
Si le discours de Moncef Marzouki à Doha à la conférence « quel avenir pour les printemps arabes » reflète une chose, c’est bel et bien cette hypocrisie et cette haine de l’ancien président à l’encontre de ses concitoyens qui se sont opposés à lui ou qui ne sont pas d’accord avec ses idées.
De tous temps, un président ayant achevé son mandat se réserve de toute déclaration publique à l’encontre de ses successeurs. On appelle cela une obligation de réserve. Et quand un président ayant achevé son mandat décide de revenir à la politique, comme c’est le cas de Nicolas Sarkozy en France par exemple, il s’abstient de tout commentaire de politique intérieure quand il est à l’étranger. Moncef Marzouki n’est pas de cette trempe là et il se donne un malin plaisir de dénigrer les Tunisiens qui ne lui ressemblent pas. C’est surtout au Qatar et dans les pays arabes qu’il s’adonne à ce sport, puisque quand il est dans un pays occidental, Marzouki adopte étrangement l’obligation de réserve que lui imposent les règles protocolaires de ces pays.
A Doha, mercredi 13 mai 2015, Moncef Marzouki divise encore une fois les Tunisiens en deux catégories, les bourgeois et le peuple. Pour lui, les bourgeois tendus refusent l’Etat de la citoyenneté et n’acceptent pas les révolutionnaires pacifiques. « Ceci va les pousser à affronter des révolutionnaires non pacifiques (…) Si la contrerévolution a raison de nous et si elle nous faire revenir en arrière, il y aura une nouvelle génération de révolutionnaires qui dressera les potences ».
Dans le même discours, et à plus d’une reprise, il a traité les Tunisiens d’idiots. « Après avoir réfléchi et analysé longuement, je me suis rendu compte à cette évidence. Nous faisons face à des idiots ! Le combat est entre l’intelligence et l’idiotie. L’idiotie chez nous n’a pas de limites ». Et de citer plusieurs exemples de comportements idiots de ses opposants. « Ces bourgeoisies refusent toute transition pacifique, ils n’ont pas reçu le message. (…) Il y aura systématiquement une contrerévolution quoique vous fassiez ! La contrerévolution a utilisé le mensonge, la propagande politique, etc. » Et de rappeler ce qui s’est passé en Syrie quand les « révolutionnaires » ont dit qu’ils allaient se débarrasser du régime, quitte à brûler le pays !
D’après lui, il y a ceux qui aiment le pays avec le cœur, comme lui et son camp et ceux qui aiment le pays avec les dents et la langue, comme un poulet rôti.
Évoquant l’Egypte, il indique que ce qui s’y est passé est un coup d’Etat militaire et il souligne en rouge le mot. Il fait le parallèle avec la Tunisie et relève que ses opposants ont voulu faire la même chose en appelant au renversement de l’assemblée et que « leurs » médias appelaient l’armée à intervenir et à entrer dans les sièges de gouvernorat.
Interrogé sur l’absence de révolution en Algérie, Marzouki a préféré lancer un rire ironique.
Quant à la Syrie, il a traité le président Bachar El Assad de sanguinaire et tyran.
La contrerévolution n’a pas de morale et de déontologie. « La contrerévolution en Tunisie a usé de moyens immoraux contre nous. »
Tournant le dos aux valeurs ordinaires et à la déontologie qui exigent de lui un minimum de respect à l’égard de ses concitoyens, Moncef Marzouki dit tout le contraire de ce qu’il fait et souligne qu’il faut respecter la morale et les valeurs, car la révolution est une question de valeurs.
Idem quand il s’agit d’évaluer le travail de Béji Caïd Essebsi, son successeur au palais de Carthage. Après avoir commis un lapsus en confondant Caïd Essebsi et Sissi, Marzouki insiste pour charcuter le nom de famille du président de la République en prononçant Essebsi au lieu de Caïd Essebsi. Et de dire « Eux, ils nous ont harcelés avec des manifestants, les médias, ils ne nous ont pas laissé tranquille ne serait-ce qu’une minute. Mais moi je ne dis rien sur ce régime, car c’est ma morale. Et s’ils font quelque chose de bien, je le dirai. »
Immédiatement après et dans la même phrase, Marzouki fait exactement le contraire en déclarant qu’il n’est pas du tout satisfait du travail de l’actuel régime. « Notre politique étrangère est catastrophique, notre diplomatie est devenue une risée, l’économique est catastrophique, la situation politique ne présage rien de bon et nous n’allons pas du tout dans la bonne direction(…) Ils n’ont pas réalisé une seule chose pour que je les félicite ! ». Plus tard, il dira carrément que ceux qui sont arrivés démocratiquement au pouvoir, ne sont pas du tout démocrates.
Béji Caïd Essebsi n’était pas le seul à subir les affres à l’étranger de Moncef Marzouki. Ennahdha aura son lot de dénigrement également puisque le parti islamiste s’est ligué avec l’ancien régime. Il estime cependant que ceci n’est que passager et que le courant se rétablira entre lui et les islamistes parce que le combat, dit-il, est entre les démocrates et les non-démocrates.
A l’entendre, c’est lui qui a accepté qu’il y ait une démocratie, des élections transparentes et une transition en Tunisie. « L’essentiel pour moi était d’introduire la pédagogie en démocratie en Tunisie ».
Le hic, c’est que plus tard, il dira et insistera sur le fait qu’il aurait dû y avoir une loi de protection de la révolution en Tunisie. « Si j’étais député, j’aurais tout fait pour faire passer cette loi. Malheureusement, j’étais président de la République et mon poste m’empêchait de faire ce que je voulais, je devais faire ce qui devait l’être ».
Interrogé sur l’argent dans la politique, il a indiqué qu’il y avait de l’argent sale qui a faussé les élections et la démocratie en Tunisie. Cet argent a été injecté dans les médias, dans les partis et dans toute la campagne et il est étranger et national. « Il est impératif qu’il y ait une loi régissant le financement de la politique en Tunisie et empêche l’argent sale.
Qu’entend Marzouki par nouvelle génération de révolutionnaires, lui qui est en pleine création d’un nouveau mouvement politique avec du sang neuf ? En évoquant les potences que dresseraient cette nouvelle génération de révolutionnaires et en rappelant que les Syriens sont décidés à brûler le pays pour se débarrasser de l’ancien régime, n’est-il pas en train de lancer des messages entre les lignes pour inciter les siens à faire pareil ?
Le hic est que Marzouki prononce son discours dans un pays qui n’a absolument rien de démocratique et qui n’a jamais observé de révolution. Pire, ce pays torture et emprisonne ses opposants politiques et empêche toute liberté d’expression en matière de politique intérieure.
La vérité est que c’est Moncef Marzouki qui refuse la démocratie et le résultat des urnes et entend faire revenir le pays en arrière en imposant ses « révolutionnaires pacifiques » rejetés par les élections.
R.B.H.
