Chroniques
Turquie mon amour !
Par Marouen Achouri
Une décision d'une grande importance vient d'être prise au ministère de l'Education, le turc pourra être choisi en tant que troisième langue étrangère pour les examens du bac. Un soulagement pour les foyers tunisiens qui pourront désormais regarder les feuilletons turcs en streaming, sans être obligés d'attendre le doublage en arabe.
Il faut dire que les similitudes entre la Tunisie et la Turquie ne datent pas d'aujourd'hui. Après avoir fait partie, il y a des siècles, de la ribambelle de colonisateurs que notre pays a connus, la Turquie procède à une invasion d'ordre culturel, principalement au moyen de soap-opéras (feuilletons à l'eau de rose interminables) consommés frénétiquement par une partie des Tunisiens.
Par ailleurs, la Turquie semble profiter du savoir-faire tunisien en termes de censure sur internet. Erdogan devient allergique à la critique et se propose de couper les accès de son pays à Twitter et à Youtube. Bel exemple de démocratie et d'ouverture! Rappelons également la répression des manifestations de Taksim, l'implication de la Turquie dans le massacre syrien, etc.
Mais pourquoi devrions-nous apprendre le turc? La question est à poser au niveau des instances dirigeantes de la Tunisie. Cette décision avait été prise dans le cadre d'un accord de coopération entre les deux pays, signé il y a quelques mois. « Je te prête de l'argent, tu apprends ma langue! ». Cette stratégie de "colonisation" culturelle est appliquée également par la Chine dans plusieurs pays africains. Ces derniers sont inondés de feuilletons et de films chinois dont le but est double : mieux faire accepter la présence chinoise à la population locale dans ces pays, d'un côté, et décrire la Chine comme un véritable eldorado, de l’autre. Rapporté à la Tunisie, on peut déjà dire que le deuxième objectif est accompli. Plusieurs personnes croient dur comme fer que la Turquie ressemble à ce qu'on voit dans les feuilletons. De belles maisons, de grosses fortunes, de jolies femmes et des hommes qui font saliver nos ménagères. Pour s'en assurer, il suffit de tenter la périlleuse opération de changer de chaîne au moment du passage d'un célèbre feuilleton turc transmis par Nessma. Les regards assassins se multiplient et des personnes de différents âges vous font clairement comprendre que votre tentative sera classée sans suite et qu'il serait préférable de ne plus recommencer.
En général, intégrer une langue étrangère dans l'enseignement d'un pays est une décision qui ne se prend pas à la légère. On doit considérer d'abord l'intérêt pratique de l'apprentissage de cette langue comme on le fait pour l'anglais ou le français. Par la suite, il s'agit de considérer l'intérêt politique d'une telle décision car enseigner la langue d'un autre pays revient à signifier un certain rapprochement avec celui-ci.
Ces données prises en compte, est-il de l'intérêt de la Tunisie de signifier un rapprochement avec la Turquie? Longtemps vendue aux Tunisiens comme un modèle à suivre, la Turquie périclite dans un accès répressif envers sa population. Des journalistes en prison, des scandales de corruption à profusion, des actes de répression contre des manifestants…la Turquie est loin de représenter un modèle pour la Tunisie. L'inverse serait plus vrai, malgré les heures de feuilletons produites par les turcs.
Toutefois, la décision d'apprendre le turc dans nos lycées peut avoir un soupçon d'intérêt si on considère que le shopping fait par les Tunisiens dans ce pays en sera plus facilité. Ce sera plus commode de marchander si on maitrise la langue locale. A part ça, il ne faut pas perdre de vue le fait que la Turquie est différente de l'image qu'elle tente de vendre en Tunisie. C'est une remarque bête de premier abord car il est évident que la réalité n'est pas ce qu'on voit à la télévision mais c'est une remarque utile quand même.
La Turquie n'est donc pas un modèle pour la Tunisie et Erdogan est loin de l'image d'un dirigeant mesuré qui a su conserver l'islamisme de son parti dans une sphère acceptable. Ceux qui avaient claironné que les écrits de Rached Ghannouchi avaient servi d'inspiration pour bâtir le "modèle" turc se cachent aujourd'hui. Devant la dérive autoritaire du grand vizir turc, il ne fait pas bon de rappeler les liens étroits qu'entretient le parti Ennahdha avec l'AKP, le parti d'Erdogan.
Ce qui se passe actuellement en Turquie met définitivement fin à l'idée selon laquelle la Tunisie aurait des leçons à recevoir des descendants de l'empire ottoman. Erdogan se lance dans une bataille perdue d'avance contre Twitter et Youtube. Peut-être que ce sera la Tunisie qui servira de modèle au premier ministre turc et qu'il se fendra, dans quelque temps, d'un désormais célèbre, "fhemtkom" (je vous ai compris)*.
* prononcé lors du dernier discours de l’ancien président Ben Ali, le 13 janvier 2011.
Une décision d'une grande importance vient d'être prise au ministère de l'Education, le turc pourra être choisi en tant que troisième langue étrangère pour les examens du bac. Un soulagement pour les foyers tunisiens qui pourront désormais regarder les feuilletons turcs en streaming, sans être obligés d'attendre le doublage en arabe.
Il faut dire que les similitudes entre la Tunisie et la Turquie ne datent pas d'aujourd'hui. Après avoir fait partie, il y a des siècles, de la ribambelle de colonisateurs que notre pays a connus, la Turquie procède à une invasion d'ordre culturel, principalement au moyen de soap-opéras (feuilletons à l'eau de rose interminables) consommés frénétiquement par une partie des Tunisiens.
Par ailleurs, la Turquie semble profiter du savoir-faire tunisien en termes de censure sur internet. Erdogan devient allergique à la critique et se propose de couper les accès de son pays à Twitter et à Youtube. Bel exemple de démocratie et d'ouverture! Rappelons également la répression des manifestations de Taksim, l'implication de la Turquie dans le massacre syrien, etc.
Mais pourquoi devrions-nous apprendre le turc? La question est à poser au niveau des instances dirigeantes de la Tunisie. Cette décision avait été prise dans le cadre d'un accord de coopération entre les deux pays, signé il y a quelques mois. « Je te prête de l'argent, tu apprends ma langue! ». Cette stratégie de "colonisation" culturelle est appliquée également par la Chine dans plusieurs pays africains. Ces derniers sont inondés de feuilletons et de films chinois dont le but est double : mieux faire accepter la présence chinoise à la population locale dans ces pays, d'un côté, et décrire la Chine comme un véritable eldorado, de l’autre. Rapporté à la Tunisie, on peut déjà dire que le deuxième objectif est accompli. Plusieurs personnes croient dur comme fer que la Turquie ressemble à ce qu'on voit dans les feuilletons. De belles maisons, de grosses fortunes, de jolies femmes et des hommes qui font saliver nos ménagères. Pour s'en assurer, il suffit de tenter la périlleuse opération de changer de chaîne au moment du passage d'un célèbre feuilleton turc transmis par Nessma. Les regards assassins se multiplient et des personnes de différents âges vous font clairement comprendre que votre tentative sera classée sans suite et qu'il serait préférable de ne plus recommencer.
En général, intégrer une langue étrangère dans l'enseignement d'un pays est une décision qui ne se prend pas à la légère. On doit considérer d'abord l'intérêt pratique de l'apprentissage de cette langue comme on le fait pour l'anglais ou le français. Par la suite, il s'agit de considérer l'intérêt politique d'une telle décision car enseigner la langue d'un autre pays revient à signifier un certain rapprochement avec celui-ci.
Ces données prises en compte, est-il de l'intérêt de la Tunisie de signifier un rapprochement avec la Turquie? Longtemps vendue aux Tunisiens comme un modèle à suivre, la Turquie périclite dans un accès répressif envers sa population. Des journalistes en prison, des scandales de corruption à profusion, des actes de répression contre des manifestants…la Turquie est loin de représenter un modèle pour la Tunisie. L'inverse serait plus vrai, malgré les heures de feuilletons produites par les turcs.
Toutefois, la décision d'apprendre le turc dans nos lycées peut avoir un soupçon d'intérêt si on considère que le shopping fait par les Tunisiens dans ce pays en sera plus facilité. Ce sera plus commode de marchander si on maitrise la langue locale. A part ça, il ne faut pas perdre de vue le fait que la Turquie est différente de l'image qu'elle tente de vendre en Tunisie. C'est une remarque bête de premier abord car il est évident que la réalité n'est pas ce qu'on voit à la télévision mais c'est une remarque utile quand même.
La Turquie n'est donc pas un modèle pour la Tunisie et Erdogan est loin de l'image d'un dirigeant mesuré qui a su conserver l'islamisme de son parti dans une sphère acceptable. Ceux qui avaient claironné que les écrits de Rached Ghannouchi avaient servi d'inspiration pour bâtir le "modèle" turc se cachent aujourd'hui. Devant la dérive autoritaire du grand vizir turc, il ne fait pas bon de rappeler les liens étroits qu'entretient le parti Ennahdha avec l'AKP, le parti d'Erdogan.
Ce qui se passe actuellement en Turquie met définitivement fin à l'idée selon laquelle la Tunisie aurait des leçons à recevoir des descendants de l'empire ottoman. Erdogan se lance dans une bataille perdue d'avance contre Twitter et Youtube. Peut-être que ce sera la Tunisie qui servira de modèle au premier ministre turc et qu'il se fendra, dans quelque temps, d'un désormais célèbre, "fhemtkom" (je vous ai compris)*.
* prononcé lors du dernier discours de l’ancien président Ben Ali, le 13 janvier 2011.
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