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Tunisie – Quand le gouvernement cède à la compétition et le vagabondage des syndicats

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Les Tunisiens ont été soulagés jeudi matin de voir le métro circuler « normalement ». La veille, ils ont passé une journée difficile à cause de la grève surprise déclenchée par les agents de la Transtu, la compagnie de transport de la ville de Tunis.
Les raisons de cette grève : soutenir leur collègue, un conducteur de rame qui a été impliqué dans un accident mortel le 21 juillet courant et qui a été placé depuis, en détention préventive. Les grévistes réclamaient, ni plus ni moins, l’élargissement de leur collègue, chose qui a été faite mercredi après-midi ce qui a permis la levée de la grève et la reprise du trafic du métro et de la ligne TGM.
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement cède aux exigences des grévistes. D’autres précédents existent, notamment les cas de Tunisie Telecom et de Tunisie Catering.
On nous apprend aussi que les agents de la société Tunisie catering ont levé leur grève qui s’est étalée sur pas moins de trois mois après la signature d’un accord avec la direction de Tunisair permettant leur intégration dans la compagnie aérienne nationale. Bien entendu, les grévistes ont été payés durant la période de leur grève, contrairement à toutes les lois en vigueur dans le monde, mais la compagnie a perdu cinq millions de dinars sans compter les pertes indirectes.
Dans ces deux cas, les grévistes étaient encadrés par la fédération de transport de l’UGTT chapeautée par l’incontournable et inamovible Mokhtar El Hili.
Ce n’est pas le cas du rassemblement annoncé pour jeudi au siège de l’Office national de la Poste. Les contestataires ne sont pas membres de l’UGTT mais de l’Union des travailleurs de Tunisie, l’une des deux nouvelles centrales syndicales qui ont vu le jour après la révolution et qui veulent entrer en compétition avec la centrale syndicale historique.
Ces contestataires rejettent le mouvement annoncé des chefs des représentations commerciales de la Poste et ont appelé les concernés à ne pas faire la passation et de ne pas quitter leurs logements de fonction.
On citera, également bien entendu, la grève longue de plus d’un mois à Tunisie Telecom pour des revendications inhabituelles et au cours de laquelle l’entreprise a perdu énormément d’argent, a pris un coup dur pour son image de marque et du retard par rapport à ses concurrents directs.
On pourrait dresser une liste beaucoup plus longue des mouvements sociaux enregistrés durant la période passée et qui posent problème. On s’est limité à ces quatre cas parce qu’ils sont révélateurs d’un état d’esprit et caractéristiques d’une déviation dans les rapports sociaux qu’il devient urgent de corriger.
D’abord, il est temps que tout le monde s’accorde à respecter la loi. Un mouvement social, même si nul ne conteste sa légitimité, doit s’organiser en ménageant les autres parties notamment les usagers pour ne pas les prendre en otage.
Ce n’est ni productif ni moral. Les Tunisiens qui ont été privés de transport public mercredi 27 juin n’ont pas à subir la solidarité d’employés d’un service public avec leur collègue au détriment du service public lui-même. En plus, une grève est une situation de crise, suffisamment importante pour être bien préparée et bien gérée.
C’est pourquoi elle doit être précédée par un préavis qui aide à l’organisation d’un mouvement social, à sa bonne gestion et accorde un dernier délai pour arriver à un consensus.
Par contre, une grève sauvage ferme la porte de la négociation et bloque encore plus la situation.
Dans le cas de la grève des employés du métro, la situation s’est débloquée uniquement parce que le conducteur de rame a été libéré par le juge d’instruction.
Et surtout, comment ne pas croire que le débrayage de ses collègues était pour quelque chose. Ce qui est puéril et dangereux parce qu’il insinuerait que la justice a été mise sous pression dans un dossier somme toute anodin à un moment où elle se prépare à ouvrir des dossiers d’une importance beaucoup plus grande avec des possibilités théoriques d’interférences beaucoup plus réelles.
En plus, la situation de compétition entre l’UGTT et les nouvelles officines syndicales ne doit pas devenir un motif supplémentaire de dégradation du climat social. L’UGTT, en principe, a les moyens et l’expérience pour éviter de tomber dans ce piège. Visiblement ce n’est pas le cas des autres centrales syndicales. L’appel au rassemblement au sein de l’office de la Poste présente tous les signes d’une surenchère syndicale.
En effet, à quoi servent des dirigeants d’entreprises sinon à placer les cadres et les collaborateurs en général à des postes qu’ils jugent conformes à leurs profils et à leurs compétences ? On aurait compris si le comité d’entreprise de la Poste avait réclamé son droit à être consulté, mais ce n’est sûrement pas le rôle d’un syndicat de contester des décisions qui font partie des prérogatives souveraines d’une direction.
Cette anomalie s’expliquerait donc par le fait que nous n’avons pas été préparés à gérer une situation de pluralisme syndical, que la révolution est passée par là et que la faiblesse et le laxisme du gouvernement ont fait que chacun se permet de scander à sa guise le mot magique « dégage » parfois à bon escient, souvent de travers.
Pour n’avoir pas su ou n’avoir pas pu réagir à temps face à ces dérapages, le gouvernement a encouragé des comportements sociaux malsains et une attitude de vagabondage syndical qui met aujourd’hui à mal l’ensemble de l’économie de notre pays.
Alors qu’il ne cesse de nous marteler les oreilles avec son concept fétiche du prestige de l’Etat « haibatou al dawla », le Premier ministère encourage des grévistes à éterniser leurs mouvements sociaux en leur débloquant leurs salaires, mettant en péril l’existence même de leurs entreprises.
Les chiffres sont malheureusement têtus. La grève des employés de Tunisie catering s’est soldée par une perte directe de cinq millions de dinars. Celle des employés de Tunisie Télécom, qui a ouvert la porte aux grèves « longue durée », fait qu’aujourd’hui, la valeur de l’entreprise a chuté de soixante dix pour cent. Qui sait à combien s’élèvera la facture du débrayage de l’aéroport de Monastir ?
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