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Héritage – A l’homme la part de deux femmes, ad vitam æternam ?
17/08/2020 | 20:14
5 min
Héritage – A l’homme la part de deux femmes, ad vitam æternam ?

Après avoir levé l’interdiction à la femme tunisienne d’épouser un homme de confession non-musulmane – à moins qu’il ne brandisse devant le maire un certificat de conversion à l’islam délivré par le mufti de la République et attestant de sa foi inébranlable – ,  l’ancien président de la République, feu Béji Caïd Essebsi, a souhaité inscrire son nom, encore une fois, dans l’histoire de la Tunisie. 

Afin de consacrer l’égalité entre les citoyens - inscrite dans la Constitution tunisienne et institutionnalisée par le Coran et l’islam, religion officielle du pays -  il a proposé une initiative législative mettant fin à la volonté divine – diront les conservateurs – et une des innombrables injustices faites aux femmes au nom de l’islam – diront les défenseurs des droits de l’homme - : les inégalités successorales entre les Tunisiens et les Tunisiennes.

 

Si l’islam a explicitement fixé les conditions pour hériter et expliqué les différents schémas suivant lesquels se fait la détermination de la part de chaque héritier dans les biens laissés par une personne défunte, les législations que nous, mortels, avons mises en place n’ont consigné, de ces modalités de transfert de biens - parfois complexes -  que la fameuse règle uniforme : « Au mâle revient une part équivalente à celle de deux femelles » (Verset 11, Sourate An-Nisa'a).

Le “Combattant suprême” et fondateur de la République, Habib Bourguiba, refusant de déroger à l’égalité qu’Allah le Juste avait voulue pour les femmes,  l’a, d’ailleurs, inscrite dans le Code du statut personnel, s’inspirant des écrits de Taher Haddad, aussi, « libérateur de la femme tunisienne ». Éduquer la femme, lui permettre de travailler sans autorisation du conjoint, lui donner le droit de voter ou de demander le divorce, oui. Lui permettre d’accéder aux mêmes droits successoraux que ses frères, non ! Habib Bourguiba avait, en effet, laissé ce choix aux parents. Seul un testament permet, aujourd’hui, aux parents de décider s’ils souhaitent diviser leur héritage à parts égales entre leurs enfants garçons et filles. Et en l’absence de ce document, la femme aura seulement la moitié de ce qu’héritera son frère. Car, rappelez-vous, dans la religion musulmane, la femme a, tout de même, droit à un mahr (dot, ndlr) par lequel, elle récupérerait une sorte de compensation sur ce qu’elle n’a pas pu toucher sous forme d’héritage! 

 

Il a fallu attendre 2018, pour que les prémisses d’un changement (hélas éphémère!) pointent du nez dans l’espoir de rompre avec cette tradition ancrée et plébiscitée tant par les hommes que les femmes. C’est à l’occasion du 62e anniversaire du Code du statut personnel, que  le projet de loi sur l’égalité homme-femme dans l’héritage a vu le jour sur recommandation de la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (Colibe), créée par feu Béji Caïd Essebsi, lui même.  Cette initiative inédite qui aurait pu hisser la Tunisie, pour la énième fois, au rang de pionnière dans le monde arabe en matière d’émancipation et droits des femmes, semble agoniser, laissant derrière elle le grand engouement national et international qu’elle avait suscité.

Kaïs Saïed, actuel locataire du palais de Carthage et professeur en droit constitutionnel, s’est, d’ailleurs, tout bonnement, prononcé, une nouvelle fois, contre l’égalité de l’héritage devant un public exclusivement féminin, le 13 août 2020, coïncidant avec la fête nationale de la Femme et le 64e anniversaire du Code du statut personnel. Un discours qui a, sans doute, fait des heureux parmi les gardiens vigilants de l’orthodoxie, titulaires ou occasionnels, soient-ils. Et ô combien ils sont nombreux - même parmi les soi disant progressistes modernistes -  à se convertir en fidèles applicateurs de la volonté du Tout puissant, une fois les préceptes du Coran et de la Chariâa islamique, sources de jurisprudence en Tunisie, examinés ou remis en question. L’opposition de certaines personnalités politiques - zaama zaama favorables à l’égalité entre les deux sexes -  en est d’ailleurs la preuve.

 

La position de Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL) est un des exemples les plus frappants. Jeudi dernier, alors qu’elle s’est ouvertement prononcée en faveur de la parité entre les hommes et les femmes, notamment dans la vie politique et économique, et l’accès aux hautes sphères décisionnelles, son parti a confirmé sa position anti-égalité dans l’héritage. Une position que Abir Moussi, elle-même, a soutenue lors de sa campagne électorale pour la présidentielle de 2019 avançant un risque de division dans la société tunisienne et une menace pour la stabilité de l'institution sociale la plus sacrée : la famille.

Mme Moussi n’est, cependant, pas la seule femme tunisienne à s’opposer à l’égalité dans l’héritage. Dans chaque ville, chaque quartier, chaque rue et à chaque pâté de maisons, il existe une Tunisienne - indépendamment de son statut social et de son niveau intellectuel, d’ailleurs -  qui se refuse et refuse à ses compatriotes cette égalité. Les motifs ? La religion d’abord, mais aussi la belle-soeur qui la jalouse ou encore sa propre fille qui risque de partager la fortune de la famille avec son mari suivant le régime de la communauté des biens entre époux et ainsi priver son frère aîné - le préféré de maman -  d’une grosse partie de l’héritage… Il s’agit la d’une culture. Et Dieu seul sait les efforts qu’il faut déployer pour mener une réforme de cette envergure.

 

Safi Saïd, le fondateur du parti “les Jardins des abeilles”, semble, d’ailleurs, avoir compris que la partie était déjà perdue (peut-être ?). Lors de sa course à la présidentielle, il a refusé de remuer la boue et a, tout simplement, préféré renvoyer la balle aux gouvernés proposant un référendum. Un acte d’expression de la volonté du peuple qui peut, autant mener à un heureux dénouement que nous renvoyer à, “à l’homme la part de deux femmes”, ad vitam æternam.

 

Nadya Jennene 

17/08/2020 | 20:14
5 min
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Commentaires
mak gech
héritage
a posté le 19-08-2020 à 14:44
héritage successoral : un peu de maths >>>
si mon épouse n'apporte qu'une moitié, ma s'?ur fera de même et l'équilibre ainsi sera sauf au niveau clanique, tribal, sociétal ou collectif ;
en outre,
compte tenu de la loi des grands nombres, l'égalité sera absolue au niveau national et islamo-communautaire.
Gg
@ Lecteur : nuance
a posté le 18-08-2020 à 18:29
Le modele d'heritage occidental n'est pas anti islamique, il est civil, tout simplement.
La nuance est importante!
Mais vous avez raison de rappeler qu'en Occident (pas seulement), une femme = un homme, tandis qu'en islam une femme = 0,5 homme.
C'est vrai qu'avant d'obtenir l'égalité de la succession, les femmes devront d'abord obtenir l'égalité dans la rue et aux terrasses des cafés!
Lecteur
Revenez plus tard..
a posté le 18-08-2020 à 17:48
Lorsque 2,7 millions de tunisiens votent pour Kaeies Saeid, qui clairement a dit non au modele d heritage anti islamique occidental, bien avant son election, cela signifie le peuple soutient la vision de Kaei Saied et que la partie est perdue pour la petite minorite qui vit mentalement en Occident. Revenez a la charge lorsque les tunisiens ne sont plus musulmans. En Tunisie c est le peuple tunisien qui decide et non l Union europeenne et sa cinquieme colonne indigene.
Alya
On n a pas tous les mêmes parents!!
a posté le 18-08-2020 à 14:34
Certains et certaines de nous sont nés dans des familles pratiquantes ou pas et Qui n qttendent pas le colibe pour donner ou faire hériter tout les enfants apart égale
Dans d qutres familles ,colibe ou pas les parents et en particulier, la mère tricheront
G D ID
Moi je ne comprend pas
a posté le 18-08-2020 à 14:22
Pourquoi veut on changer la parole de Dieu ?
Exemples :Dieu nouant à ordonné de jeûner pendant le mois de Ramadhan.Si on ne veut le faire personne ne n y oblige et pas besoin de loi.il en est de même pour les prières
Pour l'héritage la divine est claire.Si une personne veut que ses héritiers mâle et femelle aient des parts égales rien ne l'empêche de le signaler de son vivant de le faire. Ou de le coucher sur son testament et rien ne l'empêche de léguer tout â sa fille et rien pour le garçon..
Alors arrêtez de nous bassiner avec votre COLIBE.
Mansour Lahyani
Ad vitam aeternam, peut-être pas...
a posté le 18-08-2020 à 12:11
Il suffit qu'il y ait un des ces retournements de tendance aussi forts qu'un cataclysme pour que cette aberration soit classée aux rebuts de l'Histoire, un retournement imposé par un homme, ou encore mieux, une femme providentiel(le) comme on en a connu(e) quelques mois après l'Indépendance, et toute cette aberration sera illico classée au magasin des accessoires et souvenirs ! Oui, mais QUI ? BCE a levé le lièvre, et aurait pu terminer le travail, si de diligents ayatollahs ne lui avaient pas chuchoté à l'oreille que le moment propice n'était pas arrivé ! Alors, on continue à attendre et à espérer...
Mais inutile de trop regarder du côté de Carthage : là, il n'y a que la poudre qui poudroie... et même pas d'herbe qui verdoie !
aziz aziz
Si les femmes de mon pays veulent l'égalité dans l'héritage personne ne pourra les empêcher...
a posté le 18-08-2020 à 10:17
sauf que les femmes n'en veulent pas!.
Faite un sondage auprès de la geinte féminine et vous allez voir que la majorité sera CONTRE l'égalité dans l'héritage.
Donc pour une question de cohérence, Il faut rétablir la bigamie, à chaque homme le droit à 2 épouses...Si les femmes de mon pays continuent à accepter d'être des moitiés, alors elles devraient bien se suffire de la moitié d'un homme comme époux...!
....y'en a marre d'être plus royaliste que le Roi (Reine).
kissimmee!!!
!!!
a posté le 18-08-2020 à 07:17
qu'a t'il de plus? sans la femme il ne serait même pas là. Alors qu'a t'il de plus? RIEN.
GZ
'?galité successorale
a posté le 18-08-2020 à 05:43
Toutes les entraves , embûches et crispations , y compris de la part de la gent féminine elle même sont bien réelles , sauf que faire de la politique ne consiste pas à toujours surfer sur la vague de la popularité des idées et des concepts . Cela n'est autre que de l'opportunisme .Pensez donc à M. K. Atatürk liquidant l'empire Ottoman , instaurant la laïcité et changeant carrément d'alphabet . Quand on prétend gouverner la cité , présider au destin d'un peuple , il faut faire preuve de volontarisme , prendre le risque et le courage d'être impopulaire . " La vérité n'est pas toujours du côté du plus grand nombre " , disait Boris Vian . Il n'est pas certain que la suppression de la polygamie dont en rencontre encore quelques nostalgiques dans ces colonnes , ni l'ensemble des règles édictées dans le Code du Statut Personnel aient été bien populaires au moment de leur promulgation . Ces règles font aujourd'hui partie de notre vie courante sans que personne ne songe sérieusement à les contester . Si Bourguiba avait dû attendre une hypothétique maturité de l'opinion publique , le moment opportun , sonder le c'?ur et l'âme des Tunisiens etc...nous aurions été vingt millions , polygames , battant pour les corriger nos épouses , répudiant à l'envi . ..Toutes pratiques licites au nom du coran .
Le courage politique n'est pas la chose au monde la mieux partagée .
hourcq
Cette loi "divine" est une injustice...
a posté le 18-08-2020 à 01:04
...pour toutes les femmes mais surtout pour celles qui n'ont pas été favorisées dans leur vie :handicap, maladie ou absence de ressources pour certaines. Bien sûr, leurs parents peuvent faire un testament en leur faveur mais certains négligent de le faire et disparaissent avant.
Il est incompréhensible que des femmes puissent être d'accord avec ce partage inéquitable sinon par simple soumission religieuse.
Je n'ai pas bien compris l'histoire des états d'âme de la belle-soeur ou de la fille qui aurait un pactole avec son mari mais bon, j'ai compris que la jalousie est un frein à cette réforme de l'héritage.
La religion est un moyen de se distinguer des autres et tout croyant veut suivre aveuglément ses préceptes même s'ils sont obsolètes dans des sociétés modernes.
Dans la plupart des pays musulmans, on n'applique plus la charia donc on peut aussi espérer une évolution sur cette question d'inégalité successorale.

Fehri
Je l'ai dit et le répète encore une fois
a posté le 17-08-2020 à 22:31
Ce sont les riches qui ont bloqué l'égalité dans l'héritage. Ils l'ont fait en 1957 et continuent de le faire aujourd'hui. Les riches ne veulent pas que leurs biens aillent au beau fils (le mari de la fille). Mon conseil aux femmes: vous êtes plus nombreuses que les garçons, mieux éduqués, votez les hommes dehors et créez une loi équitable. En Tunisie on est jaloux de nature et plus aristocrates que nos anciens Bey. On ne respect personne. Qui contrôlait le parlement en 1957? L'élite ou plus simplement le riches.