
Il parait qu’en Tunisie, tout est mis en œuvre pour aider les jeunes entrepreneurs à lancer leurs projets, à créer de l’emploi et à faire émerger le pays de cette crise économique profonde. Il parait. Car dans les faits, certaines pratiques laissent perplexes quant à la sincérité des discours.
A 33 ans, Seifeddine Ben Hamouda vient de lancer son projet, fruit d’une année de procédures et qui lui aura englouti toutes ses économies en plus des prêts bancaires. Ce diplômé en management et marketing, qui a choisi de revenir au pays en 2007, était loin de s’imaginer que la tâche allait être si compliquée.
Le jeune entrepreneur a choisi le secteur de la restauration et ouvert son restaurant « Le dictateur » il y a près de trois semaines. Jusque là rien à signaler si ce n’est que quelques jours après l’inauguration de son local il a commencé à être harcelé par les autorités. Motif de ce bal incessant entre le poste de police, le service des autorisations et le restaurant de Seifeddine : « il faut changer le nom de l’établissement, le dictateur c’est un nom interdit »…, oui peut être s’exclame le restaurateur, « mais en vertu de quelle loi ? » Aucune, en effet.
Après de longs pourparlers, où le jeune entrepreneur n’a eu cesse d’expliquer qu’il s’agit là d’un concept, que tout a été fait pour ne heurter la sensibilité de personne et que le dictateur dans son restaurant est parodié et ridiculisé, rien à faire ! Le 13 avril 2017, on amène la smala et on menace de retirer l’enseigne du restaurant avec pour raison « absence d’une autorisation d’accrocher une enseigne lumineuse ».
Donc dans les documents officiels, aucune mention de ce nom qui dérange tant. Seifeddine nous a expliqué que par de nombreuses fois on a tenté de l’intimider, qu’il a même eu droit à la visite d’un haut responsable de l’Etat dont il a choisi de taire l’identité. Un responsable à qui il a, encore une fois, expliqué son concept, le fait que tout ceci n’est que le fruit d’une approche marketing et que ce n’est que de la communication, pour son restaurant qui n’a pas pignon sur la grande rue de la cité d’Ennasr mais qui se trouve dans une ruelle parallèle et qui doit donc trouver le moyen de se faire connaitre, pourquoi pas à travers un nom insolite. D’ailleurs, « Le dictateur » est un restaurant dont le décor ne laisse aucun doute sur l’esprit caricatural pensé dans le concept. Des caricatures de nombreux dictateurs mais aussi de Charlie Chaplin, ornent d’ailleurs ses murs comme une dernière explication, cette fois bien visible, face à la dictature de la bêtise.
« Sur tous les papiers officiels, notre patente, nos autorisations le nom « le dictateur » est écrit, en arabe et en français alors pourquoi poserait-il problème maintenant ? » nous a confié le propriétaire du restaurant, documents à l’appui.
« J’ai même proposé de changer le logo, si on estime qu’il peut prêter à équivoque. J’ai demandé à régulariser la question de l’autorisation pour l’enseigne et on m’a carrément dit que je ne l’aurais jamais si je garde ce nom là ! » a-t-il ajouté.
Seifeddine Ben Hamouda emploie au sein de son restaurant une équipe exclusivement composée de jeunes diplômés des écoles d’hôtellerie tunisiennes. Nous avons pu le constater, tous sont motivés et s’attellent à la tâche avec rigueur et soin.
Pour ne pas avoir voulu céder aux pressions, « car aucun papier légal ne les justifiait », on lui cherchera la petite bête en invoquant le fait que « l’établissement n’a pas le titre d’établissement commercial » pour justifier la fermeture. « Pourtant ce local avait le caractère commercial lorsqu’on la repris. Tous nos documents le confirment », rétorque Seifeddine.
« Je n’ai jamais voulu trop parler de ça autour de moi, je voulais suivre toutes les procédures en vigueur pour régler ce problème. Je vais d’ailleurs déposer mon dossier pour obtenir l’autorisation d’accrocher mon enseigne, même si on me dit que je ne l’aurais pas, j’ai même cherché à trouver un compromis, mais rien n’y fait. Le jour où on me présentera un document officiel stipulant qu’on m’interdit d’user du terme « dictateur » pour nommer mon restaurant et qu’on m’arrachera mon enseigne pour ce motif, ce jour là je changerai le nom de mon restaurant ». Jusque là, toutes ses tentatives pour arracher un semblant d’explication logique et surtout appuyée par des documents officiels sont restées vaines. La seule réponse qu’on lui fournit est la suivante : « C’est comme ça ! ».
En 2017 en Tunisie, alors que l’investissement est au cœur de toutes les priorités, alors que le pays tout entier s’est mobilisé pour attirer des investisseurs du monde entier, alors que des jeunes, malgré le fait que rien n’est fait pour, continuent de croire en leur pays, nous en sommes encore à leur mettre des bâtons dans les roues.
Myriam Ben Zineb
Commentaires (58)
Commenteraussi
Il a raison !
Il faut un nom plus représentatif du tunisien:
"L'idiot" par exemple :)
L'important c'est de faire ....le buzz
Du même avis que Jurisite
Cela dit c'est peut-être un mal pour un bien, car je trouve la déco affreuse.
Pas très envie d'aller manger en une si sinistre compagnie et je ne dois pas être le seul et unique que ça rebute de prime abord, ce qui n'est pas très bon pour un resto.
Un concept qui m'échappe un peu donc...
Les connards
Il y en a d'autre
J'avais trouvé ça génial.
LES JEUNES DORMENT...ILS LAISSENT DES INCULTES DECIDER LEUR VIE...
il faut laisser la liberté a la créativité
et un caché pas comme les autres , ridicule
Phobie
Professeur des universités
Charles BukowskiContes de la folie ordinaire (1967) de Charles Bukowski