Que Ennahdha ou le Front populaire soient mis en prison !
Par Marouen Achouri
Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ont été tués en 2013. Inutile de rappeler le contexte dans lequel ces meurtres ont été perpétrés, ni de revenir sur le séisme politique qui s’en est suivi. Ce qu’il est par contre utile de souligner, c’est que l’élucidation de ces meurtres est devenue un fond de commerce politique utilisé par les uns et par les autres.
L'actuel président de la République, Béji Caïd Essebsi, a fait la promesse, à la veuve de Chokri Belaïd, de mettre la main sur les auteurs et les commanditaires de ces meurtres. Il avait également utilisé cette affaire durant sa campagne. Ennahdha, quant à elle, a toujours cherché à ramener cette affaire judiciaire dans le giron politique et de décrédibiliser l’accusation en prétendant qu’il s’agit d’un conflit politique entre le parti islamiste et le Front populaire. Evidemment, ce dernier est accusé de capitaliser sur le sang de ses martyrs pour obtenir une notoriété politique qu’il ne parviendrait pas à avoir par ses programmes ou ses propositions.
Toutefois, hier, le Front populaire, par la voix de l’avocat Ridha Radaoui, a rendu publics des documents d’une extrême gravité dans cette affaire. La présentation légèrement brouillonne de l’ensemble de ces faits n’enlève rien à leur gravité. Précision importante : l’ensemble des documents présentés provient de la justice tunisienne, c’est-à-dire que ce sont des documents que la justice possède déjà. Ce constat renforce l’opinion selon laquelle la justice tunisienne traite cette affaire, pourtant grave, avec une certaine légèreté. Il s’agit donc de documents qui prouvent, d’après le Front populaire, le lien qu’entretiendrait un certain Mustapha Khedher avec Ennahdha et d’autres affaires encore plus louches. Indépendamment du détail de ces révélations, il est temps pour que le dossier Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi soit définitivement clos, au moins au niveau judiciaire. Il est devenu insupportable de voir ce qui avait été vécu comme une catastrophe nationale devenir un argument politique qu’on ressort au gré des alliances du moment.
Le Front populaire a toujours accusé directement Ennahdha d’être responsable des meurtres de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi. Ennahdha s’en est toujours défendue en accusant le Front de vouloir salir le mouvement islamiste et de ne pas apporter de preuves de ce qu’il avance. Il y en a marre. L’un des deux doit être mis en prison en application de la justice tunisienne. Si le Front accuse Ennahdha pour marquer des points et réaliser un gain politique, cette pratique doit cesser immédiatement. Si Ennahdha est réellement impliquée dans les meurtres des deux leaders de gauche, alors le mouvement doit être dissous et ses responsables mis en prison. Mais ce ping-pong incessant entre les deux partis politiques sur le meurtre de deux personnes devient insupportable.
La solution pour en finir avec l’aspect politique de cette affaire est encore une fois d’aller devant la justice. Il serait temps qu’Ennahdha porte plainte officiellement contre le Front populaire pour diffamation et pour accusations mensongères et fausses allégations. D’ailleurs, Hamma Hammami, porte-parole du Front, a invité publiquement Ennahdha à porter plainte à ce sujet. Puisque tous les deux ne ratent pas une occasion pour parler de la confiance qu’ils ont en la justice tunisienne, alors il faudrait passer à l’action et lui faire réellement confiance. Deux options sont possibles : ou bien le Front populaire est reconnu coupable de fausses accusations, et à ce moment là aucun de leurs dirigeants ne pourra plus utiliser l’argument du meurtre des deux leaders de gauche, ou la justice confirme la véracité des accusations et à ce moment là, les juges de l’affaire principale seront dans l’obligation d’apporter des réponses claires et sans équivoques à l’opinion publique.
Cela fait 5 as que les meurtres de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi trainent en justice sans que celle-ci n’apporte un éclaircissement définitif. Nous avons tendance à regarder tout cela de loin aujourd’hui, mais il faut qu’on se replace dans le contexte de l’époque pour mesurer l’impact que ces assassinats ont pu avoir sur les Tunisiens. Le plus grand crime que l’on pourrait commettre envers cette nation et envers l’Histoire, serait de laisser cette plaie ouverte.