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Réformer l'école, cette folie !
04/11/2015 | 19:58
7 min
Réformer l'école, cette folie !

Le sujet a été abordé de nombreuses fois et ne cesse de l’être, le système éducatif, l’école, les instituteurs, le niveau des élèves et celui des enseignants, l’état de la plupart des écoles, des internats, le bilan, toujours aussi catastrophique voire plus à chaque fois. Il est vrai que le sujet est de la plus haute importance, car si l’économie et la sécurité sont les fondements d’une nation prospère, l’éducation en est la pierre angulaire. A chaque intervention du ministre de l’Education nationale, des chiffre ahurissants sont dévoilés et des réformes radicales annoncées pour transformer et bouleverser un système éducatif séculaire, qui a montré ses failles et dont les conséquences ont été pour le moins fâcheuses.

 

Ce fut le cas lors des dernières Rencontres de Tunis, organisées par Sigma Conseil et Konrad Adenauer Stiftung, sur l’éducation nationale « entre nécessité de mesures immédiates et réformes structurelles ». Avant de donner la parole au ministre de l’Education nationale, Néji Jalloul, Hassen Zargouni, président de Sigma Conseil a fait une petite présentation, en chiffres, de la situation de l’éducation nationale en Tunisie.

 

Hassen Zargouni a commencé par préciser que plus de 2 millions d’élèves, soit 1/5 de la population tunisienne, fréquentent les bancs des écoles, collèges et lycées, dont 5,7% dans les institutions privées. Plus de 50.000 élèves fréquentent donc les écoles privées, chiffre qui montre que ce nombre a doublé en cinq ans soit entre 2010 (24.000) et 2015. Il y a une moyenne de 234 élèves par école primaire dans le public, contre 184 dans le privé. La moyenne des élèves au lycée est de 600 élèves par lycée contre 212 dans les établissements privés. Le nombre d’élèves par enseignant primaire public est de 17, contre 11 dans le privé et 12 élèves par enseignant dans le secondaire, contre 6,8 dans le secondaire privé.

 

A ce titre, les conditions pédagogiques semblent plus favorables dans le privé, a affirmé le président de Sigma Conseil. Il a ajouté qu’il existe une moyenne de 22 élèves par classe dans le primaire et à peu près la même chose pour le secondaire. En 2012, au test PISA, la Tunisie a été classée 60ème sur 65 en maths, 57ème en compréhension de l’écrit et 60ème en sciences. 120.000 enfants en âge d’aller à l’école n’y sont pas le jour de la rentrée, on dénombre 15.000 abandons au niveau du primaire et près de 50.000 au collège, les abandons touchent 1/3 des filles et 2/3 des garçons. Le budget alloué à l’éducation en 2015 est de 4 milliards de dinars et un élève au primaire coûte, en termes de budget, 1.200dt.

 

 

Concernant les réformes annoncées par le ministère, des parents d’élèves ont été sondés pour estimer la tendance des Tunisiens concernant un certain nombre de mesures qui seront désormais appliquées dans le système éducatif. Une large majorité des parents sont d’accord avec le fait que les cours particuliers ne doivent être prodigués que dans le cadre des institutions scolaires (58%), 63,4% d’entre eux sont d’accord avec le fait d’instaurer une taxe sur le revenu des enseignants qui donnent des cours particuliers en dehors des institutions scolaires. 61% des parents sont d’accord pour la suppression du taux de 25% au bac. Pour ce qui est de la suppression des semaines bloquées du premier et second trimestre, les réponses sont mitigées, il y a autant de parents qui sont pour que contre.

 

Le ministre de l’Education nationale, Néji Jalloul, a précisé, pour sa part, que les débats ont assez duré et qu’il est temps de passer à l’action, surtout en ce qui concerne les écoles primaires qui seront les plus concernées cette année. Il a ajouté que les décisions seront sans doute très impopulaires mais néanmoins nécessaires. Néji Jalloul a rappelé, dans son allocution, les chiffres qui fâchent. Il a indiqué qu’il existe en Tunisie des écoles primaires qui fonctionnent avec moins de 50 élèves. Et 60 écoles qui fonctionnent avec moins de 10 élèves. « Nous avons une école primaire qui fonctionne avec 2 élèves et 7 enseignants ; une autre avec 1 élève et 3 enseignants, pour vous dire que le gaspillage est une plaie » a affirmé le ministre. « Nous allons fermer des écoles et en regrouper certaines, mais nous devons garantir le transport et l'internat. Nous allons travailler cette année sur la cartographie des écoles. Cela nous fera économiser beaucoup d’argent » a-t-il ajouté.

 

Le ministre a indiqué que la formation d’un élève du primaire dans des régions rurales coûte près de 30.000dt, «soit plus que celle d’un étudiant en médecine », d’où le caractère irrationnel de la gestion. Il a souligné qu’en sixième année primaire, un élève assiste à 17 matières, ce qui est énorme. Le ministre a indiqué que certaines écoles ont recours aux classes groupées, qui contiennent des élèves de différents niveaux, chose inadmissible dans un pays qui se veut post-moderniste.

 

Néji Jalloul a annoncé que les réformes les plus immédiates concerneront les trois premières années du primaire. Il a indiqué que les matières ainsi que les manuels seront allégés pour retourner aux fondamentaux « lire, écrire, compter » avec une activité obligatoire en musique et en théâtre. En termes de mesures immédiates, les 25% du Bac seront aussi officiellement supprimés cette année.

 

Le ministre a ensuite abordé un sujet plus délicat, affirmant que, depuis la révolution, les proviseurs et directeurs d’institutions scolaires compétents ont été évincés pour laisser la place à d’autres, souvent choisis sur d’autres critères que leur compétence et parfois élus pour couvrir leurs amis absentéistes. « L’absentéisme des enseignants coûte à la communauté cent millions de dinars. Le taux d’absentéisme touche 25% des enseignants avec une moyenne de 6.000 congés maladie » a affirmé le ministre, indiquant qu’il faut absolument changer le texte de loi qui rend tout cela parfaitement légal. « Certains enseignants invoquent une fatigue psychologique, d’autres n’aiment tout simplement pas l’institution à laquelle ils sont affectés et demandent à rejoindre l’administration » a précisé Néji Jalloul. « Ils sont dans l’administration, certes, mais ne travaillent que 18h par semaine comme un instituteur, ils ont en gros le beurre et l’argent du beurre » a-t-il ajouté, soulignant que le nombre d’enseignants qui sont dans ce cas est très élevé. A ce propos, le ministre de l’Education a annoncé que les directeurs des institutions scolaires seront désormais nommés à la suite d’un concours à l’issue d’une année d’études. Et que, sur ce point, il y a un consensus avec le syndicat.

 

Néji Jalloul a ajouté que les réformes nécessitent un budget considérable et que le seul moyen d’y arriver est de revoir la gestion des ressources en plus d’un budget alloué plus élevé. Il a précisé que la situation est bien plus déplorable qu’il ne l’avait lui-même jamais imaginé. La situation déplorable des cantines et des internats et le gaspillage des ressources touche plus de 80% des institutions. « Chez nous il est courant de voir un diplômé d’arabe enseigner le français, et un topographe enseigner l’histoire » a indiqué le ministre, ajoutant que « le ministère de l’Education nationale est devenu le ministère des Affaires sociales. Tous ceux qui n’ont pas trouvé de travail veulent travailler dans l’éducation. Réellement dans l’inconscient populaire, c'est devenu un sous métier ».

 

Néji Jalloul a conclu par dire que les enseignants doivent être recyclés, reformés, réadaptés et que les ressources pour le faire manquent lamentablement. Il a ajouté que les réformes structurelles vont nécessiter au moins cinq années et que s’il est traité de mendiant par certains il en est particulièrement fier si cela peut servir à améliorer la condition des écoles et des élèves. Le ministre a précisé que la réforme doit nécessairement passer par un consensus national et que les dialogues ont assez duré. Il a indiqué que certains lobbys ralentissent la manœuvre, surtout au niveau du secondaire et que la seule manière de redresser la situation est de retourner à une gestion académique des institutions scolaires. « Notre école est sinistrée et cette culture de l’école buissonnière et des revendications à tout va doit absolument cesser » a affirmé le ministre. « Nous devons rétablir l’autorité de l’Etat et du directeur ainsi que l’ordre » a-t-il ajouté.

 

Pour finir, le ministre de l’Education nationale a appelé les citoyens tunisiens à exprimer leur sympathie à l’égard de ces réformes dans la rue. Il a souligné que si le ministère sait que celles-ci bénéficient d’une certaine sympathie, il ne le voit pas forcément. « Nous voyons les manifestations pour revendiquer des choses mais aucune pour réformer l’école et j’aimerai bien qu’il y ait une grosse manifestation pour la réforme du système éducatif qui nous fera avancer avec l’appui des citoyens car le ministère se sent seul et ça n’arrange pas les lobbys que l’école soit réformée » a-t-il conclu.

 

Myriam Ben Zineb

04/11/2015 | 19:58
7 min
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Commentaires (9)

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nouri
| 06-11-2015 16:03
Manifester , oui, mais pour demander à Monsieur Le ministre un peu plus de sagesse, de courage et un peu moins d'affirmations à la légère. Dire par exemple que le CAPES est mauvais parce qu'il y a des candidats qui ont été recrutés avec 2 ou 3 de moyenne, ce n'est vraiment pas un argument très pertinent. Si le concours que votre ministère a organisé n'a pas permis de dégager les meilleurs c'est que vos sujets sont mauvais. Vous devez savoir cette évidence en tant que professeur à l'Université. Les QCM posés par vos services ont changé de nature après 2012 et toute la catastrophe vient de là. Libérez vous un peu des syndicats et osez prendre la mesure la plus urgente : Rétablir l'examen national pour le passage primaire-collège. Cette unique décision changera tout. Ce test national obligera les écoles à travailler avec une autre mentalité . L'équipe enseignante et le Directeur de chaque école feront tout pour que les résultats de leur école soient honorables. Ce test national va mettre en évidence la nature des faiblesses, leur ordre de grandeur et leurs répartitions géographiques. Avec un tel tableau de données , le ministère saura agir. Nous ne serons pas obligés d'attendre les tests de PISA pour avoir une idée quantifiée sur le niveau catastrophique de nos élèves.

observator
| 05-11-2015 17:43
On dirait que ce ministre lit bien les articles et les commentaires sur B.N. sur le sujet et s'en inspire et c'est une bonne chose.
Cela lui permet d'avoir du recul.
Mais il oublie des questions essentielles sans leur résolution aucune réforme n'aboutira au résultat escompté, peut être il craint il le syndicat et les lobbys au sein de ce ministère. Peut être aussi à cause de sa formation, il est enseignant d'Histoire. Cela peut constituer un handicap surtout si on veut être le seul maître d'oeuvre. A l'écouter à l'Unesco, ou ailleurs, il reste attaché à des fondamentaux assez classiques qui certes ont une importance mais qui ne sont pas des questions essentielles aujourd'hui et c'est là que sa réforme risque de connaitre le même résultat que les précédentes.
Car dans ses explications, il oublie de parler de questions essentielles à résoudre pour la réussite de cette réforme.
Tout se passe comme s'il reste lui aussi prisonnier de ce problème idéologique qui a hanté ses prédécesseurs durant la dictature, ce qui handicape lourdement son projet de réforme. Les gens ne se nourrissent pas que du théâtre, de la culture et de la musique uniquement.
Ils ne peuvent apprécier ces trois choses qu'une fois leur ventre n'est plus vide.
Et puis on peut toujours se cultiver hors de l'école. Mais certains fondamentaux essentiels ne peuvent être maîtrisés qu'à l'école. Et ils font défaut dans sa réforme.
Vous devez arrêter de raisonner avec démagogie et une arrière-pensée idéologique.
Charfi au temps de la dictature avait promis de faire de nos petits des voltairiens, mais il a été tellement aveuglé par l'idéologie et le fait de plaire au prince qu'il a oublié l'essentiel.
Et aujourd'hui nous payons le prix le plus fort. Nos enfants ne connaissent ni Voltaire ni Zadig. Pire une proportion non négligeable a versé dans la violence. Sans oublier les centaines de milliers de diplômés chômeurs qui jonchent nos rue et retard économique et social que cela a engendré.
Monsieur Le Ministre donc à vous écoutant vous êtes plus préoccupé par votre idéologie que de réformer réellement le système éducatif tunisien. Ce faisant vous risquez l'échec à votre tour mais surtout le pays risque de payer un lourd prix car cela peut impacter des générations entières avec les conséquences dramatiques sur l'avenir de ce pays.
Vous parlez comme quoi votre réforme a été discutée partout ( partis politiques société civile) mais autour de moi personne n'en parle. Beaucoup n'en connaissent pas le continu.
Tout se passe comme si vous reproduisez la même tactique classique.
Certes il y a certaines retouches qui vont dans le bon sens mais cela est loin d'être une réforme.

Ataturk
| 05-11-2015 15:48
Je dis à tous ceux qui critiquent ce ministre compétent et patriote et le traitent de différents noms (karakouz et j'en passe): "Honte à vous".
Qu'est-ce que vous voulez au juste?
Vous êtes pour le moindre effort et l'octroi de diplômes à qui le veut?
Le baccalauréat tunisien est devenu le diplôme des médiocres, et vous en êtes fiers?
Dans un pays où n'importe qui peut être "prof" ou "instit" il ne faut s'attendre à une formation à la scandinave!
Pour être "prof" ou "instit" il faut avoir des prédispositions psychologiques et pédagogiques avant tout, avoir le niveau requis et aimer sa profession.
Ces critères ne sont applicables que sur 20% du corps enseignant en Tunisie. Ils ont tous des fonctionnaires dont la seule préoccupation est l'augmentation de leur salaire et avoir le maximum de jours fériés (et s'il le faut des congés de "maladie").
A-t-on vu un jour des enseignants manifester parce qu'il ne sont pas d'accord avec tel ou tel programme? ou contre le recrutement de collègues pour des raisons politiques ou contre leur incompétence? Jamais...

Karakouz
| 05-11-2015 13:59
Ce Monsieur n'est pas sérieux. Il ne lit même pas les rapports que lui soumettent ses collaborateurs. Il multiplient les erreurs et fait de la démagogie. Les tunisiens ne sont pas dupes à ses man'uvres. C'est une arnaque totale.

wiem
| 05-11-2015 11:05
Les classes à double niveau sont très répondus au niveau de l'école maternelle et même élémentaire (l'équivalent de l'école primaire) en FRANCE, un pays développé, certes la manières d'enseigner est différente. Donc ce n'est pas absurde d'avoir une classe à double niveau.

moez
| 05-11-2015 08:16
Je me réjouis de voir enfin un ministre qui va droit au but et essaye d'être pragmatique, j'adhère parfaitement à l'action immédiate de cette reforme qui consiste à revoir les programmes en les centrant sur l'apprentissage des fondamentaux « lire, écrire, compter » bien sûr sans oublier l'informatique que fait partie de nos jours des fondamentaux .Les activités sportives et l'initiation aux pratiques artistiques doivent aussi refaire surface car il faut que notre école forme des individus de plus en plus créatifs et sain de corps et d'esprit.
BROVO Mr. le ministre et bon courage!

Adel
| 05-11-2015 06:57
....retourner aux fondamentaux « lire, écrire, compter »....

ces fondamentaux sont les fondamentaux de l'enseignement (atta3lim) mais ce n'est pas suffisant! les écoles doivent assurer l'éducation des futurs citoyens ....comment respecter l'autre....., comment faire la queue sans écraser les plus faible ....comment respecter la loi.....comment laisser sa place, sa classe, son école propre.... comment parler aux autres on n'étant pas d'accord et sans crier, sans imposer son avis par la force....comment discuter d'un sujet...comment accepter que son avis ne soit pas partagé par tous.....et la liste est longue

Tout ça ne se fait pas à travers des cours qu'on apprend par c'ur et qu'on restitue le jours de l'examen pour avoir une note. c'est une affaire d'éducation et non d'enseignement.

Ce n'est pas aussi uniquement l'affaire des parents, il faut que ce soit l'affaire de la société...et la société est là par le biais des écoles.

DHEJ
| 04-11-2015 21:48
Ignorant la notion du ministère public et de l'interdiction des manifestations sauf si elle obéissent à la loi N°69-4, il demande le soutien de la rue...

DHEJ
| 04-11-2015 21:38
Il doit commencer par réformer sa cervelle, plus d'autorité de l'état mais l'autorité du ministère public!!!


D'ailleurs l'école et tout le personnel qui y exercent font partis du public!


Mais bon est-il simple d'esprit manquant d'imagination alors il demande 5 ans...