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Tunisie - Elections à l'université : La jeunesse donne l'exemple

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Au-delà des spéculations sur les chiffres et des manipulations de statistiques concernant les résultats des élections des représentants des étudiants aux conseils scientifiques, personne ne peut contester que la tendance démocrate, tous courants confondus, représente un poids consistant à l’université, égal ou plus important que celui des islamistes.
Les vidéos montrent que cette tendance est parvenue à rallier à sa cause de nombreuses étudiantes voilées qui participaient aux chants de victoires des candidats de l’UGET dans les établissements universitaires. Cette présence montre que les démocrates sont parvenus à dépasser leurs divisions et à paraître comme la force d’unité face à l’UGTE, plutôt isolationniste, malgré ses grands moyens et son discours se voulant rassembleur. Que doit-on lire derrière ces résultats ?
Commençons d’abord par les statistiques. Le ministère de l’Enseignement supérieur a déclaré que 485 sièges dans des conseils scientifiques de 188 établissements universitaires ont été occupés par des étudiants. Le taux de participation s’est élevé à 20 %.
Pour les candidatures et si on se réfère à quelques annonces des uns et des autres, faute de précisions de la part des services du ministère, l’UGET a annoncé avoir été dans 120 établissements alors que l’UGTE ne s’est présentée que dans 99 établissements. Des étudiants indépendants se sont également portés candidats dans plusieurs autres établissements.
Quant aux résultats, une petite remarque d’abord et que les gens de l’UGTE m’excusent. Ils ont déclaré avoir obtenu 152 élus sur les 300 possibles, soit 51, 66 %, selon eux. Là, ils ont commis une double faute. D’une part, ce n’est pas correct d’omettre du compte les 188 places restantes où l’UGTE ne s’est pas présentée. On n’analyse pas de cette façon un score électoral. L’UGTE s’est donc présentée pour 61 % des sièges pourvus et elle a obtenu 152 sièges, soit 31 % des sièges à pourvoir. D’autre part, 152/300, c’est 50,66 %, non 51,66 % et là, c’est une erreur primaire de calcul.
Pour l’UGET, elle serait donc présente dans 63 % des établissements et aurait réussi à remporter 36 % du total des sièges. Il y aurait donc, selon ce calcul, 158 étudiants indépendants qui seraient présents dans les conseils scientifiques pour représenter leurs collègues.
Un autre chiffre est important à relever. Le ministère a indiqué que le taux de participation n’est que de 20 %, en essayant semble-t-il de minimiser la portée de ces élections. Or, si l’on sait que l’université compte plus de 360.000 étudiants, cela veut dire que près de 72.000 étudiants ont participé à ces élections. Et si l’on sait aussi qu’un jeune sur trois de la tranche d’âge 20 – 24 ans se trouve à l’université, cela veut dire aussi que les participants à ces élections représentent 7 % de cette tranche d’âge, ce qui représente statistiquement un échantillon très représentatif.
La portée des résultats est d’autant plus significative qu’Ennahdha accorde une grande importance à l’action parmi la jeunesse. Le plus modéré des Nahdhaouis, Abdelfattah Mourou, n’a-t-il pas dit à «Mawleh» Wajdi Ghenim que les islamistes travaillent «pour disséquer les liens entre la jeunesse et leurs parents». Il lui a même affirmé qu’ils avaient «réussi à s’implanter chez la jeunesse». Donc, ce résultat va ébranler le mouvement islamique, bien qu’il ne le dise pas. Cela veut dire que quelques jeunes amateurs ont pu se déjouer d’une structure organisée.
Le résultat est d’autant plus révélateur que c’est un test grandeur nature : 72.000 étudiants ! Dommage Cheikh Mourou ! Les scores auprès de cette tranche d’âge n’ont pas montré qu’Ennahdha est plus implanté parmi cette jeunesse qu’ailleurs dans la société. Mieux encore, si l’on compare les moyens des uns et des autres, il est clair que la volonté et le cran des démocrates l’ont largement emporté sur le réseau d’Ennahdha. Mais, il ne faut pas lâcher prise. Cette victoire méritée peut s’avérer éphémère. Les nahdhaouis vont certainement se mettre à travailler jour et nuit pour rattraper leur retard. Les «démocrates» n’ont donc pas intérêt à se reposer sur leurs lauriers.
Par ailleurs, il est important de comprendre l’impact de la conjoncture sur les résultats de ces élections. Cet événement s’est déroulé une semaine après l’incident du rabaissement du drapeau par un salafiste à la Manouba. L’UGET a réagi très vigoureusement à cet incident et les étudiants l’ont suivi, alors que l’UGTE a préféré ne pas trop s’impliquer, à l’image du gouvernement et du Mouvement Ennahdha. L’UGET a donc bénéficié de ce raz-de-marée de la défense du drapeau.
En plus, et en rapport avec les incidents créés par les salafistes, une bonne majorité d’étudiants considèrent qu’Ennahdha est complaisante avec eux. Ainsi, l’UGTE a payé les pots cassés du gouvernement pendant ses trois premiers mois.
L’UGET a bien gagné, de manière significative, ces élections. C’est aussi une démonstration pratique à ces démocrates qui n’arrêtent pas de se chamailler. La jeunesse leur a indiqu » le chemin à suivre.
Mounir Ben Mahmoud
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