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Tribunes
Aux actes citoyens
16/04/2012 | 1
min
Aux actes citoyens
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Par Neila Charchour Hachicha*


Le 9 avril 2012 restera gravé dans nos mémoires comme une journée de grande humiliation du peuple tunisien par un gouvernement qui s’est révélé scandaleusement répressif face à un peuple qui a réussi -sans aucun leadership et avec un minimum de sacrifices humains- à se révolter pour sa dignité qu’il ne saura atteindre que par l’instauration de la démocratie. Seulement cette démocratie peine à s’installer sous la gouvernance d’un parti théocratique qui accapare le pouvoir avec les méthodes et les comportements dictatoriaux qu’il a lui-même subis.
Le 9 avril est le jour de la commémoration des martyrs de l’indépendance tunisienne auxquels se sont rajoutés les martyrs et les blessés de la révolution que le gouvernement provisoire a du mal à reconnaitre et à honorer comme ils le méritent étant donné que ce gouvernement ne s’est jamais reconnu ni dans leur lutte ni dans leurs revendications. C’est un gouvernement dont la priorité exclusive est de s’imposer à tout un peuple dont seulement une minorité l’a élu.

Par conséquent pour rendre hommages à tous les martyrs et surtout pour appeler à un soutien honorable aux blessés de la révolution, une manifestation pacifique a été prévue le 9 avril dernier. Malheureusement, elle fut très vite réprimée dans le sang sous prétexte que l’Avenue Habib Bourguiba, symbole des libertés, a été interdite d’accès à toute manifestation. Elus, personnalités nationales, journalistes, militants, avocats, femmes et enfants, personne n’a été épargné par la brutalité policière. Deux jours auparavant, une autre manifestation de diplômés chômeurs a elle aussi été très violemment réprimée sous le même prétexte. Plus grave encore nous avons pu assister à l’intervention de civils armés venus prêter main forte à la police.
La révolution du 14 Janvier n’étant pas la sienne, et sa légitimité étant minimale, le gouvernement au pouvoir, Ennahdha, se comporte désormais comme un colon qui ne peut s’imposer que par la force et la répression. Tantôt il cherche à nous islamiser comme si nous étions non musulmans, tantôt il cherche à nous réprimer considérant que nous complotons contre son existence du fait que nous le critiquons, oubliant que nos rôles de citoyens responsables, de société civile et d’opposition critique sont les garants d’une gouvernance juste et représentative de tous les Tunisiens.

Il est grand temps que cesse cette mascarade et que le peuple retrouve enfin sa souveraineté et sa dignité. Tout le monde semble avoir rapidement oublié que toute légitimité ne vient que du peuple et qu’il est seul apte à la retirer à tout moment. Ceux qui nous parlent aujourd’hui de primauté des lois démocratiques cherchent à nous tromper car ces lois sont précisément en cours d’élaboration à travers la nouvelle Constitution ; et tant que celle-ci n’a pas encore été établie, le peuple demeurera souverain dans ses choix et nul ne pourra le faire dévier des objectifs premiers de sa révolution. Livré à lui-même et à défaut de partis capables de le canaliser, de porter son message et de l’orienter dans le bon sens, le peuple apprend par lui-même à s’organiser et à se mobiliser selon les exigences des conjonctures qu’il traverse. Tantôt il se mobilise contre la référence à la Chariâa dans la nouvelle constitution, tantôt il se mobilise contre la censure des médias ou pour la défense des journalistes menacés ou encore contre les Salafistes qui défient les lois sans être inquiétés.
Une chose semble claire et évidente pour tous, c’est que la police se doit d’être neutre et républicaine au service des citoyens et des lois de la République, qui elles se doivent d’être équitables et non partisanes vis-à-vis de tous les citoyens quelle que soit leur appartenance. Pour cela et durant cette période de transition démocratique, et même au-delà s’il le faut, il serait utile et nécessaire que le ministre de l’Intérieur soit une personnalité indépendante de tout parti. Malheureusement fort de sa pseudo légitimité électorale et de sa mainmise sur le gouvernement provisoire, le parti Ennahdha, ne semble pas raison entendre. Le ministère de l’Intérieur étant un ministère clef pour les prochaines élections municipales Ennahdha tient à y maintenir un de ses hommes en poste comme d’ailleurs dans les gouvernorats où ont été nommés des nahdhaouis qui nous font craindre pour la neutralité et la transparence des prochaines élections.

N’oublions pas que la priorité véritable est dans notre survie économique. Or face à la faiblesse des partis d’opposition, ni Ennahdha ni l’UGTT dans leur lutte pour le pouvoir, ne semblent faire des intérêts du pays leur priorité. Ces deux seules forces politiques, par leur comportement hégémonique et leurs idéologies dogmatiques obsolètes, nous font prendre le risque de rendre le pays tout simplement ingouvernable. De son côté l’UTICA reste discrète mais semble tout autant incapable bien qu’elle regroupe une majeure partie des créateurs d’emplois. Dans la situation actuelle, quelques 400 hommes d’affaires seraient sous contrôle judiciaire et l’activité économique est paralysée. Notre économie fragilisée est en grand danger, et en l’absence d’un état fort qui assume ses responsabilités, il revient directement aux professionnels de chaque secteur de se mobiliser afin d’imaginer ensemble les solutions adéquates à la relance de leur secteur sans plus attendre ou dépendre des solutions étatiques guidées par les intérêts et les chantages politiques et électoraux des uns et des autres.

Le premier facteur de relance étant la sécurité, il serait urgent de se pencher sur la possibilité de créer des corps de sécurité privée pour assurer de nouveau la bonne marche du pays. A titre d’exemple un corps de sécurité touristique exclusivement affecté à la sécurité et à la protection des touristes ainsi qu’à la propreté des plages et des voies publiques, permettrait une relance immédiate de ce secteur, oh combien vital pour notre économie ! Tout en coordonnant avec la sécurité étatique, et dans un esprit de décentralisation, il devrait être géré par des comités professionnels régionaux. De cette manière les tunisiens évolueront quant à leur part de responsabilité citoyenne et apprendront à mieux se prendre en charge sur le plan sécuritaire sans être constamment en situation d’attente des solutions et de l’assistance de l’Etat. Les différents secteurs professionnels peuvent s’en inspirer et en adapter le fonctionnement selon leurs besoins et le contexte professionnel dans lequel ils évoluent.

Dans cet ordre d’idée, il faudrait immédiatement supprimer toutes les milices et entamer une réforme de la police tunisienne afin de la former aux méthodes de fonctionnement légales et civilisées qui respectent les droits de l’Homme, la dignité et l’intégrité du citoyen.
La souveraineté étant au peuple il revient à celui-ci d’avoir l’imagination nécessaire, d’être responsable et de prendre efficacement les devants tout en laissant à l’Etat le soin de coordonner les différents services. Nous ne nous laisserons pas intimider par la violence de la police et encore moins par des milices anonymes et douteuses propres au pays sous-développés. Nous avons le devoir de nous organiser et de nous mobiliser pour une Tunisie meilleure digne du sacrifice de nos martyrs.

*Activiste politique
16/04/2012 | 1
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