A quelques jours du démarrage officiel de la campagne électorale, les partis politiques recourent déjà à toutes les méthodes susceptibles de « vendre » leurs candidats en vue de leur accorder des chances maximales de réussite. Cependant, le même cas ne se reproduit pas pour Ennahdha et ce en relation avec son candidat à la magistrature suprême, Abdelfattah Mourou. Le parti islamiste a préféré rester à l’écart de cette campagne anticipée se contentant uniquement d’observer de loin les batailles des autres candidats…

L’oiseau rare dont parlait le chef islamiste, Rached Ghannouchi a finalement été trouvé. Après de longues tergiversations, c’est Abdelfattah Mourou, occupant à présent le poste du président intérimaire de l’ARP, qui a été choisi pour représenter Ennahdha à la présidentielle.

Sur proposition de Rached Ghannouchi qui lui a cédé sa place pour la magistrature suprême, le Conseil de la Choura d’Ennahdha a approuvé la candidature de Abdelfattah Mourou qui avait obtenu 98 voix pour, 0 contre et 5 abstentions.

Un choix quasi-unanime, mais qui a été, pourtant, contesté par certains dirigeants au sein du parti islamiste à l’instar de Mohamed Ben Salem ayant estimé qu’Ennahdha devrait se focaliser plutôt sur les législatives. Son argument était que si deux candidats défendant la même idéologie arrivent au 2^ème tour, cela pourrait engendrer une polarisation.

Autre opposant à cette candidature, celle du dirigeant nahdhaoui et membre du bureau politique d’Ennahdha, Rafik Abdessalem qui, avant de se réconcilier avec M. Mourou, souhaitait voir le parti islamiste soutenir un candidat consensuel.

Pour M. Abdessalem, un candidat consensuel était le choix de la sagesse " face à la métamorphose des conjonctures internationale et régionale. Toutefois, le choix d’un candidat issu d’Ennahdha était mauvais et pénible, ne répondait pas aux exigences et manque de vision en profondeur et à long terme ", selon ses dires.

De son côté, le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi a estimé que Abdelfattah Mourou mérite la confiance du parti islamiste  dans sa course au palais de Carthage.

Le bureau exécutif d’Ennahdha, qui avait, également, suggéré la candidature de Mourou à la présidentielle, avait dans ce sens exhorté ses militants et sympathisants à soutenir Abdelfattah Mourou puisqu’il s’agit d’une décision émanant des institutions officielles du parti.

Il a, par ailleurs, relevé les échos favorables exprimés suite à cette décision et qui reviennent, selon le bureau exécutif, à la réputation de M. Mourou ainsi qu’à ses qualités d’homme d’Etat.

Les chances de Abdelfattah Mourou de remporter l’élection présidentielle ne sont pas négligeables. Figurant dans les Top 5 des candidats favoris, le passage de M. Mourou au 2^ème tour, voire sa victoire n’est pas imaginaire.

Certains sont allés même jusqu'à confirmer cette hypothèse, à l’instar de l’ancien ministre du Commerce, Mohsen Hassen. M. Hassen a, en effet, été persuadé du passage de Abdelfattah Mourou au second tour ajoutant que son concurrent sera plus honnête et plus convaincant.

L’oiseau rare d’Ennahdha semble, dès maintenant, jouir de tout l’appui dont il aurait besoin. Cependant, il s’agit ici d’un soutien préliminaire dans la mesure où Ennahdha est toujours et jusque là relativement peu impliqué dans la campagne présidentielle.

Tandis que cette campagne, qui n’a pas officiellement démarré, bat son plein pour certains partis politiques et que les machines électorales ont déjà commencé à travailler pour un nombre de candidats à la magistrature suprême, Ennahdha n’a pas l’air de s’y intéresser de très près. Plutôt, le parti islamiste mise actuellement sur la campagne pour les législatives mobilisant ses militants sur le terrain en vue de faire connaître davantage leurs projets aux potentiels électeurs.

Visiblement, pour Ennahdha, parti dont chaque coup est minutieusement calculé, il ne s’agit pas d’une sous-estimation du poste du chef de l’Etat. Cette position de spectateur pourrait bien constituer une stratégie pour le parti islamiste qui aurait probablement envie de faire son apparition à la dernière minute et prouver à tous ses concurrents sa capacité de passer au 2^ème tour.

Ainsi, le véritable poids d’Ennahdha se fera, indubitablement, ressentir dès le lancement officiel de la campagne électorale fixé au 2 septembre 2019. Les différents leaders et militants n’épargneront aucun effort afin d’appuyer leur candidat, Abdelfattah Mourou, par tous les moyens qui leur sont accessibles, sur terrain.

Loin des combats politiques qui plombent à présent la scène politique et les duels entre les favoris des intentions de votes à l’instar des couples Abdelkrim Zbidi/ Youssef Chahed, Youssef Chahed/Nabil Karoui ou encore Abdelkrim Zbidi/Nabil Karoui, Ennahdha a fait profil bas laissant ses adversaires s’entre-déchirer, retenant son souffle en attente.

Comme démontré à maintes reprises, les pas du parti islamiste sont souvent étudiés. Qu’il s’agisse d’une manœuvre destinée à éreinter ses rivaux avant le début de la course et à les laisser « s’entretuer » ou encore d’une preuve d’une conviction indéniable que Abdelfattah Mourou passera, certes, au second tour, le danger que représente Ennahdha en adoptant de pareilles techniques n’est, donc, pas insignifiant.

Néanmoins, l’ego démesuré d’Ennahdha et son excès de confiance pourrait lui être nuisible. Sous-évaluer ses adversaires n’est, en aucun cas, bénéfique. A deux semaines de la date du scrutin de l’élection présidentielle, il n’est toujours pas clair qui gagnera la course au palais de Carthage et de nombreux scénarios sont probables.

Devant la montée en force de Nabil Karoui, en tête des sondages depuis des mois, et la tendance ne serait pas à la baisse en dépit de son arrestation pour des affaires de blanchiment d’argent, ainsi que l’avancée de Abdelkrim Zbidi qui s’affirme graduellement, le passage de Abdelfattah Mourou au second tour, n’est finalement pas aussi certain, encore moins sa victoire à la présidentielle.

Boutheïna Laâtar