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Chroniques
Une génération de violence et d’ignorance
Par Marouen Achouri
19/05/2021 | 16:59
3 min
Une génération de violence et d’ignorance

 

70. C’est le chiffre qui devrait faire la une des journaux et par lequel devraient débuter toutes les émissions de débat et de politique. 70 jours de cours pour l’année scolaire 2020-2021. Avec l’accumulation des grèves, des mouvements de protestation, l’avènement de la crise sanitaire, les élèves, collégiens et lycéens n’ont totalisé qu’un peu plus de deux mois de cours sur une année.

Ce qui faisait la fierté de la Tunisie est devenu sa plus grande honte. Ce n’est pas tant la masse de connaissances perdues qui inquiète, c’est plutôt le fait que des milliers de jeunes ont évolué en dehors des structures et des cadres qui leur permettent de se former, d’acquérir un minimum de discipline. Le fait qu’il n’y ait pas de cours perturbe la construction de milliers de personnes en devenir. Les syndicats de l’enseignement et le ministère se disent préoccupés par l’intérêt de ces enfants, par leur avenir ou par leur éducation. Mais il n’en est rien dans les faits, puisque ces mêmes enfants sont les premières victimes de l’incompétence, de l’entêtement et de la perfidie. Ils auront beau tenter de se justifier, de donner des explications, de parler des conséquences de la crise sanitaire mais le chiffre est là. L’un des ministères qui emploie le plus de personnes, qui engloutit une part non négligeable du budget, c’est-à-dire de l’argent des contribuables tunisiens, des syndicats farouches, pour au final un seul résultat : 70 jours de cours assurés sur une année scolaire. Aujourd’hui, les parents rescapés des années précédentes, qui ont laissé leurs enfants inscrits dans les établissements scolaires publics vont allégrement migrer vers l’enseignement privé, quitte à s’endetter, quitte à emprunter. Il n’est plus supportable pour des parents, qui se saignent aux quatre veines pour leurs enfants, de supporter une situation aussi grotesque. Ceux qui pourront se défaire de cette situation le feront, sinon il y a les autres. Tous ceux qui ne peuvent pas se permettre de tels sacrifices, ceux qui croient encore à l’existence d’un ascenseur social, ceux qui comptent sur l’école publique et républicaine pour l’éducation de leurs enfants et pour qu’ils s’assurent un avenir. Pour tous ceux-là, il va falloir repasser. La Tunisie amorce minutieusement la mise en place d’une éducation à deux vitesses, une pour les « riches » qui se base sur les établissements privés, une autre pour le reste de la population, basée sur les établissements publics.

L’un des effets, déjà visibles, de la faillite de l’Etat et de ses systèmes est cette violence endémique qui secoue périodiquement la société tunisienne. Généralement, les personnes non éduquées sont les plus enclines à faire usage de violence vu qu’elles n’ont pas d’autre réponse à offrir. Le nombre de crimes odieux augmente en Tunisie. Les femmes sont la cible traditionnelle des excès de violence à tous les niveaux, les circonstances du décès de la psychologue Aroua Troudi en sont une preuve suffisante. Cette violence s’exprime aussi, et surtout, dans les stades, ou plutôt à ses alentours. Aujourd’hui, Tunis est sur les nerfs à cause de ce qui pourrait arriver à la suite du match opposant le Club Africain au Stade Tunisien, ainsi que celui opposant le Club Bizertin à celui de Ben Guerdène. Une explosion de violence est attendue de part et d’autre, et probablement quel que soit le résultat des matchs. On y verra ces enfants à peine pubères casser et affronter la police, ces enfants rejetés par ce système éducatif défaillant et livrés à eux-mêmes. Ce seront les mêmes enfants qu’on avait vus lors de manifestations nocturnes en se demandant assez bêtement : Mais où sont leurs parents ? On y verra aussi tous ceux qui veulent en découdre avec l’Etat qui vont trouver un prétexte pour laisser libre cours à leur haine et à leur désespoir.

Il y aura, comme d’habitude, une réponse sécuritaire à tous ces dépassements mais la crise sociale ne peut être résolue par cet unique moyen. L’Histoire nous l’a démontré à plusieurs reprises. Pourtant, l’Etat tunisien n’arrive toujours pas à endiguer cette violence sociale, pire, il prépare son terreau par l’abandon, le désistement et l’absence. C’est toute une génération qui en fera les frais pendant les prochaines années, et donc, toute la Tunisie.  

Par Marouen Achouri
19/05/2021 | 16:59
3 min
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Commentaires
Eclairage
@M. Achouri
a posté le 21-05-2021 à 10:17
La violence et l'ignorance étant exportables, c'est donc tout le voisinage et en particulier l'Europe qui en fera les frais à travers le terrorisme islamiste et/ou mafieux...
La Tunisie n'est pas un électron libre qui gravite tout seul...la preuve en est l'effet papillon Bou Azizi, les attentats, etc.

Parole de scout!
miladi raoudha
lettre de remerciements
a posté le 20-05-2021 à 06:35
marouen, vous etes patriote et moi j'adore vos émissions, à vous écouter cela me rend espoir qu'il ya encore des gens bien dans ce pauve pays, moi et mes enfants sommes le fruit de ce système scolaire.mais le rôle des parents est primordial, il faut expliquer ça dans vos émissions, sans ça c'est la perte de toute règle sociale.
Be zen
La Tunisie de Bourguiba / la Tunisie du petit Machiavel tunisien
a posté le 19-05-2021 à 20:28
La Tunisie des lumières, de l'émancipation des femmes et des esprits a cédé la place à l'obscurantisme, à la noirceur, à la décadence et à l'endoctrinement.
Depuis une dizaine d'années, c'est en effet l'ignorance qui est de mise.

Bourguiba a tout misé sur l'éducation, le savoir et la sortie du sous-développement.
Le monstrueux Machiavel et sa secte font tout pour nous déposséder de notre libre arbitre, de notre intelligence et de notre indépendance.
Une bonne partie de la population, la moins éduquée, la moins instruite, la plus fragile et la plus endoctrinée mord à cette fumeuse et rétrograde "philosophie". Au grand bonheur des facho-islamistes qui capitalisent et qui continuent leur conquête au détriment de la démocratie, de la République, du bon sens, de l'humanisme et des valeurs universelles.


jilani
Une génération de honte
a posté le 19-05-2021 à 18:29
Une dame qui meurt suite à un accident et les personnes qui s'arrêtent la vole et redémarrent. Des divorces pour des sujets futiles. Un jeune ingénieur émigré en France demande conseil à un cheikh s'il a le droit de posséder l'argent de sa femme. Des querelles partout. Une génération éduquée avec Facebook croyant détenir le savoir alors qu'elle est totalement illettrée, de plus en plus radicalisée éduquée dans la haine et la terreur par ces islamistes pourris et rcdistes à vomir ... Tunis était la capitale de la joie de vivre restaurants banlieues du nord plages ....
A4
Comme quoi ...
a posté le à 19:51
Nous sommes un peuple de sauvages, et le mot est trop gentil !!!
TAW TCHOUFOU
AMEN !
a posté le 19-05-2021 à 18:23
Merci pour cette excellente chronique Mr Achouri , vous avez tout dit !
Bonne journée à vous !
A4
A tous ces enfants:
a posté le 19-05-2021 à 18:04
NUISANCE
Ecrit par A4 - Tunis, le 23 Janvier 2019

Moi je plains tous ces enfants
Je plains ces pauvres marmots
Qui sautillent insouciants
Les pieds nus dans les flaques d'eau

Je plains ces petits gamins
Qui rigolent tous en ch'?ur
Qui barbouillent des dessins
Y mettant plein de couleurs

Moi je plains ces petits qui
Par malchance ont des parents
Qui s'inventent des acquis
Archaïques et aberrants

Des parents qui veulent tout
Mais qui n'ont rien dans la tête
Mis à part des désirs fous
Ne laissant que plein de dettes

Je les plains car moi je sais
Que quand finit la récré
Pas de tirelire à casser
Aucun trait n'est à tirer

Moi je sais que c'est à eux
De vider toutes leurs poches
Pour payer les goûts ruineux
De papa, maman et proches

Ils seront bien sûr contraints
De travailler comme des fous
Pour rembourser les emprunts
Des fainéants et des voyous

Ils ne seront qu'obligés
De se griller les méninges
Pour trouver comment payer
Avec cette monnaie de singe

Je suis sûr qu'ils auront honte
De cette lignée de ratés
Qui n'a laissé dans ses comptes
Que des trous à colmater

Je les plains ces pauvres mômes
Qui se font bien arnaquer
Par des ignares, des sous-hommes
Voraces et mal éduqués

Je plains ce maudit pays
Sans ressort et sans déclic
Où chacun nous envahit
Avec ses plans diaboliques

Puis avec délectation
Et en toute insolence
Il met en application
Son pouvoir de nuisance
hourcq
Vous avez tout dit.
a posté le 19-05-2021 à 17:02
Ajoutez à tout cela que ,d'après un sondage publié par BN, les trois quarts des tunisiens ne lisent pas un livre par an, que seulement un tiers des lycéens obtiennent le bac à la fin d'une année scolaire normale,que la culture est réduite à zéro et on ne peut s'étonner que la Tunisie soit en si mauvaise situation. Cela profite aux islamistes qui ne prospèrent que sur la pauvreté et l'ignorance. Encore que, après dix années d'expérience négatives, même les plus modestes et les moins instruits commencent à ouvrir les yeux.En tout cas, bravo à Marouen Achouri pour ce constat lucide et bien documenté.
okba
la déchéance totale
a posté le 19-05-2021 à 16:44
Bravo pour cet article. Des gouvernants stupides et incapables d'un coté et des syndicats voyous et destructeurs de l'autre coté . Résultat : des centaines de milliers de jeunes totalement perdus et le pays qui va droit au mur
.
adel
Parlant de mur
a posté le à 21:03
La Tunisie ne va pas droit au mur. Elle est déjà incrustée dans le mur et il lui faudra quelqu'un de dehors qui le casse ou alors un effort surhumain de sa population pour le briser.