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Chroniques
Mort de l’Accord de Carthage et turpitude de ses acteurs
15/03/2018 | 17:30
4 min

Par Houcine Ben Achour

 

Ainsi, les membres signataires de l’Accord de Carthage se sont réunis, dans l’urgence, pour créer une commission chargée d’élaborer, dans l’urgence, un rapport d’évaluation du rendement du gouvernement et de définir les priorités à venir. En une semaine, celle-ci devra apprécier les performances de près d’une trentaine de portefeuilles ministériels et définir de nouvelles priorités. Si ce n’est pas là une lamentable hypocrisie envers le gouvernement qu’ils sont censés soutenir, ça ne peut être qu’un aveu manifeste d’incompétence politique pour juger et décider de son sort. C’est comme si les passagers d’un bus débarquent le conducteur sous prétexte qu’il n’a pas su faire démarrer le véhicule. Celui-ci, de son côté, n’arrête pas de leur seriner qu’il est impossible de faire démarrer l’autocar si tout le monde ne descend pas le pousser pour atteindre le garage le plus proche et que tous mettent la main à la poche pour remplacer les pièces défectueuses du moteur pour ainsi reprendre la route et arriver à bon port. C’est à cette pitoyable pièce de théâtre que se livre notre élite politique, prompte à écumer les plateaux des télévisions et les studios des radios pour débiter des inepties sur ce qu’il y a faire, et totalement ignorante de l’ampleur, de la gravité et de la profondeur de la crise économique que traverse actuellement le pays. Le pire risque de survenir transformant ce vaudeville en mélodrame, puis en tragédie en raison des turpitudes de ses acteurs.

 

Qui est responsable de la situation ? Youssef Chahed, le conducteur du bus, ou les passagers, les signataires de l’Accord de Carthage, plus particulièrement les partis qui sont censés soutenir le gouvernement au parlement et les organisations nationales censées persuader leurs bases des cruelles nécessités de l’heure ? Juger l’action du gouvernement sans tenir compte des blocages qu’il subit au Parlement pour faire passer les projets de réforme ou des menaces à peine voilées des organisations nationales afin de satisfaire leurs désidératas, ne répondrait pas à l’exigence et au principe d’objectivité qu’appelle de ses vœux Noureddine Taboubi, Secrétaire général de l’UGTT, alors qu’il souffle sur la braise tout en criant au feu. Cela ne répondrait pas non plus à l’exigence d’honnêteté intellectuelle et de probité morale dans la délimitation des responsabilités qu’invoquent les partis soutenant le gouvernement.

 

Quelles seraient l’approche et les critères pour jauger l’action du gouvernement ? En tout cas, il serait totalement erroné de s’en tenir qu’aux indicateurs statistiques actuels. C’est leur évolution qui importe et plus encore les raisons de leur variation. On ne peut se suffire du constat d’un creusement record du déficit budgétaire et faire fi des raisons qui l’ont provoqué. On ne peut se suffire à constater l’endettement record du pays et faire fi du fait qu’il renvoie inéluctablement au déficit budgétaire. On ne peut se suffire à observer la mollesse de la croissance économique sans tenir compte de l’environnement dans lequel évoluent les facteurs de cette croissance (exportations, investissements et consommations). On ne peut se suffire à constater une inflation galopante en éludant la dégradation vertigineuse de la productivité et ses raisons profondes. On ne peut se suffire à invoquer le taux de chômage sans se pencher sur le concept d’emploi et sur l’obsolescence de la législation régissant le marché du travail.

 

La Commission nouvellement créée se suffira-t-elle d’une lecture au premier degré des indicateurs et des paramètres pour fournir des conclusions et proposer une nouvelle feuille de route qui scelle de fait la mort de l’Accord de Carthage? « Pourquoi ne pas charger la Commission des 6 jours des tâches du futur gouvernement. C’est plus direct et plus simple », a suggéré un ancien ministre sur son profil Facebook, révélant du coup l’absurde logique des signataires d’un Accord dont ils ont signé eux-mêmes la propre mort et les délient de cet engagement.

 

N’y avait-il pas mieux à faire ? Comme par exemple permettre au gouvernement d’agir par décret-loi pour éviter le péril qui menace sérieusement l’économie du pays. Car, lorsqu’un Etat émet un emprunt en bons du trésor à court terme (90 jours) d’un montant de 600 MD; qu’il est obligé d’attendre le déblocage d’une tranche de crédit du FMI pour pouvoir lever un emprunt de 1 milliard de dollars sur le marché financier international, parce que ni les Etats-Unis, ni le Japon n’ont voulu lui assurer une nouvelle garantie et que par ailleurs l’Union européenne l’a classé dans la catégorie des pays à risque; qu’il ne fonde ses espoirs que sur une conjoncture extérieure favorable, c’est qu’il y a réellement péril en la demeure.

 

 

15/03/2018 | 17:30
4 min
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Commentaires (5)

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DHEJ
| 16-03-2018 17:01
Est-ce Y.C est l'enfant bâtard du couple hypocrite?


Youssouf issu du NIDAA adopté par l'actuelle majorité parlementaire la NAHDHA...


Pour dire qu'il est aussi pire que les parlementaires et ses mentors les deux GOUROUS...


kameleon78
| 16-03-2018 12:00
Vous n'allez pas me dire que le fait d'avoir une majorité confortable Nidaa-Nahda à l'ARP cela simplifierait la vie à YC, vous vous trompez mon cher DHEJ, cette majorité n'est que de façade, elle est artificielle, cette union Nidaa-Tounès me rappelle un couple en instance de divorce mais pour sauver les apparences, les deux mariés s'affichent ensemble, il y a une lutte à mort entre les membres de Nidaa et ceux de Nahda, l'optique des prochaines élections les rend encore plus féroces.

Vous savez bien que cette Union c'est de la pure hypocrisie et que leur Gourou veut la peau de Youssef Chaed pour sa lutte contre la corruption et en plus c'est un rival sérieux (populaire) donc dangereux pour les islamistes.

DHEJ
| 16-03-2018 11:29
Le parlement ne bloque pas le gouvernement... car je crois le Gouvernement dispose d'une majorité parlementaire pour adopter les PROJETS DE LOI proposés par le Gouvernement du GAMIN!!!


Or le GAMIN sans connaissance de la manière et l'art de GOUVERNER PAR LA LOI les articulations et institutions de L'Etat, ne propose pas les bons projets!


Pas besoin de DECRET-LOI!!!


Par contre la majorité parlementaire manque de projets politiques pour solutionner les divers problèmes soulevés, n'accorde pas la PORTANCE nécessaire au Gouvernement du GAMIN!

kameleon78
| 16-03-2018 11:03
Excellent article où ruisselle l'intelligence de son auteur, une vision froide et lucide de l'état de l'économie tunisienne, un état de délabrement des structures économiques et financières du pays avec des méthodes obsolètes et périmées, des acteurs économiques incompétents ou dépassés qui ne se sont pas remis en question, mais où sont passés nos grosses pointures en économie?

Moi je rajouterai que c'est ce régime politique qui est la cause de tous nos maux, on ne laisse pas Youssef Chaed gouverner, on lui met des bâtons dans les roues rien que pour des raisons politico-politiciennes, la preuve chaque fois que YC change un ministre, celui-ci doit passer devant l'ARP avec des discussions sans fin.

Orthographe
| 16-03-2018 10:12
censés et non sensés (1er et 2ème paragraphes)

BN : Merci d'avoir attiré notre attention.