Après près de quatre décennies à la tête de Vogue Amérique, Anna Wintour, l'une des figures les plus influentes et redoutées de l'industrie de la mode, se retire de son rôle d'éditrice en chef. L'annonce, faite ce jeudi 26 juin, marque la fin d'une ère pour le magazine et l'ensemble du monde de la mode. Bien qu'elle ne quitte pas complètement Condé Nast, restant Directrice éditoriale mondiale de Vogue et Chief Content Officer mondial de Condé Nast, son départ de la direction quotidienne de l'édition américaine est un événement sismique.

Une carrière hors normes

La carrière d'Anna Wintour chez Vogue a débuté en 1983 en tant que directrice créative, avant qu'elle ne prenne les rênes de British Vogue en 1985. C'est en 1988 qu'elle a été nommée éditrice en chef de Vogue US, une position qu'elle a occupée avec une autorité sans précédent pendant 37 ans. À une époque où le magazine perdait de son élan face à la concurrence, Wintour a insufflé une nouvelle vie à la publication, la transformant en une puissance culturelle et une référence incontournable de la mode.

Dès sa première couverture en novembre 1988, montrant le mannequin israélien Michaela Bercu dans un pull Christian Lacroix haute couture et un jean Guess, elle a brisé les codes établis, signalant son audace à mélanger le "haut" et le "bas" de la mode. Elle a été la première à mettre des célébrités sur les couvertures de Vogue, une décision révolutionnaire qui a redéfini la relation entre la mode, Hollywood et la pop culture. Des figures comme Madonna, Michelle Obama, et Beyoncé ont toutes orné ses Unes, transformant le magazine en un miroir des tendances culturelles et non plus seulement un simple catalogue de mode.

En 2020, son influence s'est étendue encore davantage lorsqu'elle est devenue Chief Content Officer mondial de Condé Nast, supervisant des titres majeurs comme Vanity Fair, Wired, GQ et Bon Appétit.

L'influence incomparable sur l'industrie de la mode

L'impact d'Anna Wintour sur l'industrie de la mode est tout simplement monumental. Surnommée la "reine de glace" et souvent perçue comme la figure inspiratrice du personnage de Miranda Priestly dans "Le Diable s'habille en Prada", son style direct et ses décisions intransigeantes ont forgé sa réputation. Elle n'a pas seulement reflété les tendances ; elle les a créées et dictées.

Wintour a été une véritable faiseuse de carrières, propulsant de jeunes designers, photographes et mannequins sur le devant de la scène. Elle a soutenu des talents comme Marc Jacobs et Alexander McQueen à leurs débuts, leur offrant une plateforme inégalée. Son flair pour dénicher les étoiles montantes avant tout le monde a consolidé son statut de gardienne de l'industrie.

Au-delà des pages de Vogue, Wintour a transformé le Met Gala en l'événement caritatif le plus glamour et le plus influent de l'année. Depuis qu'elle en a pris la direction en 1995, le gala est devenu une vitrine mondiale où mode, art et célébrités se rencontrent, levant des centaines de millions de dollars pour le Costume Institute du Metropolitan Museum of Art. Son pouvoir de sélection des invités et des thèmes a fait du Met Gala un baromètre culturel.

Un héritage indélébile

L'héritage d'Anna Wintour est celui d'une femme qui a non seulement modernisé une institution vieille de plusieurs décennies, mais qui l'a aussi maintenue pertinente à travers des changements radicaux dans le paysage médiatique. Elle a navigué avec succès le passage de la presse écrite au numérique, assurant à Vogue une place de leader dans l'ère digitale.

Sa vision a élevé la mode au-delà du simple vêtement, l'ancrant dans des récits sociaux, politiques et culturels. Elle a prouvé que la mode est une forme d'art, une expression de l'identité et un puissant moteur économique. Malgré les critiques occasionnelles sur son style de management ou le manque de diversité perçu à certaines périodes, l'empreinte de Wintour est celle d'une force motrice qui a constamment poussé les limites.

Bien qu'elle se retire de la gestion quotidienne de Vogue US, Anna Wintour reste une figure centrale chez Condé Nast. Ce n'est pas une retraite complète, mais plutôt un réalignement de ses fonctions pour se concentrer sur la direction éditoriale globale et la stratégie de contenu du groupe. Son influence continuera sans aucun doute à façonner l'avenir de Vogue et, par extension, l'industrie mondiale de la mode. Son départ du poste d'éditrice en chef de Vogue US marque la fin d'un chapitre légendaire, mais son livre est loin d'être fermé.