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La bière et l'immobilier au secours de la BNA
29/06/2016 | 20:44
10 min
La bière et l'immobilier au secours de la BNA

La Banque Nationale Agricole (BNA) a tenu, ce mercredi 29 juin 2016, son Assemblée générale ordinaire pour l’exercice 2015, présidée par un membre désigné du conseil d’administration Imed Turki et son directeur général Habib Belhaj Gouider. Une assemblée marquée par quelques tensions et au cours de laquelle certains actionnaires ont exprimé leur mécontentement, surtout lors de l’élection du représentant des petits porteurs dans le Conseil d’administration. Certains actionnaires en sont même venus aux mains !

 

La BNA a clôturé l’année 2015 avec un Produit net bancaire (PNB) de 335,29 millions de dinars, contre 348,753 MD en 2014, en baisse de 3,9%. Son résultat net s’est situé à 25,35 MD en 2015 contre 50,82 MD en 2014, en baisse de 25,46%.

Les dépôts ont augmenté de 6,6%, situés à 6.247,32 MD et des crédits octroyés à la clientèle qui ont diminué de 1,6%, atteignant 6.818,82 MD. Le coefficient d’exploitation a atteint 55%, en hausse de 4,8 points par rapport à 2014.

Les charges d’exploitation bancaire ont augmenté de 14,8%, passant de 248 MD à 284,6 MD.

Côté ratios de gestion et de rentabilité, la banque termine son exercice 2015 avec un ROA (rentabilité des fonds propres) de 0,31% contre 0,65% en 2014, un taux de créances classées de 24,76% contre 21,04% en 2014 et un taux de couverture des actifs classés de 57,38% contre 58,47% en 2015. Pour sa part, le ratio de liquidité s’est situé à 48,37% alors que la norme et de 60% : un plan d’action a été établi pour ramener ce taux aux normes réglementaires.

On notera que le réseau de la banque comprend 170 agences, pour un effectif total de 2.706 employés et un taux d’encadrement de 42%.

 

Concernant le résultat consolidé, le groupe BNA, composé de 19 sociétés, a réalisé un PNB consolidé en baisse de 5,3% passant de 365,42 MD à 346 MD et un résultat net consolidé en diminution de 81,72% évoluant de 55,53 MD à 30,56 MD.

 

Dès le départ, M. Gouider a expliqué que la BNA a voulu que 2016 soit l’année du retour aux délais légaux ainsi qu’aux bonnes pratiques. En outre, il a entrepris l’amélioration de la communication envers les actionnaires, le marché et en interne : il a décidé dans ce cadre la création d’un Espace Actionnaire outre la restauration d’une communication trimestrielle, le tout en améliorant l’information sur les éléments structurants de la banque.

Il a précisé que le secteur privé représente 72% des engagements de la banque et que le tourisme et la promotion immobilière, les deux secteurs les plus impactés par la crise, ne représentent que respectivement 3% et 6% du portefeuille services de la banque.

 

Habib Belhaj Gouider a noté qu’il y a une résilience de la part de la banque et qu’il y a une réelle volonté de couvrir les risques, pour une consolidation des assises de la banque. Ainsi, la dotation nette aux provisions est passée de 102,9 à 208,6 MD, entre 2014 et 2015. «Il ne faut pas avoir peur de ces 200 MD, ils sont restés dans la banque pour consolider ses assises !», a-t-il expliqué. Il note aussi que la plus-value sur cession du portefeuille investissement est passée de -2,8 MD à 88,4 MD, grâce à la cession d'une première partie de la participation de la BNA, dans le capital de la SFBT et qui a généré une plus value de plus de 93MD.

«Quand on cède un bloc, il y a 3 critères fondamentaux à respecter : trouver l’acheteur, céder en bloc et trouver le bon prix. Dans la stratégie qui a été arrêtée pour 2016-2017-2018, il y a des objectifs de cession, mais la BNA ne bradera jamais ses trésors de guerre par une baisse du prix, une baisse du coût quelles que soient les conditions ! Stratégiquement, les 3 conditions devront être réunies et nous permettront de rentabiliser notre investissement», a martelé le DG, en ajoutant : «sinon, il y a des actions alternatives, qui peuvent remplacer les actions SFBT, et sur lesquelles nous allons piocher».

 

Ouvrant le débat, le président de l’Association des actionnaires minoritaires "ADAM", Khaled Ahres, a critiqué le fait que, pour la 5ème année de suite, les actionnaires n’auront pas droit à un dividende ainsi que le yoyo de l’action boursière. Ceci dit, il a salué les efforts du DG pour mettre une nouvelle stratégie à la banque. Il a loué l’idée de création d’un espace actionnaire, en espérant qu’il se transformera bientôt en un club des actionnaires, où ces derniers profiteront de certains avantages.

Il a, également, souligné que le représentant des petits porteurs au Conseil d’administration, Taoufik Jlassi, est aux abonnés absents, malgré les vaines tentatives des actionnaires pour le contacter.

 

Moncef Ouaghlani a fait remarquer que les réserves émises par les commissaires aux comptes sont les mêmes chaque année et qu’il faut y remédier en créant un comité de suivi. Il a demandé plus de précision sur la vente des actions SFBT. Il a fustigé l’absence de réponses aux demandes d’informations formulées par les commissaires aux comptes sur les litiges en cours par les avocats mandatés par la BNA. Il a menacé de déposer un dossier à l’Instance de lutte contre la corruption, si des dispositions ne sont pas prises contre ces pratiques, son association de petits porteurs

Habib Bouzouita a expliqué que les réserves émises par les commissaires aux comptes font douter de la véracité des comptes. Il a félicité le DG pour la communication qu’il vient de faire. Il a diagnostiqué quelques problèmes majeurs, notamment les créances accrochées, la charge salariale, ce qu’il appelle la servitude des sociétés étatiques et l’organisation de la banque dans son ensemble.

M. Bouzouita s’est demandé si le DG visait l’immobilier en évoquant les autres actifs que la banque pourra céder. Il a dit pour conclure : «Je pense que nous allons être sevré de dividendes pendant plusieurs années. Les défis seront importants et la sortie de l’ornière ne se fera pas avant 2020 !».

 

 

Le célèbre actionnaire Mustapha Chouaïeb a, comme à son accoutumée, fait son show. Il a commencé par traiter la BNA comme une "demi-banque", pour reprendre ses termes exacts. Il a souligné que l’Etat doit mettre en place dans le Conseil d’administration des compétences et ne plus s’occuper de cette banque, tout en la laissant travailler. Il a constaté que si on enlève l’opération de cession des participations de la SFBT, la banque serait déficitaire de 60 MD, selon ses calculs. Il a attiré l’attention sur la baisse du ratio de couverture des créances accrochées et a estimé que le montant des  provisions de 200 MD est "du jamais vu", estimant que l’année d’avant les provisions n’ont pas été faites correctement afin de dégager un bénéfice, tout en payant un impôt.

Salah Fourati a souligné qu’il y a des responsabilités dans ce qui se passe dans la banque actuellement, et soit le conseil demande des comptes, soit c’est l’association qui va porter plainte contre ce qu’il considère comme une mauvaise gestion. D’ailleurs, une pétition a été proposée à l’assistance pour demander des explications suite à ce qu’il considère comme étant des fautes graves dans la gestion de leurs fonds.

 

En réponse, le président de l’assemblée a expliqué que le conseil travaille en toute indépendance. Il a précisé que la composition du Conseil d’administration a été revue, et tous ont déposé leurs candidatures lors d’une consultation et que le choix s’est fait sur la base des compétences. Actuellement, le conseil est en train de s’organiser, précise-t-. Parmi ses travaux, la constitution d’une commission ad hoc pour les orientations stratégiques. Il a, en outre, promis que toutes les réserves mentionnées par les commissaires aux comptes dans leur rapport seront suivies.

Autre point, il a précisé que le conseil lui a délégué la responsabilité de présider cette AGO, étant donné que pour l’instant, on n’a pas encore choisi un nouveau président du conseil. Pour sa par le DG a ajouté qu’un appel de candidature a été lancé par le ministère, que le processus a été entamé et arrive à son terme. Il a noté que les membres du conseil sont complices, certes chacun vient d’un milieu différent mais il y a une richesse.

Concernant les remarques des commissaires aux comptes, il a précisé qu’elles datent de plusieurs années et qu’un plan de travail a été mis en place, notant que certaines réserves ont été déjà résorbées.

Il a indiqué à l’adresse de Khled Ahres que infini l’espace actionnaire va devenir un club actionnaire.

 

Concernant la plus-value de la SFBT, Habib Belhaj Gouider a rappelé que cette plus-value récompense une action décidait un jour pour pouvoir trouver quelque chose lorsque la banque se trouvera en difficulté, or c’est bien le cas aujourd’hui. Et cette plus-value vient renforcer la banque.

En réponse à Mustapha Chouaïeb qui a estimé le montant des provisions exorbitants, il a martelé que la direction respectera les règles prudentielle et ne se dérobera jamais : elle fera se qu’il faut faire.

Le DG a souligné que tous ces prédécesseurs sont des icones pour lui, qu’ils ont faits de leur mieux dans des conditions de travail difficiles.

 

Autre point, M. Gouider a précisé que chaque fois qu’il a rencontré le ministre ce dernier lui a spécifié qu’il était là pour changer l’histoire, or il se trouve plomber par la législation. Il a consenti que les créances accrochées est un véritable problème et que la Tunisie a 4 à 5 milliards de créances douteuses. Rien ne pourra être solutionné si la législation n’est pas amendée. Concernant la cession des participations immobilières, il a indiqué que cette option est actuellement à l’étude, sachant que la BNA a des participations dans les sociétés Simpar, Essoukna, Immobilière des œillets, El Madina, SIVIA et Sodet Sud.

 

Pour sa part, la présidente de la commission d’audit Lilia Meddeb a tenté de rassurer les actionnaires, en affirmant que cette histoire de réserve sera mise à plat totalement. «Je m’engage à titre personnel à vous présenter un rapport pour l’exercice 2016 sur les actions réalisées et à réaliser et les raisons qui ont empêchées certaines actions», a-t-elle promis.

 

On notera que plusieurs actionnaires minoritaires ont voté contre plusieurs résolutions pour exprimer leur mécontentement, notamment face à la non-distribution d’un dividende. Les esprits se sont échauffés, également, lors de lecture de la septième résolution portant sur la nomination d’un nouveau représentant des petits porteurs au conseil : le conseil estimant qu’il a suivi la réglementation en vigueur à la lettre, alors que les actionnaires minoritaires estimaient avoir le droit d’élire eux-mêmes leur représentant, en choisissant parmi des profils présentés par le conseil. C’est là qu’un autre actionnaire minoritaire, Ridha Ourtelli, qui avait déjà empêché, lors du débat, certains actionnaires de parler librement, s’est levé pour expliquer que ce sont les mêmes 4 ou 5 personnes qui font du grabuge chaque année. Ce qui a provoqué la colère de quelques actionnaires qui sont intervenus, entre autre Mustapha Chouaïeb qui n’a pas hésité à lui répondre : les insultes fusaient des deux côtés et ils en sont venus aux mains, avant d'être rapidement séparés par les présents.

 

Pour s’en sortir, la BNA a mis en place une stratégie et un business plan 2016-2020, basés sur les principales recommandations du full audit.

Grâce à ces changements et comme chiffres prévisionnels, la BNA table sur une croissance annuelle de 5% des crédits à la clientèle, de 8% des dépôts, de 9,3% du PNB, pour une dotation nette aux provisions annuelles moyennes qui se situerait aux alentours de 115 MD et lui permettant de s'aligner sur les différents ratios prudentiels.

Ainsi, la BNA espère dégager un bénéfice net 128,5 MD en 2016, de 140,9 MD en 2017, de 46,5 MD en 2018 puis suivre une tendance haussière qui mènera à un bénéfice net de 108,1 MD en 2020. On notera que les résultats 2016 et 2017 seront boostés par les plus-values sur cession d'actif, notamment du titre SFBT, qui seront aux alentours de 111,6 MD par année.

Cette évolution des bénéfices devrait permettre aux fonds propres de la banque de dépasser la barre des 1 milliard en 2019 et atteindre 1.147 MD à l'horizon 2020, avec des investissements de l'ordre de 132,5 MD sur les 5 ans avenir.

 

Imen NOUIRA

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