
Par Sadok Rouai*
Le Fonds monétaire international (FMI) a mis à jour récemment la liste[1]des pays dont la conclusion des consultations au titre de l’Article IV de ses statuts a pris des retards dépassant 18 mois, en plus du délai normal de 15 mois. Comme attendu, la Tunisie continue de figurer sur cette liste négative (voir annexe).
Rappelons qu’en principe, une consultation devrait être conclue par le conseil d'administration dans les 12 mois suivant la clôture de la consultation précédente, avec une période de grâce de 3 mois. La plupart des pays respectent ces délais, et des retards de quelques mois sont tolérés pour garantir des discussions approfondies. Cependant, d'importants retards peuvent survenir pour des raisons politiques, de sécurité, à la demande des autorités, ou pendant des négociations en cours pour un programme.
Dans le cas de la Tunisie, la dernière consultation annuelle dans le cadre de l'article IV a été finalisée il y’a plus de 3 ans, le 17 février 2021[2]. Il convient de noter que tous les pays de la région ont continué d’avoir des relations normales avec le FMI soit dans le cadre de programmes (Égypte, Maroc et Mauritanie), ou dans le cadre de la surveillance annuelle au titre de l’article IV (Algérie et Libye).
Le fait que la Tunisie n‘a pas renoué avec le FMI, malgré la rencontre du gouverneur de la BCT avec le staff du Fonds lors des réunions du Printemps à Washington confirme, si besoin était, que la décision en ce domaine demeure politique et du ressort du président de la République qui, notons-le en passant, ne fait pas de différence entre programme avec le FMI, qui demeure une décision souveraine, et la surveillance annuelle qui est une obligation internationale.
Il est donc fort probable que la reprise des relations avec le Fonds ne verra pas le jour durant la présidence de Kaïs Saïd. L’expérience du Fonds dans ce domaine le confirme. Les autorités au pouvoir ne prennent jamais l’initiative d’une reprise, sauf suite à une crise financière grave qui requiert l’intervention urgente du FMI.
La question qui se pose donc est quelles sont les répercussions sur la Tunisie du gel de ses relations avec le Fonds ?
D’abord vis-à-vis du FMI. Tant que la Tunisie règle ses obligations financières avec le Fonds et lui transmet, dans les délais, les données statistiques et autres informations exigées par les statuts et les politiques du FMI, la Tunisie ne risque rien légalement mais maintient une image ternie. Il convient de noter, à ce sujet, que la Tunisie a réglé au FMI en 2024 l’équivalent de 491 millions de dollars entre principal et intérêts et qu’un montant de 223 millions de dollars doit être réglé d’ici la fin de l’année, sachant que l’encours des engagements de la Tunisie auprès du FMI s’élève actuellement à 1.209 millions de dollars. La Tunisie peut continuer de bénéficier de l’assistance technique du Fonds. Toutefois et avec le temps, le FMI risque de donner la priorité à d’autres pays.
Par contre, il y’a une décision que le Fonds peut, et à mon avis, doit prendre, c’est fermer son bureau à Tunis. Il n’y a pas de raison de maintenir une représentation inutile et coûteuse pour le FMI, dans un pays qui ne coopère pas avec l’institution.
Ensuite sur le plan du financement extérieur. Le gel des relations avec le Fonds, s’est traduit par un tarissement des financements budgétaires multilatéraux et bilatéraux au profit de l’État. Ce dernier s’est vu dans l’obligation de se tourner vers le financement local, au risque de restreindre le soutien bancaire au secteur privé. Pour autant, cette politique n’était pas suffisante et le Trésor a dû recourir également au financement bancaire en devises et aux emprunts auprès de la BCT.
Enfin sur le plan de la bonne gouvernance et de l’information citoyenne en Tunisie. 2024 est une année électorale et le citoyen tunisien en en droit d’être informé sur la situation économique du pays, sur la gestion des autorités, et sur les perspectives à court et moyen terme de l’économie. En l’absence de programmes électoraux et vu le retard chronique dans la publication du rapport annuel de la BCT, les rapports de la mission annuelle du FMI auraient offert une source inestimable d’informations, d’analyses, et de prospectives sur l’économie tunisienne. Les Tunisiens auraient eu droit à des analyses sur et à des réponses à un nombre de préoccupations telles que :
- Pourquoi la croissance demeure faible et le chômage élevé en Tunisie et quels sont les freins à l’investissement et au développement du secteur privé ?
- Quels sont les risques d’une politique autarcique qui tend à se suffire à soi-même sur le plan économique ?
- Est-ce que la dette publique est soutenable, sachant que déjà en 2021, le FMI estimait que son trend ne l’était pas en l’absence de réformes ?
- Le niveau élevé de la pression fiscale et de la taille du secteur informel ?
- Quid de l’inflation et de la politique monétaire de la BCT ?
- Avis sur le financement direct du Trésor par la BCT et sur la question de son indépendance ?
Des éclaircissements et avis auraient été également offerts sur le contenu et avancement de certaines réformes, telles que celle de la fonction publique, l’assainissement des entreprises publiques, le coût de la compensation, le code des changes…
Le Tunisien n’aurait rien de ça car on doit compter sur nous-mêmes.
Annexe. FMI - liste des pays dont l’achèvement des consultations au titre de l’Article IV a pris des retards de plus de 18 mois.
[1] List of IMF Member Countries with Delays in Completion of Article IV Consultations or Mandatory Financial Stability Assessments Over 18 Months
[2] Tunisia: 2021 Article IV Consultation-Press Release; Staff Report; and Statement by the Executive Director for Tunisia

Juste pour bien consolider le pourcentage de notre attention et de notre crédibilité des affirmations cité dans vos articles surtout les articles sur. Fond technique
Priere m'envoyer votre email pour vous envoyer mon CV
srouai@yah.com
ca va être la catastrophe et notre existence est menacé !!!!
Merci nous étions en sommeil avant vos précieuses informations Mr maryland
Merci