alexametrics
mardi 14 mai 2024
Heure de Tunis : 15:10
Dernières news
Tabagisme : quel choix pour les fumeurs en l’absence d’une règlementation sur les produits d’aide au sevrage ?
04/11/2020 | 11:33
4 min
Tabagisme : quel choix pour les fumeurs en l’absence d’une règlementation sur les produits d’aide au sevrage ?

 

Selon les derniers chiffres avancés par la Société tunisienne de cardiologie et de chirurgie cardiovasculaire, 50% des Tunisiens sont des fumeurs. Un taux qui reste élevé en comparaison avec les pays développés où le tabagisme - première cause de mortalité dans le monde - a drastiquement diminué durant la dernière décennie grâce aux politiques étatiques d’une part et la disponibilité de produits d’aide au sevrage, d’autre part. Seules 4% des tentatives de sevrage aboutissent sans produits d’aide au sevrage tabagique, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

 

En Tunisie, les augmentations itératives des taxes et prix des cigarettes n’ont pas découragé les fumeurs. La cigarette électronique ou vape a, elle, connu un petit succès et a permis à certains d’arrêter la cigarette, pour ensuite décliner rapidement. L’absence de cadre légal réglementant la vente, doublé du manque des produits associés (liquide à vapoter et mèches à se procurer, généralement, sur le marché parallèle) constituent un barrage à une adoption plus large de cette alternative. Le tabac chauffé demeure, quant à lui, introuvable sur le marché formel. 

Le tabac chauffé est, rappelons-le, un produit à risque modifié. Il a l’apparence de la cigarette classique - combustible - et la cigarette électronique, à la fois. Il est composé d’un stick (la cigarette) et d’un dispositif permettant de chauffer la cigarette à l’aide d’une batterie. Contrairement à la cigarette classique, le tabac chauffé ne brûle pas. Or, c’est bien la combustion qui, selon les experts, libère dans l’organisme les agents toxiques contenus dans le tabac. Confectionné en 2014, le tabac chauffé introduit la nicotine dans les poumons par aérosol à une température comprise entre 250 et 350 °C (selon le dispositif utilisé) soit trois fois moins la température d’une cigarette classique dont le foyer chauffe à 800°C. 

 

De par ces “avantages”, le tabac chauffé est présenté comme une alternative à risque réduit en comparaison avec la cigarette classique. Il existe, actuellement, quelques marques phares, dont IQOS, le nouveau cheval de bataille de l’une des plus grandes compagnies de tabac dans le monde, Philip Morris International (PMI), dans sa stratégie de réduction des risques du tabagisme. 

En marge du Global Nicotine Forum 2020 organisé en ligne cette année, les experts réunis à l’occasion, ont présenté les résultats de plusieurs études réalisées dans l’optique d’analyser l’impact de la consommation de tabac chauffé et sa capacité à assister les fumeurs dans le processus de sevrage tabagique. 

Cet évènement lancé pour la première fois en 2008, est devenu un carrefour mondial d’échanges de points de vue et d'idées entre des professionnels de la santé,  chercheurs, représentants gouvernementaux et membres de l’industrie du tabac…

 

Dans son intervention, le chirurgien cardiovasculaire et directeur adjoint de l'hôpital international AOI à Kanagawa au Japon, Hiroya Kumamaru, a mis l’accent sur la diminution du taux de tabagisme classique au Japon, depuis la mise sur le marché des produits de tabac chauffé. Il a affirmé que ce taux avait chuté de 30% en trois ans. Il a ajouté, dans ce sens, que le taux de pénétration de ces produits alternatifs auprès des fumeurs était de 25%, soulignant que, contrairement à ce que l’on pense, le tabac chauffé n’a pas créé de dépendance - communément appelé effet d’escalade - chez ses utilisateurs. 

Le Japon n’est pas le seul pays à avoir autorisé l'introduction du tabac chauffé sur le marché. Ce produit est commercialisé, entre autres, aux États-Unis après que la Food and Drug Administration a donné son feu vert, estimant que le tabac chauffé ne peut être considéré au même niveau que la cigarette classique. 

Les experts s’accordent à dire, aujourd’hui, que la nicotine est loin d’être l’agent le plus nocif dans la cigarette. C’est plutôt la combustion qui en fait un produit dangereux. D’où l’idée de la réduction des risques liée à la consommation du tabac chauffé. Sans parler du fait que, pour un fumeur qui n’arrive pas à quitter la cigarette, la disponibilité d’une alternative moins nuisible pour sa santé pourrait, en effet, l’encourager à adopter un choix meilleur, si cela s’offre lui. 

Et c’est là que la problématique majeure fait surface. Si certains pays ont fait le choix de règlementer les produits de tabac chauffé, d’autres ont fait l’impasse ou choisi de les placer dans la même catégorie que les produits tabagiques classiques. En Tunisie, c’est à la RNTA que revient le monopole de la cigarette électronique (le tabac chauffé n’a pas encore fait d’entrée officielle, ndlr). Depuis 2014, la situation est la même. Le monopole du marché de la vape est entre les mains de la Régie nationale des tabacs et des allumettes et l’État ne semble guère prêt à réagir. Ce produit n’est, d’ailleurs, autorisé qu’en quantité limitée – notamment pour la consommation personnelle – et est soumis à une autorisation de la douane pour toute entrée sur le territoire tunisien.

 

Cette règlementation qui ne risque pas de changer de sitôt a empêché la cigarette électronique d’exprimer son potentiel et offrir aux fumeurs une option de plus que les légères. Les cigarettes électroniques et leurs produits dérivés ne sont, eux, commercialisés que sur le marché illicite, ce qui représente un risque supplémentaire pour le consommateur. 

 

Nadya Jennene 

04/11/2020 | 11:33
4 min
Suivez-nous