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Répression des médias : que demande-t-on au juste des journalistes tunisiens ?
13/04/2023 | 10:51
7 min
Répression des médias : que demande-t-on au juste des journalistes tunisiens ?

 

Le régime de Kaïs Saïed continue son harcèlement des médias et des journalistes, soutenu en cela par une population avide de sang. Que demande-t-on exactement aux journalistes tunisiens ? 

 

Sous d’autres cieux, ils seraient remerciés comme des héros ayant servi l’intérêt public. Dévoiler les malversations d’un ministre et/ou la corruption d’un dirigeant ne peut être considéré que comme un service rendu à la communauté. C’est le cas de tous les journalistes exerçant dans les grandes démocraties et c’est pour cela que ces nations sont développées. Parce qu’elles estiment, à leur juste valeur, les représentants du quatrième pouvoir et leur poids dans la vie publique. 

En Tunisie, force est de constater que le rôle du journaliste est déconsidéré et méprisé que ce soit avant ou après la révolution. La situation a empiré après le putsch du 25 juillet 2021 et notamment après septembre 2022, date de la publication du décret 54 liberticide, considéré même comme fasciste par l’ancien juge Ahmed Souab.

Ce décret punit jusqu’à dix ans de prison toute atteinte et diffamation et c’est via ce décret que le régime intente des procès contre les journalistes qui le critiquent. 

Comble du culot et du paradoxe, le président de la République répète à l’envi qu’il respecte la liberté d’expression et qu’il n’y a aucun journaliste poursuivi pour ses opinions. Les faits le démentent et les exemples commencent à devenir nombreux. 

 

Premier journaliste à être poursuivi par le régime de Kaïs Saïed, Khalifa Guesmi, journaliste de Mosaïque FM, condamné à un an de prison en novembre dernier pour avoir dévoilé des informations et des données, concernant une opération antiterroriste en cours. Il a pourtant salué le travail des forces de l’ordre. Sa source, un commandant de la garde nationale, a écopé de trois ans de prison. 

Si M. Guesmi a été poursuivi sur la base de la loi antiterroriste, il n’en est pas de même pour Nizar Bahloul, directeur de Business News poursuivi d’après le décret 54 pour un article d’analyse faisant le bilan du gouvernement de Najla Bouden. La brigade criminelle l’a convoqué trois jours après la publication de l’article et la plainte déposée par la ministre de la Justice en personne.  

C’est sur la base de ce décret 54 que sont également poursuivis les journalistes Mohamed Boughalleb et Monia Arfaoui, suite à une plainte déposée contre eux par le ministre des Affaires religieuses. Il leur reproche des enquêtes d’investigation l’accablant. 

Le premier a dévoilé sur Cap FM comment le ministre a pris possession d’une BMW X6 indument confisquée par la Douane à un citoyen et la seconde a épinglé, dans un article dans le journal arabophone Assabah le supposé népotisme du ministre en rapport avec le pèlerinage à la Mecque. Pour mieux assaisonner sa plainte, le ministre les accuse d’association de malfaiteurs, alors que les deux ne se connaissent que de nom et ne se sont jamais rencontrés. Dix ans de prison pour un article d’analyse ou une enquête d’investigation, tous totalement factuels, on ne voit cela que dans les régimes despotiques répressifs. 

Ces cas restent cependant moins graves que ce qu’encourent Noureddine Boutar, directeur-fondateur de Mosaïque FM, et Karim Guellaty, actionnaire-administrateur de la société éditrice de Business News. Le régime les accuse, ni plus ni moins, de complot contre l’État avec, à la clé, une peine pouvant aller jusqu’à la perpétuité, voire l’échafaud. Bon à noter, il n’existe aucune preuve matérielle étayant les accusations d’un quelconque complot contre le régime. Mieux encore, les plaintes parlent de rencontre avec des diplomates et des étrangers, mais le parquet lui-même a disculpé les diplomates ! 

L’objectif de tous ces procès montés de toutes pièces, est l’intimidation de l’ensemble du corps médiatique, journalistes comme patrons de presse. Le régime prend tout simplement le chemin suivi par ses amis égyptien et algérien. 

S’il cherchait à rétablir une soi-disant vérité ou à répliquer aux accusations des médias, le régime se serait suffi d’un classique droit de réponse ou, au pire, d’un procès sur la foi du décret-loi 115-2011 relatif à la presse. 

Sauf que le régime a sciemment choisi de faire appel à ce décret spécifique quitte à tomber dans les vices de procédure. Bon à rappeler, la loi tunisienne est très claire, on ne peut évoquer une loi générale quand il y a une loi spécifique. Bon aussi à noter, la loi exige d’auditionner le plaignant avant d’auditionner les prévenus. Dans toutes les affaires citées, l’audition n’a touché que les prévenus. 

Ces intimidations et ces abus n’ont pas laissé insensibles les ONG, qu’elles soient nationales ou internationales. Le syndicat national des journalistes tunisiens est monté au créneau dès le premier jour, suivi par la Fédération tunisienne des journalistes et la Ligue tunisienne des droits de l’Homme. À l’international, Human Rights Watch et Reporters sans frontières multiplient les communiqués de dénonciation et de soutien. Plusieurs chancelleries occidentales suivent avec inquiétude les dossiers. 

 

En dépit des polémiques, le régime de Kaïs Saïed continue sa répression comme si de rien n’était, estimant qu’il n’a rien à se reprocher. 

Sur la foi de toutes ces intimidations, le journaliste Elyes Gharbi a posé une question essentielle, hier dans son émission Midi Show sur Mosaïque FM : « que veut exactement le régime, qu’est-ce qu’on demande au juste aux journalistes quand ils réussissent à dévoiler une malversation ou un acte de corruption ». « Se taire », lui a répondu ironiquement sur le plateau le chroniqueur Haythem El Mekki.  

La question touche l’ensemble de la société et non uniquement la corporation. Sa pertinence interpelle. Quand un journaliste réunit suffisamment de preuves sur une quelconque affaire, il n’a d’autre choix que de dévoiler le fruit de son travail au public. C’est la nature même de sa profession. Autrement, il perd toute raison d’exister. 

Quand le ministre des Affaires religieuses ou la ministre de la Justice intentent un procès contre un journaliste qui n’a fait que son travail, ils lui demandent tout juste de cesser de faire son travail. 

En réalité, le régime de Kaïs Saïed a une vision différente du métier de journaliste. Cette vision est anachronique et archaïque et rappelle l’époque soviétique avec son célèbre « Pravda ». 

Le journaliste doit être au service exclusif du régime, point à la ligne. C’est ainsi qu’il considère les journalistes et c’est à cette fonction qu’il a voué les organes médiatiques de l’État. L’agence de presse Tap, les deux chaînes publiques Wataniya 1 & 2, les dix radios publiques et les deux journaux La Presse et Assahafa sont devenus de véritables outils de propagande avec la complicité de plusieurs de leurs journalistes avides de servitude. Les quelques voix discordantes sont invitées au silence, voire censurées, comme c’était le cas de l’émission d’Amel Chahed sur RTCI ou celle de Jihen Alouane sur la Radio nationale. Le résultat est que ces médias publics ont tous fait l’impasse ou presque sur les répressions subies par les journalistes du privé et évitent, systématiquement, toute critique du régime. Pire encore, le quotidien La Presse a consacré huit colonnes à la une pour dire « Merci monsieur le président » au lendemain de la visite de ce dernier au siège du journal où il leur a ordonné de publier ses vieux articles. Ordre immédiatement exécuté, bien entendu. 

C’est ce genre d’articles et de presse que veut voir le régime et c’est ce que refusent les quelques médias privés restés indépendants. Par conséquent, ils sont intimidés par des procès et par des injures et menaces à la pelle des caciques du régime et ses aficionados. Curieusement, le parquet n’a jamais bougé pour sanctionner ces agissements. 

Du côté du parlement, nouvellement élu, la situation ne s’annonce guère meilleure. Les législateurs semblent prendre le même chemin que le pouvoir exécutif après l’interdiction d’accès aux médias privés à ses deux premières sessions. Après une grosse polémique, ils ont été autorisés à entrer, mais ils restent interdits d’accès au hall des députés là où ils peuvent interagir avec eux pour obtenir des informations croustillantes. Aux dernières nouvelles, on entend interdire les diffusions en direct des travaux du parlement. 

À la lumière de tout cela, le classement de la liberté de la presse, dressé annuellement par RSF, a dégringolé énormément la Tunisie se positionnant désormais au 73e rang. Parions que le pays dégringolera davantage cette année au vu de ce climat répressif imposé par le régime de Kaïs Saïed. 

S’adressant aux crédules de tous bords, ses partisans présenteront ce classement comme étant celui du niveau de la presse tunisienne, afin de déconsidérer encore et encore les journalistes tunisiens. Le régime n’est plus à une intimidation et un mensonge près. 

 

Raouf Ben Hédi 

13/04/2023 | 10:51
7 min
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Commentaires
Jamal
Et alors
a posté le 16-04-2023 à 18:02
BMW X6 , Allah Allah Monsieur Le Ministre du "religieux". Non seulement, comme on le sait, il ne pompe pas du pétrole dans son bureau, mais en plus, apparemment il s'occupe plus de son apparence physique et dans quelle voiture il va faire la prière qu'autre chose.
Djodjo
Aux moutons cretins incapable de gérer leurs frustrations
a posté le 14-04-2023 à 11:54
Alors nous dire que les journalistes doivent être neutre ça prouve juste que vous êtes encore des primitifs, des archaïques, on demande à un juge d'être objectif, un journaliste a le droit d'avoir une opinion ? Au état unis par ex, FOX NEWS est marqué comme républicain et CNN plutôt démocrate, ex, quand trump perd les élections les deux média donne l'information tels quels, ça c'est pour les faits, après question opinion, y'en à un qui va se féliciter de cette échec, l'autre le déplorer.

Les journalistes sont indispensables à une société évoluée, heureusement qu'il sont là, vous imaginez l'histoire du x6 du ministre nadhif des affaires religieuses serait resté inconnu s'il n'y avait pas eu les journalistes et surtout, qui pour contrôler et dévoiler les magouilles de nos politiques sans les journalistes ?

D'ailleurs, si ont suis kais dans ses delires, il pourra s'en passer des choses en Tunisie sans que personne ne soit au courant de quoique se soit.

hadou
ce qu'on leur demande est très simple....
a posté le 14-04-2023 à 09:29
on ne leur demande pas d'être patriote..mais tous simplement on leur demande de ne pas être traitre et mercenaire...
et c'est tellement difficile aux journalistes tunisiens de satisfaire cette demande....
Djodjo
En bougnoulerie
a posté le à 11:17
Tout est complot, traîtrise en bougnoulerie, le fonctionnement des primitifs n'est pas très compliqué, tu es d'accord avec moi, tu es un patriote, t'es contre moi, t'es un traitre, le primitif est là pour t'expliquer comment les gens doivent parler ou parler ?

La civilisation n'a pas encore atteint les primitifs qui forme le peuple de Kaïs, et en ce qui concerne la démocratie, n'en parlons même pas.



cvb123
Journaliste ?
a posté le 14-04-2023 à 08:51
lorsque je lis cet article, et je tombe sur cette phrase : "La situation a empiré après le putsch du 25 juillet 2021 ", j arrête la lecture, et je pose une simple question, est ce que l auteur de l article est un vrai journaliste censé de respecter la déontologie de la presse, ou juste un intru pseudo journaliste, un militant politique ?
Djodjo
@cvb133
a posté le à 11:24
Tiens, voilà un belle exemple de mouton cretin à la culture démocratique archaïque et à l'intelligence limitée.

Il y a bien eu putsch le 25 juillet et depuis Kaïs, la situation est pire.

Question piège aux primitifs, ou il y a traîtrise que de dire la vérité ? après que cette vérité ne vous plaisent pas c'est votre problème, apprenez à gérer vos frustrations au lieu de demander aux lucides du pays de se mettre à votre niveau.
cvb123
@Djodjo
a posté le à 14:38
attaquer et insulter les gens derriere les pseudos, c est très lâche et très mauvais, maintenant a votre conscience
Djodjo
Bla-bla-bla
a posté le à 21:50
Relis toi et médite longuement là dessus, c'est hallucinant de bêtise et va falloir m'expliquer comment c'est possible d'être aussi aveugle ? Hein, comment tu fais ?

Je te cite le sensible,

La situation a empiré après le putsch du 25 juillet 2021 ", j arrête la lecture, et je pose une simple question, est ce que l auteur de l article est un vrai journaliste

Donc pour toi la situation s'est améliorée depuis kais le clown ?

MH
@cvb123 bonjour
a posté le à 10:01
Je ne comprends pas ce qui ne va pas dans cette phrase : "La situation a empiré après le coup d'?tat du 25 juillet 2021".
Nous comprenons de cette phrase deux choses :
1- Qu'il y a eu un putsch le 25 juillet. Oui, c'est vrai, et personne ne peut le nier.
2- La situation après le 25 juillet est pire qu'avant cette date. C'est évident.
C'est de l'analyse de texte de niveau primaire. Un journaliste doit rapporter les évidences, et ne pas tomber dans la subjectivité, comme vous le dites si bien. Donc, on est bien d'accord.
cvb123
Bonjour
a posté le à 11:01
pour 1 " Qu'il y a eu un putsch le 25 juillet. Oui, c'est vrai, et personne ne peut le nier" je suis désolé mais la grande majorité le nie absolument, et il pense qu' il s agit bel et bien d une application constitutionnelle (article 80 de la constitution) de sauvetage des institutions et de l Etat, en revanche il y a aussi une minorité "élitiste" qui croit qu' il s agit d un putsch, et la le vrai journaliste ne doit pas entrer dans ce clivage politique, il doit juste être neutre comme un observateur
Djodjo
Tiens il s'enfonce cvb123
a posté le à 21:54
A quel moment dans la constitution sur lequel kais a prêté serment sur le coran de respecter parle de mette une dictature à la place de la démocratie, à quel moment t'es neurones décroches ?

C'est bien un putsch, Google est une belle invention pour les comme toi, tu peux t'y cultiver à moindre frais .
Taou
Media
a posté le 13-04-2023 à 23:09
Doctoura Ibrahim Chaibi
Vieille ecole
Rectificatif
a posté le 13-04-2023 à 23:07
On demande aux journalistes de maitriser d abord la langue dans laquelle ils ecrivent.On ne dit pas QUE DEMANDE -T- ON DES JOURNALISTES mais Que de demane-ton AUX journalistes...
veritas
On leur demande pas la lune .
a posté le 13-04-2023 à 15:40
ils doivent être intègre indépendant leur seule rôle de chercher la vérité et de n'être à la solde de personne ni à l'intérieur ni à l'extérieur du pays .
*********
Ce qu'on des des journalistes
a posté le 13-04-2023 à 14:16
De faire le travail correctement, d'être partial, sans propagande. La présentation doit être équilibrée des faits et des idées, et surtout dotée de sincérité.

Comment distinguer un vrai journaliste d'un faux qui tiendrait plus de militantisme du journaliste ?

Maintenant, peut-on être journaliste et militant en même temps ? C'est toute la question qui traverse le métier et la société. Où s'arrête le devoir de "neutralité" du journaliste ?
Voltaire
Journaliste tunisien
a posté le 13-04-2023 à 14:08
Comme si les journalistes tunisiens sont des anges et des honnetes!! La plupart des pseudo journalistes depuis 2011 sont finances par des etrangers et travaillent jour et nuit pour salir l image de la tunisie et des tunisiens.... Et c est quoi ce vocabulaire :"soutenu par une population avide de sang"
Sensei
Que veulent les journalistes?
a posté le 13-04-2023 à 12:14
Que les journalistes tunisiens cessent de se ridiculiser, en se comparant au 4 pouvoir des grandes democraties. Se vouloir etre le 4 pouvoir ca se merite, a travers un journalisme, professionnel, serieux, honnete, objectif autant que possible et surtout non partisan et independant. Ce sont ces criteres qui determinent la protection et la defense ou non, de l opinion publique de leur journalistes et de leur medias. En Tunisie, ce ne sont pas ces criteres qui guiden le travail journalistique. Nous avons un journalisme qui fait de la politique sous le couvert de journalisme, dont la ligne editoriale est determinee par les interets des oligarchies economiques, des partis politiques, du corpartivismes de la societe civile et non par le devoir d etre jaloux de la confiance du publique, a travers un journalisme credible, serieux et honnete. Non, le public tunisien n est pas avide de sang, il plutot totalement desinteresse du conflit des journalistes avec les autorites, parceque le journalisme tunisien a manque de faire un journalisme qui merite le respect des citoyens et qui les motiveraient a le defendre. Et sans soutien de l opinion les journalistes tunisiens ne gagner ont aucune bataille, surtout pas lorsqu on croit gagner contre l etat en faisant appel au soutien de l etranger. La question donc n est pas de savoir ce qu on veut des journalistes, la question est : que veulent les journalistes eux meme?
Djodjo
@sensei
a posté le à 12:54
Les journalistes ont le droit d'avoir une opinion, l'humanité en France est considéré comme d'extrême-gauche au état unis, CNN est considéré comme démocrate quand FOX NEWS est plutôt marqué à droite.

Interdire aux journalistes d'à voir une opinion est stupide et la preuve d'une culture démocratique pauvre.

Imaginons une Tunisie sans journaliste, demain les magouilles ne seront connu de personnes, d'ailleurs l'affaire du x6 du ministre nadhif a était sorti grâce à un journaliste.

La première contrainte d'un journaliste c'est de rapporter des faits, et toutes les catastrophes relevées par BN sont des faits, pas une opinion, après, que ça te plaise ou pas c'est ton problème.
Tunisino
On demande
a posté le 13-04-2023 à 11:07
On demande à tout le monde de se taire et laisser Saied en paix, peu importe ses dérapages et leurs conséquences fâcheuses sur le présent et le futur des tunisiens!