Dans un livre d’entretiens avec le chercheur français Vincent Geisser publié par Cérès éditions, le militant et homme politique tunisien Moncef Marzouki nous livre une analyse du phénomène de dictature dans le monde arabe et des possibilités d’évolution vers la démocratie.

Les entretiens ont été effectués avant les révolutions tunisienne et égyptienne. La part belle a donc été faite au diagnostic des dictatures arabes qui, jusqu’à 2010, étaient le lot commun de notre région. Une sorte de « réquisitoire contre le despotisme à visage familial des régimes policiers arabes » comme le dit Noël Mamère, auteur de la préface du livre.
Le livre essaie, notamment à travers l’expérience tunisienne mais aussi le vécu personnel de Moncef Marzouki, de décortiquer tous les ressorts politiques, sociaux, économiques voire idéologiques des dictatures dans le monde arabe. Ce qui permet de tracer un portrait sans concession de sociétés arabes livrées à la peur, à la torture, à la rumeur et aux faux-semblants en termes de justice, de presse ou de développement économique.
Un tel diagnostic alarmiste peut sembler hors de propos et dépassé vu les mouvements enregistrés par les sociétés arabes ces dernières semaines. Toutefois, l’analyse du livre a, heureusement, un côté prémonitoire.

Marzouki parle, par exemple, de la question sociale en des termes qui rappellent ce qui s’est passé en Tunisie dernièrement :
« Les citoyens (arabes) développent une forme d’intelligence sociale ; ils ont parfaitement compris qu’ils n’avaient rien à attendre de la politique institutionnelle. Du coup, ils ont tendance à se réfugier dans d’autres champs d’action, non en renonçant à la politique, mais en politisant le social. »

Dans la préface, Noël Mamère nous gratifie aussi de cette phrase étonnante a posteriori :
« Il est certain que les jeunes générations de la société civile arabe se sont emparées (des) nouveaux moyens de communication et que s’écroule l’omerta derrière laquelle la dictature mafieuse croyait pouvoir couler des jours heureux. »