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Hafedh Caïd Essebsi, Mohsen Marzouk et Ridha Belhadj : les trois assassins de Nidaa Tounes
13/01/2016 | 15:24
8 min
Hafedh Caïd Essebsi, Mohsen Marzouk et Ridha Belhadj : les trois assassins de Nidaa Tounes

 Rien ne va plus, le bateau Nidaa prend l’eau et il commence à couler. La faute à un nombre élevé d’héritiers pressés, à l’égo démesuré et à l’amateurisme prononcé.  Comment en est-on arrivé là.

 

26 janvier 2012, Béji Caïd Essebsi, ancien Premier ministre, annonce le démarrage d’une nouvelle initiative politique, appelée Nidaa, pour défendre la République et ses acquis. Sur le fond, il s’agissait de contrer les islamistes et la troïka qui ambitionnaient de faire de la Tunisie un califat islamique. Le rêve a commencé.

31 décembre 2014, le même se trouve élu président de la République après avoir brillamment réussi son projet de Nidaa. Le rêve s’est concrétisé.

10 janvier 2016, le rêve commence à s’écrouler et en cause, notamment, Mohsen Marzouk, Hafedh Caïd Essebsi et Ridha Belhadj.

 

Mohsen Marzouk, l’héritier adoptif

L’histoire du naufrage commence en janvier 2015 après l’entrée de Béji Caïd Essebsi au palais de Carthage et son départ du parti. Il fallait un héritier pour diriger le parti et il est tout trouvé. Il s’appelle Mohsen Marzouk et il est désigné par le chef en personne. Une suite logique pour celui qui a dirigé avec une main de maître et brio la campagne présidentielle. Pour Mohsen Marzouk, Béji Caïd Essebsi était le père adoptif et la réciproque est vraie. Leur histoire a commencé en 2011 et elle était fusionnelle au point que l’on ne pouvait pas imaginer la suite autrement.

Nommé ministre-conseiller du président de la République, Mohsen Marzouk se devait d’être au four et au moulin. A la fois à Carthage pour la présidence et au Lac pour le parti, la mission s’avère drastique et il a fallu moins de six mois pour que le « père » décide d’y mettre un terme en lui demandant de s’occuper exclusivement de Nidaa. Mohsen Marzouk sortira de Carthage avec les honneurs. En dépit de la polémique suscitée, il sera même décoré de la plus haute distinction accordée par la République : la catégorie de grand officier de l’ordre de la République.

Au Lac, « l’héritier » devait asseoir sa position et poursuivre ce qu’a déjà construit le père. Au lieu de quoi, il a préféré se regarder dans le miroir en portant le costume du père. Les structures du parti ? Négligées. Les dirigeants de sections régionales qui ont fait gagner Nidaa? Abandonnés à leur propre sort. Les amis qu’il appelait à des heures impossibles ? Oubliés. Il ne leur répond même plus au téléphone. Le parti se disloquait petit à petit et, pour certains bureaux, on ne s’occupait même plus de payer le loyer.

Mohsen Marzouk n’avait qu’un seul et unique objectif qu’il devait servir : sa propre personne.

De nouvelles têtes font leur apparition au Lac devant le grand désarroi des militants de la première heure. De belles têtes au point que l’on s’interrogeait si l’on faisait des recrutements ou des castings dans ce parti. Pire, les nouvelles têtes écartent les anciens proches et remplissent toute la place au point qu’il est devenu impossible d’obtenir des têtes à tête avec le secrétaire général. Du haut de sa tour d’ivoire du Lac, Mohsen Marzouk ne voit plus personne. Les nouveaux font la loi, dictent les ordres et isolent le « président » oubliant qu’il n’en est pas encore un. Et quand on leur attire l’attention que le bateau Nidaa prend l’eau, ils répondent en chœur : « on est au service de Mohsen, pas de Nidaa ! ». Mohsen Marzouk s’y voyait déjà et il refusait de voir les choses autrement entre ses voyages à Moscou et Washington via Berlin.

Il fallait arrêter l’hémorragie et sauver le bateau, deux autres héritiers sont désignés et ils se mettent à disposition.

 

Hafedh Caïd Essebsi, l’héritier biologique

Après avoir eu le nom, Hafedh Caïd Essebsi se devait de faire un prénom. La mission est assez lourde pour quelqu’un qui n’a jamais fait de politique. Mais qui en a fait au passé à vrai dire ? Riche par son carnet d’adresses et son passage au comité directeur de l’Espérance sportive de Tunis, Hafedh Caïd Essebsi tente de se frayer encore une fois un chemin, après une tentative avortée dans l’œuf à la veille des législatives. A Nidaa, on refuse les héritages faciles et il n’est pas question que Hafedh prenne la place de son père, sans mouiller la chemise.

Après avoir été obligé de se tenir à l’écart pendant les élections et durant les neuf premiers mois de 2015, Hafedh Caïd Essebsi ne pouvait pas ne pas occuper le vide laissé par les dirigeants de Nidaa : Mohsen Marzouk étant occupé par sa propre personne et les autres débordés par les ministères dont ils ont pris la charge. Ce vide était une autoroute et il s’y est engagé le plus naturellement du monde, assisté en cela par des personnes vraiment controversées : Chafik Jarraya et Nébil Karoui pour ne citer qu’eux.

Le « fils de » entame son travail de structuration du parti, mais il adopte les mauvaises manières. Considérant ses contradicteurs comme adversaires et ses adversaires comme ennemis, il usera même des pires manières quand il le faut. Mohsen Marzouk est régulièrement lynché sur la une de certains journaux, tout comme ses proches amis, avec du vocabulaire où l’indécence la dispute à la vulgarité. Même les journalistes n’échappent pas aux attaques des proches de Hafedh quand on pense à Zyed Krichen et Noureddine Boutar, trainés dans la boue dans une émission de télé.

Occupé à temps plein par la présidence, Béji Caïd Essebsi laisse faire, ce qui encourage son fils à aller de l’avant aidé en cela par Ridha Belhadj. Reste à savoir si l’objectif est de sauver Nidaa ou d’écarter Mohsen Marzouk et limiter ses ambitions personnelles. La réunion de Djerba d’octobre 2015 marquera profondément la scission et encore davantage celle de Hammamet, deux semaines plus tard, où l’on arrive carrément aux agressions physiques et à la mobilisation des voyous.

La guerre fratricide est à son comble ? On pouvait croire cela, mais l’avenir démontrera que l’on pouvait creuser davantage. Ridha Belhadj entre en jeu, bien que son statut de directeur du cabinet présidentiel aurait dû lui imposer une certaine retenue.

 

Ridha Belhadj, l’héritier naturel

Avocat comme Béji Caïd Essebsi et  directeur de son cabinet en 2011 et depuis 2015, Ridha Belhadj parait être l’homme de confiance du président et même le plus sensé de l’équipe.

Jusqu’au 9 janvier, il a réussi à donner cette image et puis… patatra à Sousse ! « Il nous a surpris tous ! On ne le voyait pas venir, on s’attendait à tout sauf à lui ! »

Vu la crise profonde de Nidaa, Béji Caïd Essebsi a mis de côté son costume de président dans l’objectif de sauver son parti. Il a imaginé les grandes lignes de ce que doit être Nidaa, un parti dirigé par de véritables élites qui font rêver les Tunisiens et pouvant les conduire à sortir du marasme que vit le pays depuis cinq ans déjà. Une fois son plan dressé, il a nommé Youssef Chahed pour le mettre à exécution. Le congrès de Sousse des 9 et 10 janvier devait être celui de la consécration et de l’annonce de la nouvelle équipe dirigeante capable de mener le bateau. Il devait surtout prouver à Mohsen Marzouk qu’il avait tort et l’enjoindre à revenir à Nidaa, mettre la main à la pâte et abandonner son idée de créer son propre parti et diviser, du coup, les électeurs déçus de 2014. C’était l’espoir de Béji Caïd Essebsi, mais aussi de tous les membres « sensés » à l’instar de Bochra Belhadj Hmida qui a continué, jusqu’à la dernière minute, à y croire.

Tout était fin prêt pour redorer le blason de Nidaa, mais c’était sans compter avec les calculs de politique politicienne de Ridha Belhadj et Hafedh Caïd Essebsi. Chacun travaillait pour son propre compte et en aparté. Et chacun s’est présenté à Sousse avec sa propre liste en tentant de l’imposer envers et contre tous. Youssef Chahed, l’homme du président, est mis en minorité et ignoré. Il ne sera pas le seul. Avec lui, il y aura notamment Faouzi Elloumi, Mahmoud Ben Romdhane, Said Aïdi, Bochra Belhadj Hmida, Leïla Chettaoui, Wafa Makhlouf, Zohra Driss, Faouzi Maâouia et la liste des personnes sensées et réfléchies refusant ce nivellement par le bas risque de s’allonger. On ne compte plus le nombre de dirigeants tombés des nues devant le bas niveau observé à Sousse. Certains se morfondent dans le silence, d’autres cachent leur visage de honte et d’autres encore claquent la porte avec fracas.

 

Pourquoi en est-on arrivé là ? Les coupables sont désignés et ils s’appellent Ridha Belhadj et Hafedh Caïd Essebsi.

Pendant ce temps là, Mohsen Marzouk savoure sa revanche avec un palais des congrès plein à craquer. « Je vous avais prévenu ! », se réjouit-il devant ses anciens camarades à qui il tend la perche pour le rejoindre.

Mohsen Marzouk démontre qu’il est capable de faire pour sa propre personne ce qu’il a refusé de faire pour son parti un an plus tôt et alors qu’il avait tout l’appui présidentiel et populaire. Résultat des courses, le parti est disloqué et les militants plus divisés que jamais.

La casse est grande et les « frères » de 2014 se sont transformés en ennemis se livrant une guerre fratricide meurtrière. Quant aux véritables adversaires politiques, ils sont là à compter les points et à se réjouir. Ils n’ont pas eu besoin d’abattre les Nidaistes, les Nidaistes s’en sont chargés tous seuls !

 Nizar Bahloul

 

 Crédit photo : Photomontage tirée de l'affiche du film "Killer elite"

13/01/2016 | 15:24
8 min
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Commentaires (56)

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Bechir Toukabri
| 17-01-2016 20:26
Certes hommes font l'histoire, à condition qu'ils possèdent les competences de leader. Or ces 3 personnes cités n'en ont aucune. Nidaa Tounes à éclaté parce qu'il n'est pas à sa naissance le représentant d'une classe sociale. C'était un ensemble d'opportunistes aux motivation très différentes voir contradictoires.Ceux de gauche ont déserté le bateau avant les élections. Ceux qui sont restés sont les opportunistes enragés.Et si Nidaa Touness a gagné les élections c'est grace à la classe moyenne et surtout au piège du vote utile. Après la victoire c'est le partage du gâteau qui à fait tout éclater.

takilas
| 17-01-2016 09:14
Leur dirigeant et provocateur n'est-ce pas Ghannouchi ?

dragondor
| 14-01-2016 23:34
le coup est monté ça fait une bonne période, tant que marzouk est soutenu par kamel ltaief, il est gagnant, et pour rafraîchir les mémoires, souvenez vous du conflit médiatisé entre chafik jarraya et ltaief, et le rôle de mohsen dedans.

Pan
| 14-01-2016 20:44
Mr. Bahloul, vous avez évoqué le nom de Hafedh Caïd Essebsi avec celui de Mohsen Marzouk. vous n'avez pas honte!!! je connais Marzouk depuis 1985, il faisait déjà la politique à l'université et il était brillant, il avait la capacité de donner un discours devant des centaines d'étudiants, il est le dernier des vrais Watad. et votre Hafedh Caïd Essebsi vous l'avez connu sur la scène politique en quelle année s'il vous plait!!!!

Objectif
| 14-01-2016 19:06
Tant que Cesar detient la cle de la famille, nul autre ne peut etre totalement responsable. C'est ce sentiment d'irresponsabilité, meme partielllement, qui fait agir les heritiers de la sorte. Ceux qui cherchent a s'emanciper risquent l'exclusion de la famille et de l'heritage. C'est ainsi depuis la nuit des temps. N'est pas Brutus qui veut. Bien dommage pour le pays car c'est une perte de temps pour tout le monde.

felfel
| 14-01-2016 17:25
Bon article et bonne analyse. Peu importe maintenant qui est le coupable, Marzouk, BCE ou HCS, l'essentiel c'est que Ennakba a encore une fois diviser les progressistes et c'est elle qui va diriger le pays pour les 50 prochaines annees.

pseudo
| 14-01-2016 14:23
BCE et son fils wild nanati ne sont sur aucune aile ils sont finis;politiquement, financièrement non ils ont engrangé;nahda a tissé sa toile ave Belhaj de Fajr libya;il faut de l 'argent c 'est le nerf de la guerre;Karoui se croit du meme calibre ue Jarraya;il sera jeté comme un kleenex;sa chaine sera rachetée;ils attendaient Bourguiba ;ils ont eu Petain

el khlifi mokhtar
| 14-01-2016 13:51
Oui, ces trois individus ont une part de responsabilité, à des degrés divers, dans l'effritement de Nida.Mais , le premier responsable est, je crois, BCE qui n'a pas su trancher au bon moment.Vous omettez de signaler que c'est le net rapprochement de BCE avec Ghannouchi qui a contribué grandement à cet effritement de ce rassemblement hétéroclite et qui a fait fuir plus d'un adhérent qu'on n'a pas respecté .

Hassen
| 14-01-2016 13:27
Il est dit dans votre article : "26 janvier 2012, Béji Caïd Essebsi, ancien Premier ministre, annonce le démarrage d'une nouvelle initiative politique, appelée Nidaa, pour défendre la République et ses acquis. Sur le fond, il s'agissait de contrer les islamistes et la troïka qui ambitionnaient de faire de la Tunisie un califat islamique. Le rêve a commencé."
Cette proposition est loin de la réalité.
En effet, BCE n'a jamais ambitionné de contrer ni ennahdha, ni la troïka.
Il avait vu une opportunité. Celle de s'emparer du pouvoir à brève échéance et se venger ainsi des Bey, de Bourguiba, de Ben Ali et du pauvre peuple tunisien.
Maintenant que c'est fait, il n'a plus rien à faire de ce que pensent les gens.

Taciturne
| 14-01-2016 12:38
Autant je salue et je rends hommage au courage et à l'intelligence de l'homme politique BCE qui a su, au moment opportun, sauver le pays d'une menace intégriste et d'un basculement vers un régime théocratique dont les conséquences seraient destructrices pour la Tunisie (observer ce qui se passe sous d'autres cieux) autant je le condamne pour avoir soutenu et propulsé son enfant au devant de la scéne pour en faire son dauphin. C'est de l'infanticide. Non seulement on sacrifie son propre enfant dont l'avenir politique semble défini vêlent compromis mais également l'intérêt du pays et son propre bébé qui est Nidaa Tounes. Dans le subconscient collectif on a encore des séquelles et un traumatisme profond des familles Ben Ali et Trabelsi. On a du mal à accepter El Beji fils quelque soit son potentiel. Je comprends qu'à un âge avancé on devient vulnérable et on subit de plein fouet l'influence de son entourage immédiat. Autant, il,avait une grande lucidité au moment de la création de Nidaa Tounes même s'il s'agit d'un parti composite autant il devient Gaga et le poids de l'âge devient un handicap. Je vois de nouveau planer la menace du retour du grand Satan (nahdha).
L'autre erreur, c'est l'ingratitude manifestée à l'égard de l'électorat féminin. L'ascension de Nidaa Tounes et son accession au pouvoir se sont réalisées grâce au soutien massif de l'électorat féminin. Je pense que ce sont les femmes qui constituent le meilleur rempart contre le retour de ces barbares d'un autre temps. Le danger se fait de plus en plus pressant, la solution serait de confier la direction de Nidaa aux femmes. Et ce n'est que leur rendre justice que de leur confier la direction du parti. C'est la voie C'est là voie du

salut de la Tunisie. Du coût, on barre la route à ces véreux, ces machiavels, ces assoiffés de pouvoir qui ne pensent qu'à leur égo même au prix d'un chaos pour la Tunisie