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Reportage dans les régions défavorisées de la Tunisie : Des promesses et des colères

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Sous proposition de Hamadi Jebali, chef du gouvernement provisoire, des délégations ministérielles partent, tous les deux jours, en visite dans trois régions différentes du pays.
L’objectif étant de toucher de plus près les problèmes des habitants des régions concernées, d’essayer de les résoudre et surtout de leur proposer le programme économique du gouvernement relatif à leur région.
La journée du mardi 29 mai 2012 a été dédiée aux deux gouvernorats de Kairouan et du Kef. Le troisième voyage, celui de Gafsa, a été reporté à une date ultérieure.
Au Kef, la délégation gouvernementale n’a pas eu le temps de présenter son programme aux habitants vu que ces derniers ont accueilli le cortège par des jets de pierres. C’est ce que nous ont confié nos collègues, présents sur les lieux.
Selon leurs dires, les habitants de la région étaient furieux contre le gouvernement et traitaient ses membres de « menteurs ».
La visite à Kairouan était différente. La délégation était présidée par Abdellatif Mekki, ministre de la Santé publique et composée de Abdelwaheb Maâtar, Mohamed Salmane, Abderrahmen Ladgham, Habib Khemili, Noureddine Kaâbi, Abou Yaâreb El Marzouki, respectivement ministre de l’Emploi, de l’Equipement, ministre chargé de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, secrétaire d’Etat du ministère de l’Agriculture, conseiller auprès du chef de gouvernement chargé des Affaires économiques et conseiller auprès du chef du gouvernement chargé de la Culture et de l’Education.
Une réunion s’est tenue à cette occasion avec les représentants de la société civile, les syndicalistes et certains citoyens de la région, en présence d’Abdelmajid Laghouan, gouverneur de la ville.
Abdellatif Mekki, président de la délégation, avait apporté dans sa mallette des projets d’investissement d’une valeur de 227 millions de dinars, dont ceux programmés avant 2011 et interrompus du fait de la révolution, avec un coût s’élevant à 191 MDT.
« Les projets que nous avons programmés pour Kairouan s’élèvent à 423 MDT, seulement le budget de l’Etat ne permet pas une telle dépense sur seulement un an. Nous décaissons immédiatement 227 MDT et nous proposons la poursuite du développement sur les années à venir », souligne le ministre.
Les projets proposés se détaillent comme suit : Pour le secteur de la santé, le gouvernement a programmé l’unification des deux hôpitaux régionaux de la ville vu que le coût global de leur aménagement, chacun à part, s’élève à 5 millions de dinars.
Pour ce qui concerne l’infrastructure, les différentes délégations de la ville, dont précisément celle d’El Âla (considérée comme la plus pauvre du pays), souffrent sévèrement du manque d’infrastructure routière et d’eau potable.
Pour remédier à cette situation, plusieurs projets sont programmés pour la région, dont notamment celui de l’autoroute reliant Enfidha à Kairouan qui résoudra le problème de déplacement à l’intérieur de la région.
Concernant le secteur touristique, le gouvernement a opté pour le développement du tourisme islamique, culturel et écologique. En effet, Abdellatif Mekki n’a pas omis de rappeler que la Tunisie est un pays musulman et que Kairouan a longtemps été un important centre islamique de l'Afrique du Nord musulmane, et doit le rester. Dans ce cadre, dit-il, il est important de mettre en place les moyens nécessaires pour promouvoir le tourisme culturel et islamique dans la région.
L’enseignement du Coran et des principes fondamentaux de l’Islam doit aussi être consacré dans cette capitale islamique, selon lui.
« Cette région dispose aussi de plusieurs zones écologiques et naturelles qui peuvent booster le tourisme écologique dans la région », ajoute le ministre.
Concernant le secteur agricole, Abdellatif Mekki a annoncé que compte tenu de l’importance de la branche de production de viandes rouges et produits laitiers, une grande part du budget alloué à l’agriculture sera consacrée à la promotion de ce secteur.
Même chose pour le secteur minier qui représente un réel potentiel et qui a longtemps été délaissé par les autorités tunisiennes, selon le ministre.

« C’est tout ce que le gouvernement peut dépenser lors de son court mandat », précise, de son côté, Abdelwaheb Maâter tout en insistant sur le fait que le gouvernement est provisoire et qu’il aura besoin d’au moins quatre ans pour tout mettre en place. « Tout le monde doit jouer son rôle : le gouvernement, la société civile et le citoyen », souligne le ministre.
« On ne peut pas créer des emplois en un clin d’œil » ajoute-t-il en rappelant que la création d’emploi n’est pas du ressort du ministère de l’Emploi.
Une phrase qui a suscité l’énervement d’un groupe de citoyens participant à la réunion et qui ont dû attendre des heures devant le siège du gouvernorat avant de pouvoir entrer, car la participation était sur invitation. « Si ce n’est pas votre rôle, alors à quoi ça sert l’existence d’un ministère de l’Emploi ? », s’est interrogé l’un d’entre eux.

Un autre groupe se révolte. Il s’agit de l’association des chômeurs de la région. « Nous venons toutes les semaines depuis des mois, pour rencontrer le gouverneur et lui faire part de nos problèmes et demandes, mais on nous dit toujours qu’il n’est pas là. On veut, au moins, qu’il nous consacre un peu de son temps », réclame l’un d’entre eux.
Faisant la sourde oreille, M. Maâter a profité de son temps d’intervention pour rappeler, tout comme l’a fait le chef de la délégation au début de la réunion, les « failles » du gouvernement de Béji Caïd Essebsi qui « n’a rien fait pour résoudre le problème du chômage et qui a, cependant, choisi de piocher dans le budget de l’Etat pour donner aux chômeurs une prime mensuelle qui ne sert à rien ».
A ces propos, les réactions convergent dans un seul sens. Un grand nombre d’habitants de la région n’ont, en effet, aucune confiance dans les promesses du gouvernement. Une fille voilée, professeur de français, au chômage depuis cinq ans, exprime son désespoir : « Au moins avant, j’avais l’espoir de réussir mon Capes et de travailler un jour », déclare-t-elle.
Deux jours après, parmi les trois destinations programmées, nous avons visité Médenine en compagnie de Ridha Saïdi, ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des dossiers économiques, Slim Ben Hmidane, ministre des Domaines de l'Etat, Mohamed Salmane, ministre de l'Equipement, Samira Maraï Friâa, députée à la constituante pour le parti républicain, Sassi Hammami, secrétaire général au ministère du Transport, Nizar Alaya, représentant de la présidence du gouvernement, Mohamed Akacha, directeur régional de l’équipement.
Ridha Saïdi a exposé, après une brève présentation des difficultés que connaît le gouvernorat de Médenine, le programme du gouvernement lors d’une réunion tenue au siège de l’Institut des régions arides situé à 23 kilomètres du gouvernorat de Médenine.
Un grand nombre de citoyens et représentants de la société civile étaient au rendez-vous dont l’association des chômeurs de Médenine. Les membres de cette association portaient des brassards rouges en signe de protestation contre les demandes d’augmentation de salaires dans tous les secteurs d’activité.
Selon Ridha Saïdi, la part de Médenine dans le budget de l’Etat défini dans la Loi de finances complémentaire est de 319 millions de dinars dont 158 MDT sont alloués à la seule délégation de Beni Khedech.
Malgré leur importance, théoriquement, ces projets n’ont pas su calmer les esprits dans la région. En effet, et particulièrement pour le cas des habitants de la délégation de Beni Khedech, située à 25 KM de Médenine, une grève générale est observée depuis le 31 mai.
Cette grève se poursuit en dépit de la visite de Abdelwaheb Maâter et Slim Ben Hmidane dans la région.
Notons que les journalistes ont été empêchés de suivre les deux ministres dans la région sous prétexte que la zone manque de sécurité, surtout pour les femmes.
Nous avons, tout de même pu rejoindre le cortège, près d’une heure après où nous avons eu la possibilité de rencontrer les sit-inneurs, furieux contre un gouvernement qu’ils traitent de « menteur ».
Selon un des sit-inneurs, les ministres ne sont là que pour préparer la campagne électorale de la saison prochaine.
La présence de M. Maâter a été négative puisqu’à chaque fois qu’il intervenait, des voix s’élevaient, pour le huer et protester contre ses propos. Pourtant, indifférent et insensible à la colère des manifestants, il persistait à continuer son speech.
Une région dont les habitants souffrent du manque des moyens de transport, de la quasi-inexistence de l’eau potable et de l’emploi.
Zeyneb Dridi
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