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La santé mentale des Tunisiens à l’épreuve de la crise
28/10/2023 | 12:00
6 min
La santé mentale des Tunisiens à l’épreuve de la crise

 

Depuis la crise du Covid-19, le sujet de la santé mentale a fait l’objet de nombreuses études. Le constat est clair : la pandémie a eu de graves répercussions sur la santé mentale et le bien-être des populations du monde entier, note l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Elle a entraîné une augmentation de 27,6 % des cas de troubles dépressifs majeurs et de 25,6 % des cas de troubles anxieux, selon une étude menée en 2020. En Tunisie, le covid-19, mais aussi la crise économique profonde que traverse le pays, n’ont pas épargné la santé mentale des Tunisiens et si peu de chiffres l’étayent, la réalité du terrain le confirme.

 

Le « Rapport mondial sur la santé mentale » publié par l’OMS en juin 2022 indique que la prévalence des problèmes de santé mentale est très élevée et ce dans tous les pays. Près d’une personne sur huit, dans le monde, présente un trouble psychique. Les troubles anxieux et dépressifs sont les plus répandus.

L’OMS explique que les inégalités sociales et économiques, la guerre et la crise climatique font partie des « menaces structurelles mondiales qui pèsent sur la santé mentale ». La dépression et l’anxiété ont ainsi augmenté de plus de 25 % au cours de la première année de la pandémie du Covid-19.

À l’échelle mondiale, note l’OMS dans une étude publiée en 2021, un jeune âgé de dix à 19 ans sur sept souffre d’un trouble mental, ce qui représente 13 % de la charge mondiale de morbidité dans cette tranche d’âge. La dépression, l’anxiété et les troubles du comportement sont parmi les principales causes de morbidité et d’invalidité chez les adolescents.

Le suicide est la cinquième cause la plus courante de décès chez les adolescents âgés de 10 à 19 ans. Selon un rapport de l’Unicef publié en octobre 2021, plus de 13 % des adolescents âgés de 10 à 19 ans sont atteints d’un trouble mental diagnostiqué. Cela représente 86 millions d’adolescents âgés de 15 à 19 ans et 80 millions d’adolescents âgés de 10 à 14 ans.

 

La situation en Tunisie

Si peu de chiffres relatifs à la situation de la santé mentale en Tunisie sont disponibles, les professionnels sont unanimes, les Tunisiens et particulièrement les jeunes Tunisiens, ne sont pas épargnés. Selon l’enquête Multiple Indicator Cluster Survey citée par l’Unicef, 16,6% des enfants tunisiens de cinq à 17 ans souffrent d'anxiété et 4,4% de dépression.

Leila Chaibi, Résidente en Psychiatrie et présidente de l’Association tunisienne de la promotion et prévention en santé mentale chez les jeunes, est aux premières loges pour observer, sur le terrain, la prévalence des troubles mentaux à l’échelle du pays.

« Depuis la crise du Covid-19, nous observons une augmentation de troubles mentaux, les dépressions notamment et les états anxieux. L’OMS évoque une augmentation de 28% des troubles dépressifs et de 26% des troubles anxieux dans le monde et la Tunisie ne fait pas l’exception. La prise en charge en Tunisie est relativement tardive, on observe un délai de quinze mois avant que les patients ne soient pris en charge, toutes structures confondues. Les Tunisiens qui souffrent de troubles mentaux, type dépression ou états anxieux, encaissent longtemps avant de se résoudre à consulter » nous a expliqué Mme Chaibi.

L’impact de la crise économique est bien là. En effet, depuis quelques années, souligne Leila Chaibi, une hausse dans le nombre des patients qui présentent des dépressions « réactionnelles », c’est-à-dire dont la cause peut être identifiée, est observée. « C’est toujours des problèmes d’ordre social, principalement le chômage et les problèmes d’ordre financier » a-t-elle ajouté.

Il convient de rappeler, dans ce sens, que le taux de chômage a atteint 15,6% au deuxième trimestre de l'année 2023, selon l'institut national de la statistique (INS). Le taux de chômage des diplômés du supérieur a atteint 23,7% au cours du deuxième trimestre de 2023. Le taux de chômage des jeunes âgés de 15 à 24 ans a atteint 38,1% au cours du deuxième trimestre de l'année 2023. Par manque de perspectives, les jeunes sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à chercher à émigrer.

« On observe à l’œil nu la hausse des cas de troubles mentaux et même des cas de suicides, de plus en plus chez les jeunes. Évidemment les chiffres recensés sont souvent erronés car les familles, pour des considérations sociales ou religieuses, font tout pour que la raison réelle du décès ne soit pas mentionnée. Les faits sont toutefois là. Il nous est arrivé de recenser pas moins de sept cas de suicides commis par des jeunes en un seul weekend » a déploré Mme Chaibi.

 

La consommation de cannabis mise en cause

Autre facteur aggravant, nous révèle la médecin psychiatre, la consommation de cannabis, qui se généralise et cause des ravages sur la santé mentale des jeunes. « Le lien entre la consommation de cannabis et l’apparition de psychoses et désormais prouvé. Cette consommation peut décompenser certains troubles ou les provoquer chez les personnes qui ont certaines prédispositions. Les cas de troubles liés à cette consommation sont de plus en plus fréquents et les enfants commencent à en être touchés. On recense désormais des enfants de huit et neuf ans parmi les consommateurs de cannabis. Le trafic touche les écoles, les collèges et les lycées et le phénomène est vraiment inquiétant tant cela peut avoir des conséquences directes sur la santé mentale des consommateurs » a-t-elle précisé.

L’enquête MedSPAD « Mediterranean School Project on Alcohol and Other Drugs » réalisée en 2021, a, en effet, montré que le cannabis était la substance la plus perçue comme accessible, par les jeunes, après les produits du tabac et les substances inhalées et avant les boissons alcoolisées. La prévalence de l’usage du cannabis a quintuplé entre 2013 et 2021, passant de 1,4% à 7,9%.

 

Pénurie de médicaments, les services psychiatriques aussi touchées

En ce qui concerne la pénurie de médicaments, qui touche aussi les produits prescrits pour traiter les troubles mentaux, le constat est tout aussi alarmant.

Il est arrivé que certains médicaments soient totalement en rupture dans les hôpitaux. Beaucoup de patients souffrant de troubles mentaux sont hospitalisés, de nouveau, car ils ont été incapables de se procurer leur traitement. « Nous avons eu des moments où aucun antipsychotique n’était disponible, nous avons dû prescrire aux malades le seul médicament disponible, même si ce n’était pas vraiment celui qui leur fallait, histoire de tenter de limiter les dégâts. Certains médicaments sont souvent trop chers pour être à la portée de tout le monde. Cela conduit à des rechutes qui peuvent être invalidantes pour les patients et conduire parfois à leur hospitalisation » nous a confié Leila Chaibi.

 

Promouvoir et prévenir les troubles mentaux, une nécessité

Au niveau du ministère de la Santé, une stratégie pour la promotion et la prévention des maladies mentales est en cours d’élaboration. Des études sont menées en collaboration avec la société civile et les professionnels du secteur, tant dans les structures publiques que privées. L’Association tunisienne de la promotion et prévention en santé mentale chez les jeunes œuvre d’ailleurs à sensibiliser sur le sujet. Des actions sont menées, principalement adressées aux jeunes, pour vulgariser certaines notions, expliquer, sans tabous, les pathologies, leurs symptômes et l’importance d’être attentif à ce qui touche à la santé mentale.

 

Les troubles mentaux sont des affections qui touchent 970 millions de personnes dans le monde (chiffres OMS de 2019). Ils sont observés chez les jeunes comme chez les moins jeunes et dans toutes les couches sociales. Les troubles mentaux, d’après ce que nous expliquent les professionnels, ne sont pas directement liés aux crises sanitaires ou économiques, mais ces facteurs de stress peuvent les déclarer chez les personnes prédisposées et les aggraver chez celles qui sont diagnostiquées. Un environnement anxiogène est un facteur qui vient donc compliquer la situation des concernés, cela n’est évidemment pas propre à la Tunisie et comme les chiffres le montrent, la tendance est mondiale tout autant que les crises.

 

 

Myriam Ben Zineb

28/10/2023 | 12:00
6 min
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Commentaires
Abir
Remarque@Rambo
a posté le 30-10-2023 à 10:08
Et comme el9out n'existe pas: yestanaw fil mout tout court !
Rambo
@ Abir
a posté le 30-10-2023 à 09:34
Les Tunisiens n'ont plus de rêves depuis très longtemps parceque tous ceux qui étaient et qui sont au pouvoir leur ont volé leurs rêves. Maintenant comme disait nos ancêtres : les tunisiens actuellement yeklou fil 9out, quand ils le peuvent bien sûr, w yistennew fil mout.
Abir
J'ajoute suite
a posté le 29-10-2023 à 11:33
Les rêves constructifs des Tunisiens sont disparus et sont remplacés par les rêves destructifs du pouvoir ! Rabi ya7mi Tounes !
Abir
Depuis13 ans , les rêves des Tunisiens sont détruits
a posté le 29-10-2023 à 11:08
Les Tunisiens se battent quotidiennement pour une baguette, pour un paquet de farine pour un kg de sucre pour 250g de café, un paquet de lait, loin d'un voyage ou même une excursion à l'intérieur de pays! Dans le temps, ils discutaient : où ils passeront leurs vacances, quelle marque de voiture, l'achat d'un appartement, la construction de la maison ! Aujourd'hui, leur seul souci courir chaque jour dans l'espoir d'avoir un produit alimentaire ! C'est triste honteux !
Hamza Nouira
Et bien....
a posté le 29-10-2023 à 01:26
La santé mentale des tunisiens a toujours été schizophrénique. Je crois que c'est génétique.
Bbaya
Pas de visibilité ni de perspectives!
a posté le 28-10-2023 à 20:40
J'ai du mal à retenir mes jeunes employés avec un salaire net de 1500DT et 2000DT, quand je discute avec eux ils ont du mal a finir les fins du mois! Ils me disent qu'ils ont envie de profiter un peu de la vie en voyageant au moins une fois par an à l'étranger, mais financièrement ils n'arrivent pas! Ils me disent quand ils vont voyager s'ils n'arrivent pas à leurs jeunesse ou en début de leurs couple! Du coup ils ont une seule envie c'est de quitter ce pays pour espérer réaliser leurs simples attentes de la vie! La Tunisie est pour eux c'est un cauchemar car ils travaillent comme des fous pour ne pas être au rouge en fin de mois!
Ces troubles sont surtout pour les jeunes couples!
Même pour les patrons, c'est un cauchemar de vivre dans un pays sans visibilité ni perspectives. Beaucoup de mon entourage ont abandonné pour aller s'installer en Afrique ou en asie, et leurs retours d'expérience c'est flattant! Ils sont énormément heureux de leurs nouvelles vies! Cela me tente de faire cette aventure( Aller créer un projet en Afrique ou en Asie! Surtout Quand il t'informe que tu peux créer une sociétéen 24h dans un guichet unique et démarrer ton business en 15 jours )
Letranger
Bof...
a posté le 28-10-2023 à 17:01
Vous savez, si vous regardiez de plus près, vous verriez que la "santé mentale" des Tunisiens ....
Si, si, regardez de plus près, avec les yeux et analysez avec ce qui vous sert de cerveau... vous verrez que cette situation n'est pas nouvelle...
Personal médical
Attendre le couché du soleil..
a posté le 28-10-2023 à 16:02
Ce qui est dramatique dans la situation, c'est que ces maladies mentales ont augmenté massivement dans la société sans qu'on puisse prescrire des neuroleptiques, des anxiolytiques.. aux patients, parce que ces médicaments sont assez chers et bien souvent indisponibles.
C'est comme à Gaza ou à Tel-Aviv, au lieu de s'accroupir dans une louche et de se cacher, les gens ici doivent occuper vite une chaise dans un coin d´un café très tôt le matin et attendre le couché du soleil..

Rabbi Inoub 3linè Bil Eyèm Iss3idè !
Bob Marley
Cannabis?
a posté le 28-10-2023 à 15:48
C'est le cannabis qui cause les psychoses et les ravages ? C'est bizarre, car c'est légalisé ou toleré dans les pays les plus avancés. Mais la Tunisie, on le sait bien, doit donner des leçons à tout le monde. Et moi qui croyais que ces psychoses étaient causées par les contradictions d'un Etat corrompu jusqu'au moelle, d'une gouvernance qui reduit les familles et les entreprises à la misère, et qui est en train d'amener la Tunisie dans un gouffre d'où elle sortira très difficilement... Pour plein de jeunes en Tunisie, vendre le cannabis c'est la seule façon d'arriver à nourrir soi meme et sa famille, malheureusement.
Abir
Rectification
a posté le 28-10-2023 à 15:08
Il faut lire : je veux bien et non je vais , merci !
Abir
Ce n'est pas étonnant
a posté le 28-10-2023 à 14:13
Oui ce n'est pas étonnant quand une mère de famille Abandonne son ménage le matin pour faire le fil dans l'espoir de trouver un paquet de lait mais sans résultat, le lait n'arrive que vers midi , cette mère de famille retourne chez elle pour terminer son menage installé le repas de ses enfants et tout suite retourne au magasin pour enfin avoir deux paquets de lait comme des autres mais dans cette histoire triste , il y'en a qui n'ont pas arrivé à avoir même pas un paquet, une femme qui criait, il n'y a pas quelqu'un qui pourrait me faire un dont d'un paquet et là : mon amie qui m'a raconté ce drame, elle a répondu à la femme : je vais bien t'en donner un mais , j'ai fait deux fois le trajet et quatre étages , je suis désolée malheureusement ! Voilà j'ai raconté le quotidien des Tunisiens comme on me l'avait raconté, tout les jours et pour chaque produit qui manque ! Donc il ne faut pas s'étonner si le mentale des Tunisiens s'écroule
J.trzd
Ahl el3ou9oul fi raha disaient les sages
a posté le 28-10-2023 à 14:10
On arrive à peine à concilier cette sagesse avec l'autre conclusion de abou'l3alaa elma3arri (dhou'la9li ech9a fi'na3imi bi 3a9lihi ,wa dhou'l jahli filjahalati yan3amou ( à ajouter au dictionnaire des ( moufara9at)
J.trad
Des conclusions tirées par les cheveux
a posté le 28-10-2023 à 13:58
A voir la normalisation globale avec les américains ,je m'étonnes que la normalisations avec les sionistes à qui on a ouvert les portes avec des clés onusiens ,je m'étonnes que certains s'étonnent ,les américains sont pires que les sionistes ,puisqu'ils ravitaillent ceux qui sont l'incarnation du diable , l'expression est de Dieu ,il emploie la définition chayatins Al inss .
Ahmed
Voici un beau cas clinique
a posté le à 08:52
Mahboul adha
Larry
@J.trad
a posté le à 15:28
D'une :
Aucun rapport avec l'article !

De deux :
Les américains n'existaient pas avant l'arrivée de ton dieu !....

Tais toi.... tu te ridiculises !....
hourcq
'?tre bien dans sa peau...
a posté le 28-10-2023 à 13:33
et avoir un bon équilibre de vie sont des objectifs difficiles à atteindre dans un monde où les nuages sombres s'accumulent. Entre les guerres, le réchauffement climatique, la pollution, la surpopulation auxquels s' ajoutent la cherté de la vie, le chômage, des conflits interpersonnels, difficile d'être serein en ce monde.
Rares sont les troubles mentaux " innés " dûs d' ailleurs à des facteurs le plus souvent identifiables.
Ce qui est le plus choquant, c'est le suicide des jeunes, lié à la maltraitance, au harcèlement des réseaux sociaux, à la dévalorisation de soi....Malheureusement la psychiatrie et les traitements qu'elle propose sont quasi-inexistants en Tunisie et même dans les pays développés elle n' est pas au niveau requis.
Excellent article en tout cas qui nous rappelle que les humains ne souffrent pas seulement dans leurs corps mais aussi dans leurs âmes.
Ben Mansour
Ces chercheurs oublient...
a posté le 28-10-2023 à 13:26
Ces chercheurs -- dans le monde entier - oublient ou ne veulent pas aborder par manque de données et pour éviter de parler de lobbying ou pour d'autres raisons, les causes réelles apparues à partir de la pandémie COVID à savoir "" le vaccin"".
Dépressions réactionnelles, troubles anxieux, troubles mentaux, fragilité psychologique et d'autres pathologies relatives os, articulations et squelettes dont on ne parle pas sont conséquents de la prise de ces vaccins -- mal préparés, insuffisamment essayés à l'avance et mis en service précocement sans aucune garantie , ni études validées.
Welles
La famille
a posté le 28-10-2023 à 12:54
Nous assistons aussi un éclatement de la structure familiale qui servait auparavant de refuge et de maintien d'un équilibre mental. De là l'amplification d'un individualisme qui génère un égoïsme ravageur des valeurs sociales et delà un état de conscience boiteuse et déstructurée.