Par Synda Tajine

Tapez les mots « eau » et « Tunisie » sur le moteur de recherche Google et vous verrez le mot « problème » apparaitre sur l’écran.

En pleine canicule, la Sonede procède à des coupures d’eau quotidiennes dans plusieurs régions du pays afin de rationnaliser la consommation. A heures fixes, on prive les ménages d’eau afin d’avoir de quoi les approvisionner le lendemain matin. Dans les zones touristiques, on fait de même afin de pouvoir assurer une eau courante en quantité suffisante pour les complexes hôteliers.

Il ne faut surtout pas compromettre davantage une saison touristique que nous sommes ravis de voir décoller. En arnaquant le client moyen, le touriste européen ou le voisin algérien qui viennent passer leurs vacances en Tunisie, on ne peut leur servir des infrastructures hôtelières désuètes, une qualité de service des plus médiocres, les traiter avec mépris et en même temps les priver d’eau sur leur lieu de villégiature. Ce serait la goutte d’eau qui ferait déborder vase, excusez le jeu de mots…

Les responsables chargés des ressources hydrauliques ne cessent de tirer la sonnette d’alarme depuis des années alertant contre l’insuffisance des quantités d’eau disponibles en Tunisie. On parle encore aujourd’hui d’appeler à changer nos habitudes et à mettre en place des stratégies et des politiques de rationnement d’eau alors que les réserves ont déjà atteint un seuil critique. N’aurait-il pas mieux fallu faire que ces stratégies soient mises en place depuis des années ? N’aurait-il pas été plus intelligent d’amorcer, en douceur, un changement d’habitudes, avant d’arriver à cette phase critique où les coupures d’eau deviennent quasi-quotidiennes dans certaines régions ? 

Les spécialistes s’alarment contre « les solutions de raccommodage et de rafistolage des autorités qui essayent de montrer un semblant d’action ». Pourtant, on ne parle de sensibilisation et d’actions de rationalisation qu’en pleine saison estivale alors qu’elles auraient dû être mises en place, en prévision, plusieurs mois à l’avance.

La Tunisie, déjà l’un des pays méditerranéens les plus pauvres en eau, est en pénurie d’eau absolue. Le pays possède des infrastructures hydriques dont certaines sont vieilles de plus de 25 ans. Leur état désuet et archaïque est déjà mis à mal par une utilisation approximative par les agents de la Sonede, qui risquent leur détérioration mais aussi d’importantes pertes pour les caisses de l’Etat en ignorant les règles élémentaires de sécurité lors des travaux opérés par la société nationale.

La situation, déjà alarmante depuis des années, s’est accentuée sous le coup de la dégradation de l’infrastructure mais aussi des changements climatiques et d’une consommation de plus en plus irrationnelle. Aujourd’hui, le Tunisie consomme 140 litres d’eau en moyenne par jour selon le PDG de la Sonede, ce qui est énorme compte tenu des ressources dont le pays dispose aujourd’hui.

En 2018, on ne peut pas évoquer la sensibilisation comme LA clé alors que la situation a déjà atteint, depuis des années, un seuil critique. On ne peut présenter les coupures d’eau périodiques comme une solution puisque ce n’est rien de plus que du rafistolage de circonstance. Des études scientifiques doivent être établies pour diagnostiquer la stratégie qui s’impose, une refonte totale des modes de gestion de l’eau doit être opérée et un système efficace de suivi et de contrôle doit être mis en place, accompagnés bien sur d’une politique de rationalisation et de communication efficaces.  

Tout ceci peut sembler à des années lumière des guerres politiques futiles et puériles à la tête de l’exécutif et de la sempiternelle guerre entre « le fils spirituel » et « le fils biologique » dont je ne parlerai pas aujourd’hui. De la réunion de Béji Caïd Essebsi avec les représentants des blocs parlementaires dont on n’arrive même pas à s’expliquer…

Les citoyens seront sans doute prêts à donner du leur, à patienter et à faire preuve de cohérence si on leur donnait un soupçon de garantie pour penser que la volonté de faire bouger les choses, les efforts pour opérer un changement de gouvernance et une stratégie rationnelle et étudiée existent, mais rien de tout ça n’est fait. Ce sont plutôt les mauvais signaux qu’on leur donne, non seulement du côté de la gestion de l’eau mais aussi du pays tout entier…