le contexte s'y prêtait. Aujourd'hui, il est évidemment trop tard pour rouvrir ce dossier. Quant à Habib Essid et Youssef Chahed, l'un n'avait pas les moyens de froisser les islamistes, seuls alliés de son gouvernement et l'autre s'est trouvé dès le début embourbé dans cette logique d'union nationale de façade. Au final, les islamistes, principaux animateurs de la troika s'en tirent à bon compte. Leur gestion sectaire et hasardeuse des affaires de l'Etat n'a jamais été critiquée par leurs successeurs. Leur alliance avec Nidaa leur a permis de tourner la page de leur administration calamiteuse tout en continuant à être associés au gouvernement. Aujourd'hui encore, ils profitent de leur participation au gouvernement en continuant de placer leurs hommes dans des postes clés de l'administration mais n'éprouvent aucune gêne à se désolidariser du gouvernement en cas de besoin,"
@Si Taboubi,
-Nous voulons savoir où sont passés les 19milliards d'euros (et même plus) de dettes, de donations et d'aides extérieures du temps de notre ex-troïka! Et tous ceux qui disent/prétendent que "le contrôle parlementaire des biens publics s'affaiblit en cas d'adoption du projet de loi de la clôture du budget de l'Etat, une longue période après son exécution." se font complice!
-Il doit y avoir un suivi des dépenses publiques à notre BCT!
@Si Taboubi, j'ai de la compréhension pour les augmentations salariales par contre pourquoi votre silence quand il s'agit de vos amis du clan RG? Pourquoi vous tolérez la corruption de vos amis du clan RG? Où sont passés les 19milliards d'euros (et même plus) de dettes? Il doit y avoir un suivi des dépenses publiques à notre BCT! Pourquoi votre silence?
Vous savez très bien que le clan RG est le seul responsable de la faillite de notre pays, mais vous voulez ignorer la source du mal car il s'agit de vos amis!