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Chroniques
Le coup de grâce de Néji Jalloul
13/06/2015 | 15:59
5 min

« Néji Jalloul devrait être limogé de suite ». La décision cavalière prise par le ministre de l’Education face aux grèves à répétition, qui se sont éternisées et qui ont menacé l’année scolaire des élèves du primaire, a été très critiquée. D’abord, par les enseignants grévistes eux-mêmes qui ont vu s’envoler leurs revendications fatigantes et dont on ne voyait pas le bout. Ensuite, par les syndicalistes qui l’ont perçue comme un affront et un véritable « appel à la guerre ».

 

Mais cette décision a bien évidemment ses partisans. Avec cette mesure, pour le moins ferme, Néji Jalloul est soudainement devenu l’un des ministres les plus populaires du gouvernement Essid : pour les défenseurs du sacro-saint « prestige de l’Etat », les proches du gouvernement ou aussi les parents exaspérés de voir leurs enfants retenus en otage ou même les simples citoyens las de voir cet éternel cirque durer alors que chacun sait que les caisses de l’Etat sont vides.

 

Cette décision a certes cloué le bec à de nombreux syndicalistes racketteurs qui se sont vus investis, petit à petit, de tous les pouvoirs, mais on évitera de crier au génie tout de suite. En réalité, cette décision a été politique avant tout. Le gouvernement actuel, accusé d’être faible par des électeurs qui s’attendaient à un solide tour de vis, n’a pas su faire face à la recrudescence des grèves anarchiques et sauvages.

 

En poste depuis à peine 5 mois, le baptême du feu du ministre de l’Education a été des plus brûlants. Depuis sa nomination à la tête de ce ministère délicat, Néji Jalloul a dû faire face à une fronde d’enseignants en colère, attisée par un syndicat des plus intransigeants. Appartenant à la puissante centrale UGTT, le syndicat de l’enseignement est connu pour ses méthodes agressives et brutales. Pas question de transiger sur ses revendications. Arrêter les cours pendant des jours entiers, reporter des examens sans fixer de date butoir, obliger des enseignants non convaincus par la grève à abandonner leurs postes, ce syndicat est un négociateur en puissance. Et Néji Jalloul n’a pas toujours su faire preuve de la fermeté qu’on lui reconnait aujourd’hui. Chose qui a poussé le syndicat à gagner du terrain. En réalité, cette grève dure depuis le début de l’année, à savoir février 2015 et a déjà menacé les examens du deuxième trimestre. Il s’agit donc d’une solution d’ultime recours.

 

Un constat s’est tout de suite posé. Si on n’arrive pas à clouer le bec à ces anarchistes d’enseignants qu’aucun accord n’a su satisfaire, on laissera la porte ouverte à d’autres grévistes en colère qui se verront investis de tous les pouvoirs.  Mais la solution miracle de Néji Jalloul, applaudi aujourd’hui pour son courage, n’est qu’un bouche-trou. C’est une solution à très court terme qui n’aura aucun effet si les enseignants menacent, et ils le font, de retarder la rentrée. Cette solution pourra-t-elle être extrapolée à d’autres ministères ? Faudra-t-il guérir tous les malades, pour faire taire la grève du personnel soignant ? Brûler tout le phosphate pour clouer le bec aux grévistes de la CPG ? Engager des chauffeurs pour toute la population afin de saboter la grève des transports ? Les internautes ironisent sur la toile, mais en réalité le problème est tout autre.

 

En réalité, c’est tout l’enseignement public qui devra être réformé. Eradiquer la gangrène des cours particuliers, qui tuent l’enseignement, dans les classes et créent des disparités entre les professeurs des différentes matières, s’avère être une urgence. Mais c’est aussi tout le statut de fonctionnaire public qu’il faudra repenser. Les recrutements à la pelle, les salaires pas toujours mérités, etc. alourdissent les caisses de l’Etat sans qu’aucune contrepartie ne soit donnée en conséquence. Les fonctionnaires du public sont recrutés via des concours purement administratifs, rien ne les qualifie donc aux postes qu’ils occupent aujourd’hui et dont, nombreux, n’honorent pas les simples rudiments.

 

Mais inutile de clouer tout de suite au pilori l’ensemble des enseignants. Il serait honnête de reconnaître que l’enseignement est une des professions les plus en danger aujourd’hui, menacée par un capitalisme sauvage et une crise sans précédent. Il ne sert à rien de les blâmer pour être descendus dans la rue réclamer des salaires plus décents et des avantages qui ont été octroyés à d’autres. Mais toute démocratie digne de ce nom implique un respect de ses règles des deux côtés. Si la décision du gouvernement est, force est de le reconnaître, cavalière et à la limite de l’illégalité, le comportement des grévistes n’est pas moins critiquable. Le syndicalisme doit lui aussi se plier aux normes démocratiques auxquelles il appelle et desquelles il tire son pouvoir. La solution du ministère était, même si critiquable, une bonne solution en temps de crise pour arrêter l’hémorragie de l’enseignement aujourd’hui. Aux grands maux, les grands remèdes.

 

Il n’est pas aisé d’être un ministre de nos jours. Cette phrase revêt tout son sens compte tenu de la situation dans laquelle se trouve Néji Jalloul aujourd’hui. Cette décision ne permettra pas, en effet, de tirer le tapis sous les pieds des enseignants en colère. Elle semble avoir, au contraire, davantage attisé leur rogne. On menace aujourd’hui de saboter la prochaine rentrée des classes ou même, dans le cadre de « la solidarité des syndicats de l’enseignement », compromettre la correction des copies du baccalauréat, ou les résultats des examens du concours de la 6ème année de base.  Les enseignants, mais aussi l’ensemble des grévistes, voient cette décision comme un affront et ne comptent pas s’arrêter là. Une solution à long terme s’impose donc de toute urgence, un véritable choix de Sophie pour un ministre qui a à peine mis les pieds dans ce ministère pour le moins chaotique…

 

 

13/06/2015 | 15:59
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Commentaires (18) Commenter
Bras de fer et enjeux politiques
mjr
| 15-06-2015 22:38
Si les protagonistes avaient un peu de nationalisme,ils travailleraient dur cet été pour mettre en place un plan et un calendrier pour résoudre la crise.
Malheureusement c'est un bras de fer avec probablement des enjeux politiques et l'intérêt des élèves passe en second lieu.
Une bonne partie de ces jeunes se trouvera dans la rue. Déjà 100000 jeunes quittent chaque année le système scolaire.
Une decision sage
Tunisien
| 15-06-2015 08:41
J'approuve la decision du ministre. Les syndicalistes creusent leur tombe. Ils pensent qu'aux cours particuliers. Ils prennent nos enfants en otages !!
Une décision bête
G&G
| 14-06-2015 18:54
La décision du ministre est catastrophique sur deux plans
Sur le plan pédagogique, le fait de faire réussir tout le monde ne fait que déteriorer le niveau déjà faibe de l'enseignement et encourager, l'année prochaine, les cours particuliers. une décision qui ne fait que déclencher le phénomène de boule de neige de l'ignorance.
Sur le plan politique, l'erreur est monumentale. c'est une déclaration de guerre perdue d'avance contre une organistion encore plus forte soutenue par le destour. Je ne vois pas comment ce ministre pourrait-il faire face à le virulence de disaine de milliers d'enseignant alors que son gouvernement est déjà battu par quelque lilliers de cépégistes.
L'amateurisme de ce ministre témoigne d'un amateurisme flagrant de tous les nouveaux locataires post révolutionnaires.
@Analyste mais c'est Mastouri Gamoudi qui est l'arrogant
Forza
| 14-06-2015 18:48
Il faut juste écouter comment il parle ou lire leurs communiqués pour s'en apercevoir. Les syndicats des fonctionnaires croient pourvoir tout faire et une confrontation est malheureusement inévitable. Le gouvernement ne peut plus céder après toutes les augmentations et primes déjà attribuées. Le syndicat a déjà décidé de boycotter la rentrée. Le gouvernement doit demander un engagement a chaque instituteur concernant la rentrée et déclarer tous ceux qui feront la grève au mois de Septembre comme étant en grève depuis Juin et par conséquent déduire le salaire de trois mois.
Essid devrait..
Analyste
| 14-06-2015 17:56
Eh oui il n est pas facile d etre ministre actuellement en Tunisie . Voila pourquoi il faut avoir le sens du tact, de la diplomatie , du respect pour les sensibilités d autrui , de la politesse et surtout ne pas traiter celui qu on negocie avec d ennemi.Des qualités que Naji Jalloul ne possede absolument pas, car trop arrogant, trop imbu de sa personne, trop vulgaire , trop grossier vis a vis de l autre etc. etc. Il a donc toutes les qualites qui forcent l autre a devenir un ennemi plutot qu un partenaire avec lequel il faut trouver un modus vivendi.Essid devra se debarrasser de cet ministre s il ne veut pas que les syndicats finissent par l obliger a le limoger. Avec un tel ministre la rentrée scolaire s annonce trés chaude. Essid fera une grave erreur
s il croit que Jalloul réussira a mater les syndicats. Fermeté ne veut pas dire confrontation et manque de tact. On ne s attaque pas a la dignité du tunisien si on désire qu il fasse des concessions , c est ce que Jalloul victime de lui meme, ne comprends pas et ne comprendra probablement jamais...
POINT DE VUE SUR LE CONFLIT SYNDICAT DE BASE ET MINISTERE DE L'EDUCATION
SANGARA
| 14-06-2015 17:43
L'examen de la crise survenue entre le Gouvernement H.Essid représenté par le Ministre de l'Education Nationale et le syndicat de l'enseignement de base doit nous inciter à réfléchir à notre façon en tant que pays, institutions et société civile à résoudre nos problèmes, et trouver des solutions de « civilisés ». Les dégâts enregistrés de part et d'autre, lors de cette crise sont énormes, et il est faut beaucoup de bonne volonté, et pas mal de temps pour les réparer et permettre aux blessures de cicatriser. Sans prendre partie dans ce conflit, mais ayant une certaine expérience en termes de négociations, je me permets de relever les dépassements des uns et des autres. Côté syndical d'abord, il n'était pas nécessaire de brandir au cours des pourparlers le boycottage des examens, véritable « bombe atomique » à garder sous le coude sans jamais y recourir. Par ailleurs, il n'était pas nécessaire de se cacher continuellement derrière la réforme du système scolaire en niant que leurs doléances ne sont pas que « matérielles ». Côté Ministère, je relève deux fautes, les propos démagogiques du genre « vos demandes sont légitimes'.mais on ne peut y répondre », la seconde est que dès le début de la crise, le Ministère aurait dû jouer franc-jeu en publiant la totalité des doléances syndicales, et ce que le Ministère pourrait leur concéder, et prendre l'opinion public comme témoin. Le jour dit de la « colère » n'a servi que de jeter l'huile, certains slogans, certains propos, et certaines actions n'étaient pas digne de l'action syndicale dans un pays qui est en train de construire sa démocratie. Les « dégage », les cris de « démission du Ministre » et autres mots d'ordre désobligeants n'ont fait que discréditer le syndicat, et ont permis au Ministre de prendre l'ultime mesure qui le met en porte à faux, et restitue un temps soit peu l'autorité de l'Etat.
Je suis vraiment étonné de la passivité des partis politiques du pouvoir et de l'opposition, de la société civile, et d'autres acteurs politiques qui sont restés loin des débats. Véritable spectateurs, qui se contente de compter les coups. Aucune initiative, aucune action de réconciliation n'est entreprise, pour rapprocher les points de vue, tempérer les exigences des uns, adoucir et modérer le refus, le tout avec doigté et discrétion. Ce reproche concerne les partis de gauche ou du centre gauche tels qu'Al Massar, Al Jomhouri, Ettakettol, l'Alliance Démocratique, et nos 217 députés élus du peuple, auraient pu jouer un rôle. Au-delà de ceux qui tablent sur un faux pas du Gouvernement, ils ne peuvent dépasser cet Etat d'esprit et tenir compte de l'intérêt des élèves.
Neji Jalloul sautera mais il aura fait avancer les choses
Annabims
| 14-06-2015 15:16
ils sont trop puissants les enseignants. Leur réponse à la prochaine rentrée sera retentissante. Leur haine de Jalloul le fera sauter selon toute vraisemblance. Mais ils oublient que l'opinion leur est hostile. S'ils feront sauter Jalloul, le ressentiment populaire envers eux est chaque jours plus grand. Le problème de l'enseignement est assimilable à un gigantesque abcès qu'il sera difficile de crever avant qu'il ne dissémine. Nous sommes pourtant condamnés à le faire. L'alternative c'est Daesh. Qu'on se le dise.
Faux et usage de faux.
ABDOU
| 14-06-2015 12:43
Avant la revolution, le pouvoir via le RCD et a un degre moindre les syndicats faisaient beneficier leurs agents de privileges aux niveaux des recrutements (de pere en fils), des promotions et des nominations. Le peuple tunisien s'est revolte contre cette injustice ou les plus competents et les plus meritants etaient victimes de cette discrimination. La revolte du bassin minier en 2008 a pour origine cet abus.
Aujourd'hui certains syndicalistes ne realisent ou plutot ne veulent pas accepter le changement dans le sens de la justice qui les toucherait. Moi je pretends que toute l'action ou plutot la manipulaton syndicale des masses de travailleurs a pour objectif de maintenir la main mise des syndicats sur le pays pour garder ses privileges et eviter le sort du RCD.
Pour ceux qui nous avance, a chaque fois l'argument du militantisme historique, je dirai que si celui-ci n'a pas pese lourd pour le parti politique (RCD) pourquoi voulez vous que l'UGTT en abuse seule.
A ceux qui ne me croient pas, je leur demanderai d'exiger des entreprises et de la fonction publiques, dans le cadre de la transparence: les listes, les grades et les salaires dont beneficient les syndicalistes, leurs enfants et entourage. Vous allez vous rendre que le militantisme paye cash et bien.
Je sais que je dis la verite de la palice, mais cette verite personne n'en parle en public pour rendre justice aux victimes de ce systeme corrompu, qui sont abandonnes sur le bord de la route.
Balivernes
Fonctionnaire
| 14-06-2015 10:25
@BN prière remplacer mon 1er commentaire incomplet. Merci

Mme Tajine semble avoir une belle dent contre les "fonctionnaires " au point de les dénigrer en masse mais aussi, fait-elle preuve d'une ignorance flagrante des programmes des concours de recrutement puisqu'elle affirme: "Les fonctionnaires du public sont recrutés via des concours purement administratifs, rien ne les qualifie donc aux postes qu'ils occupent aujourd'hui et dont, nombreux, n'honorent pas les simples rudiments.". Sachez Madame que ces concours comprennent des épreuves aussi variées que spécialisées, économie, finances, droit, culture générale, histoire, langues...
Corrigez vos informations
Administré
| 14-06-2015 04:13
"Les fonctionnaires du public sont recrutés via des concours purement administratifs". L'auteure de l'article n'a aucune idée sur la manière selon laquelle se font les recrutements dans la fonction publique. Elle extrapole, pour ne pas dévoiler son incohérence, ou par ignorance. Plusieurs concours d'entrée à la fonction publique sont effectués suite à de multiples épreuves, entre l'écrit et l'oral (dont IFD, ENA, institut diplomatique, etc). Peut être que ces épreuves sont aussi "purement administratives". Et d'ailleurs, Mlle Synda peut-elle nous expliquer que veut-elle dire par "Les fonctionnaires du public sont recrutés via des concours purement administratifs"? Le sens m'échappe.