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Tunisie - Ennahdha croise le fer avec le Quartette

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L’UGTT a dû se résoudre à annoncer sa position finale et à désigner le parti d’Ennahdha comme étant le principal « metteur de bâtons dans les roues » du dialogue national sur la base de l’initiative de l’UGTT soutenue par les trois organisations nationales, l’UTICA, la LTDH et le Conseil de l’Ordre des avocats.
Ennahdha a répliqué en campant sur ses positions, faisant monter ainsi, l’escalade en accusant la centrale syndicale, et tout le quartette, de partialité et en menaçant de recourir à d’autres options, comme l’a clairement mentionné Rafik Abdessalem. Ce qui laisse entendre que le bras de fer final est engagé et que la semaine sera très chaude, voire décisive pour l’avenir politique et sécuritaire de la Tunisie.
L’initiative de l’UGTT, devenue celle des quatre organisations parrainant le dialogue, a essuyé, d’abord, un rejet catégorique notamment par Ali Laârayedh en personne, avant de faire l’objet de tergiversations en passant par les fausses acceptations et autres manœuvres dans le but évident de gagner du temps, de faire estomper les ardeurs et d’imposer, de fait, le statu quo.
Et en dépit des manifestations gigantesques et des sit-in en continu au Bardo, les Nahdhaouis et la Troïka ont fait la sourde oreille qualifiant ces mouvements d’insignifiantes, l’essentiel étant qu’ils restent au pouvoir. Au diable l’intérêt supérieur de la patrie !
Au nom d’une légitimité, périmée depuis le 23 octobre 2012, la Troïka veut s’éterniser au pouvoir. Et maintenant qu’une majorité écrasante des partis politiques et des composantes de la société civile s’accordent à qualifier la situation politique, économique, sociale et sécuritaire de catastrophique, à cause, notamment, de l’échec du gouvernement en place dans la gestion des affaires du pays, Ennahdha et ses compagnons s’entêtent à vouloir se maintenir là où ils sont.
D’un côté, le quartette et les partis démocrates semblent déterminés à aller jusqu’au bout et à en finir avec le blocage dans les meilleurs délais, voire d’ici la fin de cette semaine. De l’autre, la Troïka, plus précisément Ennahdha, affiche ses hostilités et déclare, sans ambigüité, que « si l’UGTT veut nous imposer ses conditions, nous allons recourir à d’autres options », selon les propres termes de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Rafik Abdessalem, qui a fait une apparition surprise lors de la conférence de presse tenue par Ennahdha, aujourd’hui lundi 23 septembre 2013.
Pourtant, la présence à ce point de presse de Rached Ghannouchi, guide du mouvement islamique tunisien, était annoncée à cor et à cri. Ce faux bond est interprété différemment selon les points de vue. Certains y voient une manière de prendre du recul et de se prononcer, par la suite, selon les réactions enregistrées par les divers protagonistes. D’autres parlent de divergences au sein de la classe dirigeante du parti d’Ennahdha.
En tout état de cause, la guerre est déclarée entre les deux clans, celui de l’opposition démocrate et celui au pouvoir, mais personne ne peut en prévoir l’issue. Un constat s’impose, toutefois : Ennahdha, acculé dans ses derniers retranchements, semble avoir opté pour l’escalade et la fuite en avant face à l’opposition et à la puissante centrale syndicale qui a toujours su obtenir gain de cause dans les situations délicates en faisant pencher la balance du côté de ses partisans.
Les observateurs sont, d’ailleurs, persuadés que cette fois-ci, encore, l’UGTT est en mesure de faire pencher la décision en faveur du « clan démocrate » surtout que les derniers bruits en provenance de l’institution sécuritaire laissent prévoir que les hauts cadres intègres du département de l’Intérieur ne comptent pas rester pas les bras croisés face à la détérioration de la situation générale dans le pays.
En effet, certaines sources bien informées n’écartent pas l’éventualité d’un soulèvement du personnel sécuritaire qui ne tolère plus les crises au sein du ministère et le flou politique qui règne dans le pays.
Cette éventualité est évoquée au vu de l’atmosphère générale au sein du ministère actuellement et qui rappelle celle qui a précédé « le coup d’Etat sécuritaire contre l’ancien président Ben Ali ». Ira-t-on jusque-là ?
La question mérite d’être posée si l’on relève les récents bras de fer entre la justice et des hauts cadres du ministère de l’Intérieur avec la « dérobade » inédite et inexpliquée du juge d’instruction lors des interrogatoires de deux hauts responsables de l’Union des syndicats des forces de sécurité.
A cela on ajoute la multiplication des fuites et autres déclarations accusatrices impliquant des cadres du ministère de l’Intérieur qualifiés comme faisant partie d’une armada de nouveaux recrutés par Ali Laârayedh et les dirigeants d’Ennahdha, ce qui a fait dire à certains qu’un circuit sécuritaire parallèle existe bel et bien au sein du ministère le plus sensible du gouvernement.
Toutes ces péripéties laissent entendre qu’Ennahdha a engagé le dernier round des hostilités contre les forces démocrates ayant pour chef de file l’UGTT et qu’il croise, désormais, le fer avec la plus prestigieuse des organisations qui a toujours eu un rôle déterminant et crucial dans la dynamique nationale du pays.
Des analystes sont allés jusqu’à dire que le parti de Ghannouchi est entrain de jouer avec le feu car, politiquement, il s’est mis, d’abord, sur le dos l’ensemble des forces démocratiques, ce qui le met en position de faiblesse même vis-à-vis de l’opinion publique internationale.
Ensuite, par son comportement hégémonique sur l’institution sécuritaire, il a fini par se la mettre sur le dos la rendant « non garantie » comme le souhaitait M. Ghannouchi.
Et enfin, l’Armée est connue pour son esprit républicain et pour son soutien au peuple, lorsque les circonstances l’exigent.
Autrement dit, en voulant tout accaparer et en voulant tout mettre en place pour rester indéfiniment au pouvoir, les islamistes pourraient tout perdre. N’est-ce pas ce qu’ont voulu faire les Morsi et les Frères musulmans en Egypte, pourtant de loin plus puissants et plus « légitimes » qu’Ennahdha et ses dirigeants? On voit bien jusqu’à quel point sont-ils tombés en l’espace de même pas trois mois…
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