
Par Synda Tajine
Ceux qui disent qu’Ennahdha a pris le pouvoir à travers le gouvernement de Youssef Chahed me font bien rire. Cela fait un moment qu’Ennahdha est au pouvoir. De manière sournoise, pernicieuse, discrète et, avouons-le, intelligente.
Ceux qui disent que le gouvernement de Youssef Chahed, remanié hier, est celui d’Ennahdha sont ceux-là mêmes qui ont fondé leur campagne électorale sur l’unique projet de contrer le parti islamiste. Une fois arrivés au pouvoir, ils ont décidé de s’allier avec lui. Ce sont ceux-là mêmes qui, malgré leur succès aux législatives, ont laissé la porte grand ouverte au parti islamiste pour s’engouffrer et pour saisir la perche qu’on lui a tendue.
On ne peut pas reprocher à Ennahdha de faire de la politique politicienne. Ennahdha est un parti politique. On ne peut reprocher à Ennahdha de s’être caché, tapis dans l’ombre, et d’avoir bien préparé son jeu et de l’avoir réussi. On ne peut que reprocher aux autres d’avoir failli. Ennahdha a offert une bouée de sauvetage à Youssef Chahed, dans un moment où il avait grand besoin de soutiens. Un salut qu’il n’a pas trouvé en ses proches collaborateurs, ceux qui l’ont mis là où il était aujourd’hui. Pouvait-il se permettre de s’en passer ?
Il s’était retrouvé entre, d’un côté, son parti qui s’est ligué contre lui et lui a mené une guerre sans merci et, de l’autre, le président de la République qui, dans une impulsivité qu’on ne lui connaissait pas, décide de le désavouer. Béji Caïd Essebsi prouve, de jour en jour, qu’il ne sait pas s’entourer et qu’il arrive à chasser tous ceux qui lui voulaient pourtant du bien, est aujourd’hui de plus en plus isolé. Si Béji Caïd Essebsi approche, à pas sûrs, d’une sortie par la petite porte, tel sera le cas également pour Nidaa Tounes. Le parti ne cache plus son désarroi. Comment le ferait-il ? En affirmant non seulement qu’il n’a pas été consulté lors des tractations gouvernementales (lui qui est gagnant des élections de 2014), mais aussi que le nouveau gouvernement n’est autre que celui d’Ennahdha, Nidaa continue sa déconfiture à pas plus que sûrs et sa crise interne n’émeut plus grand monde.
Est-ce que la nouvelle troïka née de ce gouvernement (Nidaa-Machrouû-Ennahdha) aujourd’hui est très différente de celle de 2011 ? Oui car celle-ci n’émane pas des urnes. Mais si ceux qui ont réussi à se hisser en tête du classement en convainquant les électeurs ne l’ont pas été suffisamment pour rester, peut-on reprocher aux autres de s’engouffrer dans la brèche ?
Aujourd’hui, il ne s’agit pas vraiment de savoir qui détient quelle part, qui est représenté et qui ne l’est pas, mais que fera concrètement ce nouveau gouvernement pour le pays. Glissement du dinar, aggravation du déficit commercial, crise économique généralisée, menace terroriste, difficultés sociales…au milieu des jeux politiques qui lassent le citoyen lambda, de grands impératifs économiques et sociaux ne peuvent attendre.
Malheureusement, et on ne le répète jamais assez, Ennahdha reste le grand gagnant de tout ce remue-ménage. Le parti de Rached Ghannouchi en se tenant à l’écart des guerres de clans et des combines, tire confortablement son épingle du jeu. Pas seulement à travers une représentation plus que confortable, mais à travers une stratégie à long terme que le parti tisse et à laquelle toute la classe politique, sciemment ou par pur amateurisme, contribue. Ennahdha, accusé d’abriter une organisation secrète et d’être impliqué dans des crimes terroristes est aujourd’hui le parti le plus clairement représenté au sein du gouvernement. Ironie dites-vous ?
Ceci dit, il convient tout de même de remarquer que parmi les 30 ministres du gouvernement Chahed, secrétaires d’Etat compris, plus d’une vingtaine ont déjà prouvé leur loyauté au chef du gouvernement. Si Ennahdha phagocyte et reste un allié incontournable compte tenu de la fragilité de la classe politique actuelle, force est de constater que la majorité du gouvernement est composée de membres du clan démocrate et ceux-là ont un seul point commun : Youssef Chahed.
Mais oubliez tout ce qui est écrit plus haut, tout cela n’est pas très important. La chose la plus importante étant de savoir comment René Trabelsi, nouveau ministre tunisien de confession juive, prêtera serment lors de son investiture…


Commentaires (11)
CommenterDur... dur !
On n'oubliera pas
NON !!!
La Cellule Terroriste d'Ennahdha peut dormir tranquille
Il y a quelques, jours, Ghanouchi parlait de bain de sang avant la formation du gouvernement.
Les tunisiens sont donc rassurés que la Cellule Terroriste d'Ennahdha n'a pas d'attentats dans son calendrier, Dieu merci.
Il est sidèrent de constater que Ennahdha:Clive.
SYNDA
@Synda Tajine : je ne suis pas d'accord avec vous
YC par son intelligence fine (bien conseillé) donne l'illusion aux Khwenjyas qu'ils ont eu la part belle du gâteau, mais c'est archi-faux. Synda Tajine vous ne voyez que les apparences (ministères ou sous-ministères aux nahdaouis) sans grande importance stratégique. Le Chef du Gouvernement distribue les bons points et il s'attribue la part du lion, n'oubliez pas que les élections sont dans un an et YC veut temporiser, il gagne du temps et ce gouvernement n'est que provisoire et toute votre analyse sur la mainmise de la Nahda sur l'état n'est que simpliste. Je n'y adhère pas, les leviers du pouvoir appartiennent à l'exécutif.
Le gouvernement remanié n'est qu'un gouvernement de gestion courante où les ministres n'ont pas une grande marge de manoeuvre, c'est Youssef Chahed qui mène la barque, il a été assez intelligent pour ne pas froisser les islamistes mais il leur a donné des miettes dans un gouvernement provisoire, YC a besoin d'eux pour l'instant mais le but final est de gagner les élections de 2019 soutenu par le Bloc National et Machrou Tounès. L'appui de Nahda n'est que tactique, les islamistes sont les concurrents de Youssef Chahed et des partis qui le soutiennent.
En conclusion, on ne peut rien dire sur celui qui a gagné mais une chose est sûre il y a de vrais perdants c'est Nidaa Tounès et la bande de HCE dont fait partie le néophyte Slim Riahi mais là je n'ai pas le temps de développer.
Il y a peut-être toujours un moyen quand il y a une volonté !
Mme ST se pose une question !!!
Chère ST l'article 6 de la constitution stipule clairement que « l'?tat protège la religion, garantit la liberté de croyance, de conscience et de l'exercice des cultes » '?'
Ces prédécesseurs ont prêté sermon sur la Torah '?' Posez la question à nos historiens et même contemporains de Bourguiba .. BCE est un encyclopédie vivante de cette époque '?' HC