Exit Essid, la patate chaude refilée au prochain gouvernement !
Après une initiative émanant du président de la République et près de deux mois de suspens, l’Assemblée des représentants du peuple a tranché. Exit Essid ! Exit le gouvernement issu des élections législatives et présidentielle de 2014 ! Une nouvelle page de l’histoire politique tunisienne s’ouvre. Place maintenant aux concertations autour de la désignation d’un prochain chef de gouvernement. Place surtout aux défis qui attendent l’équipe à venir. Défis qui seront d’autant plus ardus à relever au vu de la situation dans lequel se débat le pays…
Maintenant Habib Essid est parti. Un départ dû en partie, nonobstant des calculs purement politiques, au mauvais rendement d’une équipe qui n’a pas su endiguer la crise et a laissé, en raison d’une mauvaise gestion notoire, diront certains observateurs, le pays s’enfoncer à vue d’œil. Une fuite en avant, en somme, si l’on prenait en considération les propos d’un Habib Essid qui défendait devant l’ARP son bilan plus que décrié.
Dans 10 jours un nouveau chef du gouvernement devra être désigné. Comme le dispose la constitution, le président de la République est tenu d’engager, durant ce délai, des consultations avec les partis politiques, les coalitions et les groupes parlementaires pour charger « la personnalité jugée la plus apte, en vue de former un gouvernement dans un délai maximum d’un mois ».
Durant les pourparlers visant à mettre les objectifs d’un gouvernement d’union nationale. Une feuille de route a émergé. Appelée « l’Accord de Carthage », cette feuille de route retranscrit les bases des mesures urgents auxquelles le futur gouvernement devra se conformer. Les grandes lignes de ces priorités, s’articulent sur six principaux axes, en l’occurrence : la proclamation de la guerre contre le terrorisme, l’accélération du processus de développement, la lutte contre la corruption, en plus de la maîtrise de l’équilibre monétaire et l’application d’une politique sociale efficace ou l’établissement d’une politique spécifique dans les régions intérieures.
Sur le volet de la lutte contre le terrorisme, il est indéniable que le gouvernement Habib Essid, a su, dernièrement, juguler la menace. Et c’est un bon point à son actif. On rappellera que c’est le premier ramadan depuis cinq ans qu’aucun attentat d’ampleur ne s’est passé en Tunisie. Toutefois, on n’oubliera pas que c’est sous ce même gouvernement, que le pays a connu ces attaques les plus meurtrières, mais également spectaculaires sur le plan humain et psychologique : Le Bardo, Sousse et celle contre le bus de la Garde présidentielle en plein cœur de la capitale. Depuis cette dernière attaque, la situation sécuritaire s’est certes améliorée mais la menace persiste et c’est à la prochaine équipe de maintenir ce fil ténu de cette précaire stabilité. On s’attend à ce que ce nouveau gouvernement d’union nationale prenne le dessus et traite ce phénomène de plusieurs angles différents.
Une guerre totale contre le terrorisme implique en effet de faire en sorte que tout l’appareil de l’Etat soit sur le pied de garde, mais également une sensibilisation des citoyens. D’autre part, la lutte contre ce fléau mondial, ne sera efficace que par l’identification de ses sources de financement, ainsi que le contrôle des transactions financières opaques et la lutte contre la contrebande étroitement liée aux réseaux terroristes. C’est là où réside le véritable challenge du prochain gouvernement.
Ce qui a fait le plus de tort à l’image du gouvernement Essid, c’est la dégringolade à vue d’œil de la situation économique en Tunisie. Des taux de chômage désespérants, une inflation galopante, des disparités régionales de plus en plus accrues, des investisseurs qui boudent le pays ou qui le quittent, une monnaie nationale en chute libre, un secteur touristique sinistré, une croissance qui s’approche du zéro, un endettement qui touche le plafond… et on en passe !
Les challenges qui attendent le gouvernement d’union nationale sont de taille. Comment gérer ces dossiers et savoir éviter et surmonter les échecs précédents, c’est là où la nouvelle formation devra faire ses preuves ou sinon, tout cela n’aurait servi à rien…
Le gouvernement qui émanera des tractations, quelle que soit sa composition, sera donc confronté à des défis économiques majeurs et à une pression sociale accrue. La conjoncture difficile et le legs des dernières années ne lui faciliteront sûrement pas la tâche. Retrouver un rythme de croissance qui a été maintenu à de faibles niveaux, trouver des solutions concrètes à la menace qui pèse sur les équilibres financiers, stimuler l’investissement privé, instaurer une paix sociale ou le retour à la normale de la production minière, sont autant de patates chaudes dont le nouveau gouvernement héritera et qu’il devra gérer sans tergiverser et avec fermeté.
La stabilité économique, politique et sociale reste un enjeu de taille dont la réalisation demande une équipe ancrée dans la réalité et qui a une grande connaissance et maîtrise des dossiers, certes brûlants, à traiter.
On a souvent reproché au gouvernement Essid son manque de fermeté et sa défaillance au niveau de la communication. Le tout, pour le prochain gouvernement, est de savoir dépasser ces échecs précédents, de savoir en tirer la leçon, tout en définissant ses priorités d’une manière tranchée, et surtout ne pas donner des promesses qu’il ne pourra concrètement tenir …
Ikhlas Latif